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Migros s’attaque au marché du médicament

Les pharmacies "Zur Rose" s'allient à la Migros pour un partenariat qui fait du bruit. Keystone

Le N° 1 de la distribution a fait sursauter les milieux de la santé en annonçant un essai-pilote de vente de médicaments pour «freiner les coûts de la santé».

Le géant orange a choisi pour partenaire la Pharmacie Zur Rose, qui livre déjà des médicaments par poste et sans taxe, au grand dam des pharmaciens.

Concrètement, de quoi s’agit-il? Les clients de la Migros de Lenzbourg (canton d’Argovie) peuvent remettre leur ordonnance au service clientèle, qui la transmet à la pharmacie. Deux jours plus tard, le médicament peut être retiré, libre de la taxe pharmaceutique.

Cet «essai-pilote» de vente de médicaments sur ordonnance lancé par Migros à Lenzbourg vient d’être agréé par le département de la santé publique argovien, qui avait ordonné une enquête.

L’activité de Migros n’est pas non plus soumise à autorisation, a indiqué mardi le gouvernement argovien dans un communiqué. Les commerces de détail doivent demander une autorisation pour la vente de médicaments. Dans le cas du géant orange, la remise s’effectue par la pharmacie de vente par correspondance thurgovienne «Zur Rose».

Si l’essai, qui se poursuit pour l’heure, s’avère concluant d’ici l’été, Migros veut l’étendre à d’autres filiales et contribuer ainsi à la baisse des coûts de la santé. La nouvelle avait été accueillie avec scepticisme par la Société suisse des pharmaciens (SSPh).

Un partenaire efficace

Pour mener cette première expérience dans le secteur du médicament, Migros n’a pas choisi n’importe quel partenaire. La pharmacie «Zur Rose», un groupe d’entreprises appartenant à des médecins, vend des médicaments par correspondance depuis 2001.

Avec 6500 produits à disposition, le groupe a déjà livré 100’000 clients en Suisse. En 2005, il a par ailleurs étendu ses activités en Allemagne, doublant ses ventes pour atteindre 50 millions de francs, précise son directeur Kurt Eberle.

Lequel se félicite de sa collaboration avec Migros, qui «manifeste la volonté des gens de participer à la baisse des coûts de la santé».

L’intérêt des patients

En effet, les clients ne paient pas de taxe pharmaceutique et se voient offrir des rabais jusqu’à 10%. En fait, le groupe surfe sur les particularités d’un pays où il est permis de livrer des médicaments par poste, mais où les médecins ne sont pas autorisés partout à en vendre.

«C’est interdit en Suisse romande, mais possible dans certaines régions rurales de Suisse alémanique qui manquent de pharmacies», explique encore Marcel Wyler, responsable de la communication de la Société suisse des pharmaciens (SSPh).

Et les médecins, quel est leur intérêt? «Aucun. Mon seul but est que mes patientes paient leurs médicaments le moins cher possible», répond Hans-Ulrich Bratschi, gynécologue à Berne et membre de Zur Rose.

Il s’agit donc de contourner, en l’occurrence, le système des forfaits. Car depuis 2001, en accord avec les assureurs, les pharmaciens facturent leur service à part, le but étant de séparer leurs revenus du prix des médicaments et d’enrayer la hausse constante de ces derniers.

Les pharmaciens perçoivent un forfait de dossier de 4,30 francs et un forfait patient de 9,20 francs pour chaque ordonnance médicale.

Mais ce système est critiqué, y compris par Monsieur Prix (bureau de la surveillance des prix à l’Office fédéral de l’Economie), et le gouvernement a sommé les parties en cause de le revoir pour 2007.

Scepticisme et gros sous

A noter que Migros n’est pas le seul gros distributeur à s’intéresser aux médicaments. Son principal concurrent, Coop, est actif dans le secteur depuis six ans. Sa démarche est autre: il a choisi le groupe de distribution Galenica, principal grossiste des pharmaciens, et emploie des pharmaciens professionnels dans ses 19 magasins «Vitality».

Pour en revenir à la collaboration de Migros avec Zur Rose, la SSPh s’étonne que les autorités aient «approuvé un tel bricolage». Elle s’inquiète pour la sécurité des patients, qui ne bénéficieront d’aucun conseil direct, ni du suivi offert par les pharmacies.

La guerre est-elle déclarée entre les pharmaciens et les quelque 1700 médecins propriétaires de Zur Rose? «Le mot est beaucoup trop fort», protestent Marcel Wyler et Kurt Eberle.

Mais l’enjeu est taille car le marché des médicaments en Suisse pèse au moins 4 milliards de francs.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

Basée à Steckborn (Thurgovie), la Pharmacie Zur Rose est un groupe de 10 entreprises appartenant à 1731 médecins, qui sont aussi clients.
Le volume des ventes a doublé en 2004 pour atteindre 50 millions de francs.
Depuis 2001, il livre les patients à domicile et, depuis 2005, également en Allemagne.
En 2005, il a enregistré 100’000 clients.

– En 2004, le marché de la pharmacie a dépassé 4 milliards de francs.

– Depuis 2001, les pharmaciens perçoivent un forfait de dossier de 4,30 francs et un forfait patient de 9,20 francs pour chaque ordonnance médicale.

– Ce système, qui gèle les revenus des pharmaciens, a été négocié entre pharmaciens et assureurs. Il vise à séparer la rémunération des pharmaciens du prix des médicaments et limiter l’augmentation des coûts.

– Jugé insatisfaisant par M. Prix, le système sera revu pour 2007.

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