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Plonk & Replonk-Bébert exporte en Amérique son arme foudroyante, l’humour

Hubert Froidevaux, alias Plonk & Replonk-Bébert, tenant dans ses bras sa compagne. Plonk & Replonk-Bébert

Connu surtout pour ses cartes postales drôles et surréalistes, l’artiste jurassien Hubert Froidevaux vient d’inaugurer à New-York son Cabinet de curiosités. Sa renommée lui ouvre également les portes du Musée de la Chasse à Paris, où il présentera une exposition l'été prochain, à l’occasion des Jeux Olympiques 2024. Portrait.

Converser avec lui relève d’un exercice de haute voltige, tant le risque de perdre le fil est permanent. Se moque-t-il ou est-il sérieux? Il faut donc s’accrocher pour ne pas s’égarer quand Hubert Froidevaux vous conduit dans son Cabinet de curiosités, inauguré le 21 septembre dernier au French Institute-Alliance Française (FIAF), à New-York. Nous n’étions pas parmi les invités, mais au téléphone nous lui avons demandé dans quelle partie du FIAF se situe son Cabinet.

«Il est entre la bibliothèque et la cage d’ascenseur, vous le trouverez à droite en descendant les escaliers», répond Hubert Froidevaux, alias Plonk & Replonk-Bébert, avec la précision de l’humoriste, un brin dadaïste. Depuis des années, ce Jurassien de 57 ans régale avec ses «plonkeries», teintées d’humour badin et féroce, «le royaume de Suisse». L’institution qui héberge ses oeuvres à Porrentruy s’appelle le Musée du Pire, c’est dire! 

Cartes postales, images, figurines et autres objets constituent l’essentiel de ses expositions, multiples, qui circulent à travers le monde: l’Europe, Madagascar, le Vietnam, bientôt Istanbul et Paris, en mars et juin prochains respectivement, avant Hanoï et Kinshasa (à confirmer).

Une salle de bain insolite  

Mais pour l’heure, voici New-York. Et voici Plonk & Replonk-Bébert face au public américain, avec ce Cabinet de curiosités voulu par la présidente du FIAF, la Franco-suisse Tatyana Franck (ex-directrice du Musée de L’Elysée, à Lausanne). Fraîchement nommée à New-York, cette historienne de l’art propose donc à Hubert Froidevaux une salle d’exposition de 20 mètres carrés environ, qui sera un Cabinet «pérenne». Est-ce à dire pour la vie? «En principe oui. Mais bon, je suppose qu’il viendra un jour où l’on m’indiquera la sortie», ricane Bébert.

Le Cabinet de curiosités de Plonk & Replonk-Bébert, conçu sous forme de salle de bain Plonk & Replonk-Bébert

En attendant, il profite de ce lieu de légende où travailla le fameux artiste français Marcel Duchamp, au tout début du XXe siècle. «Une belle coïncidence et une chance» pour le Jurassien, inconditionnel dudit Marcel et des créateurs qui portèrent haut la bannière du surréalisme.

Dans son Cabinet, conçu sous forme de salle de bain, Bébert aurait pu installer une copie de l’urinoir de Marcel Duchamp. La célèbre sculpture du Français aurait trouvé sa place idéale dans ce lieu meublé d’objets improbables, et habité par un personnage en imper et chapeau, qui trempe dans une baignoire fétiche. C’est un écrivain lunaire, le même que l’on peut voir sur l’une des plus célèbres cartes postales de Plonk & Replonk: «L’inventeur du mot de la fin».

Une inclination pour les Incohérents

Mais de Marcel Duchamp, Hubert Froidevaux a préféré retenir le motif de l’échiquier. Un damier en noir et blanc orne donc le sol de la salle de bain. «Duchamp était un grand joueur d’échecs, c’est ma façon à moi de rendre hommage à celui que j’admire depuis l’adolescence et l’époque de mes études à l’Ecole des Arts graphiques, à Bienne.»

Une filiation? «Non, je n’ai pas de maître à penser, mais j’ai une vive inclination pour les Incohérents [mouvement artistique français, né en 1882], pour leur esprit facétieux, irrévérencieux, provocateur, dont l’un des descendants est le terrible Pierre Desproges», confie Hubert Froidevaux.

Crash test de pédalo à Ostende. Plonk & Replonk-Bébert

En 1995, lui et son frère Jacques créent le label Plonk & Replonk. Mais il y a 10 ans environ, les deux frangins se sont séparés. «Notre histoire ressemble aux histoires d’amour». Hubert a maintenant sa propre société, Signe Productions, dirigée par Claude Stadelmann, qui gère les tournées de l’artiste dans le monde.

Istanbul puis Paris

Après la Suisse, Madagascar et le Vietnam, Hubert Froidevaux présentera l’année prochaine «La Belle Explosition» en France, puis à Istanbul, en mars 2024, à l’occasion du mois de la Francophonie. Y sont réunies 150 cartes postales réalisées par Bébert, qui détourne ici la réalité avec un sarcasme assassin. Dans sa ligne de mire: la famille, le sport, la littérature, l’armée…  L’armée suisse, surtout, qu’il n’a jamais ménagée dans ses cartes, parce qu’elle ne l’a pas ménagé.

«À 18 ans, j’ai été convoqué pour le service militaire, comme tout le monde. On n’a pas été gentil avec moi, comme on ne l’a pas été avec d’autres appelés, sans doute. Mais moi, j’ai explosé. Pas question de saluer le colonel qui m’a reçu en me tendant la main. Je lui ai dit: ma maman m’a appris qu’on ne tend pas la main à un inconnu», raconte Bébert avec délectation.

Lorsqu’il est en tournée, le public étranger l’observe parfois avec curiosité. Des banquiers helvètes, on en voit bien dans le monde. Mais un Suisse humoriste?! Voilà une espèce rare. Bébert, lui, se marre. Il dit: «Je commence toujours par casser le chocolat». Le chocolat? «Oui, je veux dire les poncifs qui figent l’image de la Suisse».

Ensuite, tout roule. «J’ai entretenu jusqu’ici, lors de mes tournées, des relations très cordiales avec des artistes vietnamiens, malgaches, portugais… qui sont pour la plupart des dessinateurs humoristiques. Ensemble, nous avons traduit dans leur langue respective le logo de mes cartes. Vous savez, d’une langue à l’autre l’humour est décalé, ce qui produit souvent un effet hilare, inattendu».

Le sport, un podium et quatre ânes

Il n’y a pas que l’esprit. Le physique s’entretient aussi. Sportif, Hubert Froidevaux le fut, lorsqu’il était petit. «Petit», insiste-t-il. «Car à l’âge de 10 ans, tu te passionnes pour la compétition. Mais vers 14 ans, tu te dis que le dépassement de soi, c’est de la concurrence pourrie. Du jour au lendemain j’ai arrêté l’athlétisme et me suis mis à fumer des pétards».

Championnat de calcul mental. Plonk & Replonk-Bébert

L’ironie est une adrénaline qui convient parfaitement aux dessins de Plonk & Replonk -Bébert. Ce qui n’a pas échappé au Musée de la Chasse et de la Nature, à Paris, qui dans un esprit bien sportif propose à notre homme ses salles, l’été prochain, pour une exposition qui réunira ses images au moment où se dérouleront les Jeux Olympiques 2024.

Bébert s’en donnera à coeur joie, lui qui imagine dans l’une de ses cartes un podium olympique de quatre marches, où s’exhibent quatre ânes.

Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg

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