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Télécoms: une situation de «concurrence ronflante»?

Un opérateur de moins pour cette antenne de téléphonie mobile. Keystone

L'absorption du numéro deux de la téléphonie mobile en Suisse Sunrise par Orange ne laisse que deux acteurs principaux sur le marché helvétique. Pressentie depuis quelque temps, cette fusion ne devrait pas entraîner de baisse drastique des prix pour les consommateurs.

Le géant bleu n’a désormais plus qu’un seul adversaire sur le champ de bataille qu’est le marché suisse des télécommunications libéralisé depuis 1998. Face à Swisscom, un nouvel opérateur verra en effet le jour en février prochain en lieu et place de Sunrise et Orange.

Dans un premier temps, les deux marques coexisteront. On ne connaît pas encore le nom de la nouvelle entité issue de la fusion annoncée mercredi par France Telecom (maison mère d’Orange) et TDC (maison mère danoise de Sunrise).

Une fusion à laquelle les spécialistes s’attendaient. «La question était ‘qui allait racheter qui, et quand?», souligne Luigino Canal, collaborateur occasionnel de swissinfo.ch, économiste et journaliste spécialisé dans le domaine des télécoms, en rappelant qu’Orange et Sunrise ont récemment décidé de mettre en commun leurs réseaux de téléphonie mobile.

swissinfo.ch: cette fusion peut-elle se lire comme un signe de la difficulté à concurrencer l’opérateur historique qu’est Swisscom?

Luigino Canal: Oui, c’est une analyse possible. Sur le marché de la téléphonie mobile, on constate depuis de nombreuses années que les parts de marché des principaux opérateurs stagnent. Swisscom est à 60%, Orange et Sunrise à 20% environ chacun.

Cela signifie que la clientèle suisse n’est pas prête à changer d’opérateur. Malgré tous leurs efforts, les deux concurrents de Swisscom ne parvenaient plus à gagner des parts de marché auprès des clients de la téléphonie mobile.

swissinfo.ch: Le fait que Sunrise soit en main de plusieurs fonds d’investissements, qui ont tendance à favoriser le profit à court terme, a-t-il joué un rôle?

L.C. : Probablement. Sunrise a fait de grosses campagnes pour acquérir une clientèle sur le marché de la téléphonie fixe en cassant les prix, mais n’est pas parvenu à atteindre ses objectifs. Ces fonds se sont probablement rendu compte que le marché suisse était saturé et que la rentabilité y restait négative. Ils ont donc préféré vendre.

swissinfo.ch: Cette fusion devrait engendrer des synergies pour 3,2 milliards de francs. La crise se fait-elle ressentir dans le secteur des télécoms?

L.C. : Il est clair que la crise a aussi aidé à accélérer cette fusion. Même si cela fait longtemps qu’on en parlait, cela a pris tout son sens ces derniers mois. Avec cette fusion, des doublons vont disparaître et on fera des économies sur le développement du réseau. En termes d’emplois, cela va forcément avoir des conséquences.

swissinfo.ch: Swisscom doit-il s’inquiéter de la naissance de ce nouveau concurrent?

L.C. : Aujourd’hui, Swisscom n’a aucune raison d’être inquiet. Cela prendra plusieurs mois avant que de véritables synergies soient mises en place et qu’Orange-Sunrise ait son mot à dire. Et quand cela sera le cas, on peut se demander s’il y aura ou non une vraie concurrence. Swisscom reste beaucoup plus grand, avec 12 milliards de chiffres d’affaires, contre 3,1 milliards pour Sunrise et Orange réunis.

En fait, on pourrait se retrouver dans une situation comparable à celle du commerce de détail, avec deux géants comme Coop et Migros, qui n’ont baissé leurs prix que lorsque sont arrivés des distributeurs low-cost comme Aldi ou Lidl.

Dans la téléphonie mobile, une 3e force susceptible d’aiguillonner la concurrence risque de manquer puisque je ne vois pas de nouveaux opérateurs externes s’intéresser au marché suisse. On sera alors dans une situation de concurrence ronflante, avec deux opérateurs qui se partagent le marché en bonne entente.

swissinfo.ch: L’association alémanique des consommateurs a pourtant salué cette fusion en espérant des baisses de tarifs…

L.C.: Toute la question est de savoir quelle type de concurrence ce rachat va générer. Si la nouvelle entité essaie de se battre en cassant les prix et en proposant de nouveaux produits aux consommateurs, cela leur sera probablement profitable. Mais je vois mal France Telecom agir de manière très agressive. Digérer cette fusion et concilier deux culture d’entreprise prendra du temps et, avec Orange, ils se sont limités au marché mobile.

Si donc la nouvelle entité se contente de gérer ses parts de marché sans forcément pratiquer des baisses de prix agressives, on va assister à un simple partage du marché, avec des tarifs qui risquent malheureusement de rester élevés pour les clients.

Carole Wälti, swissinfo.ch

Le marché suisse des télécoms a été libéralisé en 1998.

Depuis, l’opérateur historique Swisscom, dont l’actionnaire majoritaire est la Confédération, a réussi à maintenir sa position de numéro unsur le marché.

En 2006, un projet de privatisation a échoué devant le Parlement.

La libéralisation a incité d’autres opérateurs à faire leur entrée sur le marché helvétique des télécoms.

Numéro deux après Swisscom, Sunrise, en main de TDC (Tele Danmark Switzerland), est présent en Suisse depuis 1997.

En 2000, Sunrise a repris l’opérateur Diax, crée par les entreprises électriques suisses, ainsi que l’opérateur suédois Tele2 en 2008.

Quant au groupe Orange, racheté en 2000 aux sociétés britannique Vodafone et allemande Mannesman par France Télécom, il est présent en Suisse depuis la fin des années 1990.

Le rachat de Sunrise par Orange sera finalisé en février prochain.

La transaction porte sur un montant de 1,5 milliard d’euros (2,26 milliards de francs). France Telecom détiendra d’abord 75% du capital de la nouvelle société, puis pourra racheter le dernier quart après un an.

L’intégration des deux marques permettra des synergies estimées à 3,2 milliards de francs.

Côté emplois, Orange Suisse emploie 1150 collaborateurs à Renens, dans le canton de Vaud, et Sunrise 1500 à Zurich. Le Syndicat de la communication a fait part de son inquiétude.

Après la fusion, l’entité combinée Sunrise-Orange totalisera un chiffre d’affaires cumulé de 3,1 milliards de francs pour l’année 2008. Cela la place loin derrière les 12 milliards de chiffre d’affaires de Swisscom.

Le nouveau groupe contrôlera 38% du marché de la téléphonie mobile avec 3,4 millions de clients. Dans le haut débit fixe, il contrôlera 13% du marché avec 1,1 million d’abonnés.

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