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La propagation rapide du coronavirus complique les tests systématiques

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Environ 2500 tests par jours sont actuellement effectués en Suisse, selon le gouvernement. Keystone / Anthony Anex

Le gouvernement suisse est sous le feu des critiques: il a opté pour un dépistage ciblé des cas d’infection au nouveau coronavirus au lieu d’effectuer des tests systématiques. De leur côté, certains cantons sont en train de renforcer rapidement leurs capacités pour intensifier massivement les tests.

Lundi, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a appelé les pays à intensifier les tests, estimant qu’il s’agissait du meilleur moyen d’enrayer la pandémie de coronavirus. «Nous avons un message simple à adresser à tous les pays – testez, testez, testez», a déclaré le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesu, lors d’une conférence de presse à Genève.

Toutefois, le gouvernement suisse n’a pas fait des tests la priorité absolue de sa stratégie pour contenir le virus. Daniel Koch, responsable de la division des maladies transmissibles à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), a estimé, lors d’une Conférence de presse, que le dépistage généralisé était judicieux pour les pays au début d’une épidémie afin d’éviter une large propagation. «Cette phase étant terminée en Europe, la stratégie de l’OMS n’est pas spécifiquement destinée à l’Europe ou à la Suisse», a-t-il ajouté. Il a affirmé qu’il n’était pas possible en Suisse, tout comme dans d’autres pays confrontés à une situation similaire, de tester toutes les personnes qui ont un rhume.

2500 personnes par jour testées

Lorsque les premiers cas ont commencé à apparaître en Suisse le 25 février, le pays avait une approche systématique consistant à tester les voyageurs en provenance des zones infectées, ainsi que toutes les personnes ayant été en contact avec des malades du Covid-19. Une fois que le virus a commencé à se propager dans le pays, le gouvernement a décidé, début mars, de n’effectuer plus que des tests ciblés sur les groupes à haut risque (personnes souffrant de maladies chroniques ou personnes âgées) et sur ceux qui présentent des symptômes graves.

Lors d’une conférence de presse lundi, le ministre de la Santé Alain Berset a défendu cette stratégie: «Nous n’avons pas accès à 8,5 millions de tests, nous devons donc agir de manière ciblée». Le raisonnement repose essentiellement sur l’idée de ne pas surcharger les hôpitaux et de réserver plutôt les ressources de santé aux personnes qui sont le plus en danger en cas d’infection. Les autres doivent rester chez elles et appliquer les mesures d’hygiène.

Selon le gouvernement, environ 2500 personnes par jour sont testées, alors que la Corée du Sud effectue environ 20’000 tests quotidiennement. Daniel Koch souligne que le gouvernement prévoit d’augmenter les capacités et d’étendre les tests à un plus grand sous-ensemble de la population, mais il a donné peu de détails.

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Renforcement des capacités

En coulisses, les cantons renforcent leurs infrastructures de dépistage. Lundi, le canton de Berne a annoncé l’ouverture d’un centre de test quil devrait effectuer 800 à 1000 tests par jour avec l’aide du système de la société pharmaceutique suisse Roche, récemment homologué.

Gundekar Giebel, qui dirige la communication de l’Office cantonal de la santé publique du canton de Berne, a confirmé à swissinfo.ch que le centre sera certainement opérationnel la semaine prochaine dans la halle d’exposition BernExpo et que deux autres centres sont prévus à Bienne et à Thoune. Les personnes testées pourront recevoir les résultats dans les 24 heures.

«Cela permettra de multiplier par cinq la capacité de test», a expliqué Gundekar Giebel. Celui-ci peine à livrer des chiffres précis sur le nombre total de cas qui ont été testés jusqu’à présent, mais il estime que le plus grand hôpital de Berne, l’Inselspital, a effectué environ 1500 tests au cours des trois dernières semaines.

Avec les nouveaux centres, Gundekar Giebel espère qu’entre 2500 et 3000 tests par jour pourront être effectués dans le canton. Actuellement, il y a entre 15 et 16 endroits où l’on peut prélever des échantillons dans le nez ou la gorge des patients. Il s’agit d’hôpitaux, de quelques cabinets médicaux ainsi que de centres privés installés dans quelques villages. «Nous devons faire sortir les gens des salles d’urgence et des cabinets médicaux, car ils bloquent la capacité de traiter les cas urgents d’infection au coronavirus», explique le porte-parole.

Le canton de Bâle-Campagne a également mis en place deux équipes mobiles pour tester les personnes présentant des symptômes à leur domicile. Pour l’instant, il faut contacter son médecin généraliste pour demander un test de l’équipe mobile. Les médecins de Bâle peuvent aussi envoyer leurs patients à l’un des deux centres mis en place dans des salles de sport.

L’Hôpital universitaire du canton de Vaud (CHUV) a développé un outil pour aider la population et les professionnels de la santé à évaluer le risque d’infection et à déterminer les mesures à prendre.

Depuis le 11 mars, tous les laboratoires de microbiologie accrédités du canton de Zurich sont en mesure d’effectuer un premier diagnostic du SRAS-CoV-2. Les résultats des patients testés positifs par les laboratoires cantonaux sont ensuite envoyés au Centre national de référence pour les maladies virales émergentes (CRIVE) pour confirmation.

Un sentiment de malaise

Même avec l’augmentation de la capacité, des questions subsistent quant à savoir qui doit être testé. Gundekar Giebel indique que des discussions ont toujours cours sur la marche à suivre, notamment sur la question de savoir si les gens doivent d’abord appeler leur médecin traitant et si le dépistage sera étendu à un plus grand nombre de personnes.

Cela a fait l’objet d’un débat et d’un certain malaise au sein de la population. Jeudi dernier, Jamil Chade, journaliste brésilien à Genève, avait une forte fièvre, des frissons, accompagnés d’une toux. Il s’était déplacé dans toute la ville pour faire des reportages et craignait d’avoir été infecté.

Il s’est rendu dans une clinique privée à Genève vendredi et a demandé à être testé. Cependant, la médecin a déclaré qu’il ne répondait pas aux critères de dépistage. Elle a ajouté que cela ne changerait rien, puisque les recommandations seraient les mêmes qu’il soit positif ou négatif. «Elle m’a dit de rester à la maison et m’a donné du paracétamol», raconte le journaliste.

Jamil Chade a suivi les instructions du médecin, mais il pense toutefois que le fait d’être testé positif incite les gens à se comporter différemment. «Si j’avais été testé positif, j’aurais informé les autres personnes avec lesquelles j’ai été en contact afin qu’elles puissent prendre des précautions», confie-t-il.

Combattre les yeux bandés

La stratégie des tests ciblés de la Suisse a été encore davantage critiquée à la suite des déclarations d’un ministre de Singapour, lui-même félicité pour ses mesures de confinement efficaces. Ce dernier a pointé du doigt la Suisse et le Royaume-Uni, accusant les deux pays d’«avoir abandonné toute mesure visant à contenir ou à restreindre le virus».

«Tous les pays devraient pouvoir tester tous les cas suspects, ils ne peuvent pas lutter contre cette pandémie les yeux bandés» Tedros Adhanom Ghebreyesu, directeur général de l’OMS

Certains experts en virologie à l’intérieur du pays ont également demandé que les tests soient étendus. L’un des problèmes de cette stratégie est la confusion qu’elle crée dans la compréhension des chiffres. Il est difficile de cerner l’ampleur de la crise et de mettre en perspective le taux de mortalité si l’on ne connait pas précisément le nombre de cas.

«Tous les pays devraient pouvoir tester tous les cas suspects, ils ne peuvent pas lutter contre cette pandémie les yeux bandés», a déclaré lundi le directeur général de l’OMS. Sans test, les cas ne peuvent pas être isolés et la chaîne d’infection ne sera pas rompue, a-t-il ajouté.

Le Financial Times a rapporté mardi que les tests effectués dans la petite commune italienne de Vò, près de Venise, avaient permis d’éviter de nouvelles infections dans la ville qui était au centre de l’épidémie du pays.

Le gouvernement suisse veut conserver la confiance de la population et ne pas susciter trop d’attentes. «Ce n’est pas que nous cachions des chiffres ou que nous ne voulions pas les partager, a expliqué mardi Daniel Koch. Toutefois, l’augmentation des cas est si rapide et si importante que nous avons vraiment du mal à vous présenter ces chiffres maintenant sous la forme que la presse souhaiterait.»

Les chiffres bruts ne sont plus aussi importants, a affirmé Daniel Koch. Ce qui est important, c’est d’avoir suffisamment de lits prêts pour les malades quand la vague arrivera.

>> Les réactifs pour les tests sont produits à l’étranger et commencent à manquer:

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(traduction de l’anglais: Katy Romy)

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