La voix de la Suisse dans le monde depuis 1935

Des scans précis du terrain font de la Suisse une mine d’or pour l’archéologie

Emplacement d'un ancien château fort sous une couche de neige.
Découvert grâce au Lidar: un ancien site de château fort dans l’Emmental bernois. Uni Berne

Si la Suisse a été mesurée et cartographiée, elle n’a de loin pas été entièrement explorée. Grâce à la technologie LiDAR, qui utilise des impulsions laser, les archéologues pourraient désormais percer des secrets restés enfouis durant des siècles. Aucun autre pays ne propose des données haute résolution et librement accessibles sur l’ensemble de son territoire.

Dans un pays densément peuplé, tel que la Suisse, presque aucun endroit n’a échappé à l’empreinte humaine. Routes, maisons et terres agricoles façonnent le paysage. Même les forêts, qui couvrent un tiers de la Suisse, sont exploitées.

Pourtant, celles-ci sont aussi des sanctuaires du passé. Entre humus et racines sommeillent des trésors archéologiques.

Le LiDAR peut lever le voile sur ces vestiges. Cette technologie permet de décrire finement le sol et de créer ainsi des reliefs précis du terrain.

«LiDAR», qui signifie Light Detection and Ranging, repose sur des capteurs laser déployés depuis les airs. Un avion ou un drone émet des rayons qui frappent le sol et sont réfléchis.

Les capteurs mesurent le temps de parcours des rayons et en déduisent la hauteur et la structure du paysage. L’opération est également possible sous couvert végétal.

La Suisse est une pionnière de cette technologie. Dès 2017, Swisstopo a cartographié l’ensemble du pays avec LiDAR. Ce travail est désormais achevé et les donnéesLien externe peuvent être téléchargées gratuitement sur le site Internet de Swisstopo. 

Focus sur les forêts

L’archéologue Gino Caspari.
L’archéologue Gino Caspari.

«D’autres pays disposent également de données LiDAR à haute résolution en libre accès, mais une couverture du territoire national comme celle de la Suisse est unique», explique l’archéologue suisse Gino Caspari.

Dans une publication scientifiqueLien externe, Gino Caspari a mis en avant les avantages de cette technologie. Depuis, il fait la promotion de son utilisation en Suisse.

Selon l’archéologue, le LiDAR pourrait faire progresser la recherche archéologique dans les zones boisées. Les fouilles archéologiques font généralement suite à des projets de construction, ce qui signifie que la plupart des découvertes ont lieu dans des zones urbaines ou agricoles.

Les données LiDAR permettent de voir sous l’épaisse feuillée des arbres. Comme la lumière du soleil qui traverse le feuillage de la forêt, les rayons laser atteignent également le sol.

Un logiciel spécifique filtre les points de données de la végétation. Il en résulte un profil 3D détaillé du sol forestier, qui peut être observé sous tous les angles.

Des collines artificielles, pouvant abriter d’anciennes tombes ou des structures à angle droit, potentiellement les fondations d’une ruine, deviennent visibles.

Cette technologie a gagné en notoriété dans le monde entier grâce aux découvertes spectaculaires de vestiges d’anciennes civilisations, jusqu’alors cachés dans la forêt vierge.

Dans la forêt tropicale du Guatemala, d’anciennes colonies mayas sont apparues en relief. Au Cambodge, un scan du paysage a révélé une structure massive appartenant à une ancienne cité khmère.

Vue par laser du site d'Aguada Fénix, un complexe cultuel des débuts de la civilisation maya au Mexique.
Découverte spectaculaire dans la forêt: Aguada Fénix, un complexe cultuel des débuts de la civilisation maya au Mexique. Lidar

Une histoire à succès

Les premières applications du LiDAR ont également fourni de bons résultats en Suisse. En 2016, de telles cartes ont permis de découvrir un château dans l’Emmental. En 2020, les données LiDAR ont révélé l’ampleur réelle d’un village celtique à Roggwil, dans le canton de BerneLien externe.

Gino Caspari n’a pour sa part pas encore fait de découvertes archéologiques en Suisse grâce au LiDAR, mais il a exploité cette technologie à l’étranger.

«Dans une région isolée de Norvège, nous avons trouvé grâce au LiDAR d’innombrables maisons minières datant de l’âge de pierre, offrant une tout autre image du paysage préhistorique», raconte le Thounois, qui s’est surtout fait un nom grâce à des fouilles en Asie centrale.

Le chercheur se dit fasciné par le potentiel du LiDAR en Suisse et envisage de mener des projets dans le pays à l’avenir.

Le LiDAR n’est qu’un début

Le LiDAR est prometteur, mais, à lui seul, il reste insuffisant. «Il est toujours important de confirmer ou d’infirmer ces découvertes sur le terrain, car, même avec de bonnes données, il est facile de se tromper», indique Gino Caspari.

Des tumuli d’origine humaine sur une représentation de Swisstopo et la réalité du terrain.
Deux tumuli d’origine humaine sur une représentation de Swisstopo et la réalité du terrain. Swisstopo

L’intelligence artificielle peut aider en analysant les énormes quantités de données collectées. «Les modèles d’apprentissage profond peuvent identifier de manière automatisée des structures archéologiques», explique Gino Caspari. «De telles méthodes nécessitent néanmoins de vastes données d’entraînement et une expertise spécialisée», ajoute-t-il.

En somme, les ressources financières à disposition vont déterminer si et dans quelle mesure les données LiDAR, elles-mêmes gratuites, seront exploitées pour des projets archéologiques dans les années à venir.

«Ce qui manque pour l’instant, c’est une analyse à grande échelle. Or, cela nécessite des moyens financiers et, en archéologie, ceux-ci sont souvent difficiles à obtenir.»

Pendant ce temps, la technologie continue d’évoluer, avec des outils qui, contrairement au LiDAR, peuvent aussi regarder sous la surface de la Terre.

«Les radars de sol et les mesures de résistance électrique permettent d’étudier directement les structures souterraines. Quant au géomagnétisme par drone, il révolutionnera certainement encore l’archéologie», prédit Gino Caspari.

Une certitude: l’archéologie suisse a un avenir passionnant devant elle. Les outils sont disponibles, les connaissances augmentent. Et si la volonté des autorités et des institutions est au rendez-vous, des découvertes, peut-être révolutionnaires, pourront voir le jour.

Texte relu et vérifié par Balz Rigendinger, traduit de l’allemand par Zélie Schaller/op

Plus

Les plus lus
Cinquième Suisse

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision