Nessim Gaon fait saisir le voilier russe «Sedov» à Brest

La compagnie Noga a frappé un grand coup dans le contentieux financier qui l'oppose à l'Etat russe. La société genevoise de l'homme d'affaires a fait saisir, jeudi à Brest, le «Sedov», un voilier russe, considéré comme le plus grand du monde.
«En tant que créanciers, nous allons agir contre notre débiteur dans le monde entier. Où que de l’argent russe se trouvera, nous tenterons de le saisir. Où que des actifs russes se trouveront nous tenterons de les saisir», assène Me Marc Bonnant, l’un des avocats genevois de la société Gaon. Entre Nessim Gaon et la Fédération de Russie, c’est désormais l’épreuve de force.
Après la manière douce, les grands moyens spectaculaires! Comme ceux préférés des pirates et autres corsaires: l’abordage. Pour récupérer son dû, qu’il réclame depuis trois ans aux autorités russes, Nessim Gaon vient d’aller à l’abordage, légal celui-là, du «Sedov».
Le «Sedov»? Un trésor de guerre pas comme les autres. Il est difficile à planquer dans le coffre d’une banque genevoise. Il fait 117,5 mètres de long et offre aux caresses des alizés 4192 m² de voile. C’est, en un mot, le plus grand voilier du monde, pouvant accueillir une cinquantaine d’hommes d’équipage et jusqu’à 110 cadets.
L’intérêt de ce splendide quatre mâts réside dans sa valeur pécuniaire inestimable. La compagnie d’import-export Noga, qui l’a fait saisir vendredi à Brest, va sans doute utiliser cet argument pour obtenir le paiement par la Russie d’une dette de 63 millions de dollars. Un montant qui avait été attribué à la compagnie Noga en 1997 par le tribunal arbitral de Stockholm. La Russie avait recouru, mais avait été déboutée, rendant le jugement exécutoire.
Pour l’heure, Moscou fait la sourde oreille. Ce qui exaspère Me Marc Bonnant. Pour ce dernier, «la Russie a fait montre d’une mauvaise foi unique. Les engagements internationaux, cela se respecte dans les pays civilisés».
En théorie, la société de Nessim Gaon aurait le droit de vendre le «Sedov» au plus offrant. «J’espère, souligne Me Bonnant, que la Russie, malgré ses grands désordres internes, finira par comprendre que le droit suppose que l’on paie ses dettes, surtout lorsqu’on est un Etat souverain.»
La première salve, Noga l’a tirée il y a deux mois en faisant bloquer à Paris des comptes bancaires appartenant à l’Etat russe. La société genevoise a maintenant jeté son dévolu sur le «Sedov», propriété de l’académie maritime de Mourmansk. Elle a profité de sa participation à «Brest 2000», une fête maritime qui se tient jusqu’à dimanche à Brest.
Le «Sedov» pourrait rester bloqué à quai, à Brest, jusqu’au dénouement de l’affaire. Les responsables de «Brest 2000» ont engagé des négociations avec les avocats français de Noga, afin de permettre au voilier russe de continuer à participer aux fêtes maritimes qui se déroulent en Bretagne cet été.
A l’origine du litige, un gigantesque troc qui oppose Noga à l’Etat russe. La société suisse s’était engagée à fournir divers produits à la Fédération de Russie en échange de pétrole. Or, selon Noga, la Russie a cessé unilatéralement ses livraisons en 1992, lui faisant subir du même coup un important préjudice financier.
Jugurtha Aït-Ahmed

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