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Au FMI, un siège suisse potentiellement éjectable

Membre depuis 1992 du Fonds monétaire international (FMI), en réunion annuelle la semaine dernière en Turquie, la Suisse conduit un petit groupe de voix baptisé Helvétistan et dispose d'un des 24 sièges d'administrateur. Siège que les réformes à venir pourraient faire vaciller. Repères.

Ils sont vingt-quatre et se réunissent trois jours par semaine à Washington pour assumer la conduite au jour le jour du FMI, formant le Conseil d’administration de l’institution.

Certains agissent au nom de leur seul pays, comme l’Américain, le Français, l’Allemand ou le Japonais. D’autres pour plusieurs pays. Parmi eux, un Suisse (actuellement, Thomas Moser), qui représente sept autres nations groupées sous le label d’Helvétistan.

On trouve dans ce petit groupe (2,8% des votes, 18e groupe de voix sur 24) la Pologne et la Serbie, où le ministre suisse des finances a fait escale récemment, mais aussi le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, le Kirghizstan, le Turkménistan et l’Azerbaïdjan. Une Asie centrale visitée par la ministre des Affaires étrangères en début d’automne.

La Suisse a obtenu sa place au conseil d’administration, et pour cela formé l’Helvétistan, en 1992, au moment de son adhésion. Un joli coup, a-t-on pu dire à l’époque. Mais ce siège est en danger, jugent aujourd’hui certains observateurs, dans les coulisses de l’organisation comme au dehors.

La Pologne pourrait en effet rejoindre un groupe européen plus naturel pour elle – hypothèse contestée à Berne. Qui plus est, la Suisse perd du poids dans l’économie mondiale en termes relatifs ces dernières décennies.

Du fait de l’importance de sa place financière, elle est du reste légèrement surreprésentée en vote par rapport aux quotes-parts calculées. Mais les quotes-parts reflètent mal l’importance du secteur financier d’un pays, explique Paul Inderbinen, chef de la section FMI et financements internationaux à l’Administration fédérale des finances.

Pas optimiste

Professeur d’économie internationale à l’IHEID, Charles Wyplosz n’est pas optimiste. L’Europe dispose d’au moins 10 sièges sur 24, explique-t-il. Bien plus que sa part démographique dans le monde. Et ce, alors que la montée en puissance des pays émergeants bouleverse les équilibres.

Ces prochaines années, la pression des Asiatiques et des Sud-Américains pour réduire à leur profit la part de l’Europe va monter, prévoit l’économiste. Mais aucun Européen ne veut perdre son siège.

«La Suisse est dans une position particulièrement fragile. La logique de voir essentiellement des pays en développement représentés par un pays européen ne saute pas au yeux», juge l’économiste.

Et «dans la mesure où il va falloir violenter plusieurs pays européens, j’ai bien peur que la Suisse ne fasse partie de la charrette d’ici quelques années».

«Pas sur la table»

Alors que les Etats-Unis ont demandé une réduction du nombre de sièges du conseil d’administration, on calme le jeu à Berne. La question des sièges «n’est pas sur la table et un consensus n’existe pas», indique Paul Inderbinen.

Selon lui, certains pays veulent un conseil plus petit, d’autres plus grand. «Il est donc difficile de dire quelle direction prendront les choses». Pour l’heure, seul le chantier de la redistribution des quotes-parts (au moins 5%) en faveur des pays émergeants sous-représentés vient de commencer, de manière anticipée. Et à ce stade, son implication sur les sièges n’est pas connue, constate-t-il.

Liées au poids relatif dans l’économie mondiale (basés sur des variables pondérées comme le PIB, le commerce, les variations économiques), les quotes-parts déterminent notamment l’influence d’un pays dans les décisions du FMI par le biais des droits de vote.

Le chantier de la redistribution commence et la Suisse a sa position. Il faut partir du montant absolu dont a besoin le FMI (en fonction de son mandat, bientôt réformé), pour ensuite décider d’une augmentation ou non des quotes-parts puis de leur attribution, sur la base de la sous ou de la sur-présentation des pays et «en tenant mieux compte du poids du secteur financier des pays», indique Paul Inderbinen.

Central pour la Suisse

Reste cette question: à quoi sert un siège au conseil d’administration du FMI? La Suisse – petit pays très ouvert sur le plan économique et financier – a besoin de règles claires, explique Paul Inderbinen. Elle doit pouvoir participer à leur évolution et s’assurer de leur application équitable.

«Pour le système financier international, ces règles sont discutées, déterminées et appliquées par le FMI. Une voix permanente dans ces discussions est centrale pour la Suisse.»

Charles Wyplosz est, lui, dubitatif. A part la dimension de prestige et la possibilité d’obtenir «quelques menus avantages politiques dans la mesure où on a une voix que l’on peut marchander sur d’autres dossiers», il ne voit pas vraiment l’intérêt d’un siège.

Pour lui, «les Etats-Unis pèsent sur les choix du FMI, ils ont 17% des voix à eux seuls. La Chine, la France ou la Grande-Bretagne pèsent de temps en temps. Les autres pas du tout. La Suisse ne va pas se noyer dans le Léman si elle perd son siège!»

Pierre-François Besson, swissinfo.ch

La quote-part, liée au poids relatif dans l’économie mondiale, détermine combien un pays verse au FMI pour le financer et quel montant d’aide financière maximum ce pays peut obtenir.

La quote-part définit en termes chiffrés son influence dans les décisions de l’institution. Chaque membre dispose en effet d’un quota de voix de base auxquelles d’ajoutent un nombre de voix dépendant de sa quote-part.

Chiffres Le FMI, dont 186 pays sont membres, emploie quelque 2500 collaborateurs et dispose de ressources pour un montant de 325 milliards de dollars (quotes-parts), auxquels viennent progressivement s’ajouter 500 milliards promis dans le droit fil de la crise financière.

Action Le FMI travaille à promouvoir la coopération monétaire internationale, faciliter l’expansion et la croissance équilibrées du commerce mondial, promouvoir la stabilité des changes, aider à établir un système multilatéral de paiements, mettre ses ressources à la disposition des pays confrontés à des difficultés de balance des paiements.

Avenir Lors de sa dernière réunion, le G20 a choisi d’en faire un sorte de gouvernement économique mondial. Il devra surveiller les déséquilibres et établir un système d’alerte pour prévenir les crises. Il vérifiera aussi la compatibilité des politiques économiques des Etats et fera des recommandations aux pays qui devront prendre des mesures correctives.

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