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«Nous n’étions pas au bout de l’exercice»

Le taux de chômage record affiché par La Chaux-de-Fonds est lié à la configuration industrielle de son économie ouverte. Il résulte en partie aussi d’une diversification encore inaboutie, reconnait Laurent Kurth, conseiller communal en charge de l’économie et de l’urbanisme.

Membre de l’exécutif de la troisième ville de Suisse romande depuis 2004, le socialiste donne son appréciation.

swissinfo.ch: Comment s’explique le taux de chômage record enregistré par la Chaux-de-Fonds actuellement?

Laurent Kurth: D’abord, partout en Suisse, le chômage se concentre dans les villes. C’est un phénomène urbain. D’autre part, l’industrie d’exportation a été plus touchée, puisque la crise concerne l’ensemble de l’économie mondiale. Avec une économie presque complètement connectée sur le monde, et active en particulier dans les biens d’investissements (machines), la Chaux-de-Fonds est plus vite touchée que d’autres.

De plus, la région, comme l’ensemble de l’Arc jurassien, reste encore très marquée par sa culture industrielle, avec une diversification comparativement assez réduite. Le secteur des services n’est touché qu’aujourd’hui alors que l’industrie l’est depuis une année et demie. Avec une activité tertiaire peu développée, l’entier de l’économie de la ville a été touché en même temps.

swissinfo.ch: La dégradation de la situation économique est-elle comparable à la crise horlogère des années septante?

L.K.: Clairement pas. Notre économie industrielle est atteinte par la conjoncture, mais parfaitement en forme du point de vue de son niveau technologique et de compétitivité internationale. Elle est prête à repartir si la conjoncture devait reprendre.

Nous avons une économie régionale plus diversifiée que par le passé. Les secteurs médicaux et dentaires se portent assez bien malgré la situation économique générale. Surtout, nous avons des perspectives de diversification plus importantes dans le secteur tertiaire découlant de deux éléments.

D’abord, la Suisse a ouvert ses frontières avec l’Union européenne en 2002. Ce qui place La Chaux-de-Fonds au centre d’une région plus vaste et non aux confins de la Suisse. Cela permet le développement de nouvelles activités de service – immobilier, culture, etc . Mais cela prend du temps. Ces activités n’étaient pas suffisamment mures pour faire contrepoids au secteur industriel en crise.

Autre source de diversification: la bonne nouvelle de 2009, La Chaux-de-Fonds et Le Locle inscrites au Patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. On ressent des impulsions dans les domaines immobilier, touristique, qui peuvent être déterminantes pour les années qui viennent, en terme d’emploi également.

swissinfo.ch: La part de l’emploi horloger à la Chaux-de-Fonds a baissé jusqu’en 1997 avant de repartir nettement à la hausse. La diversification n’a-t-elle pas échoué?

L.K.: Je ne pense pas. L’industrie horlogère reste le moteur du développement économique de cette région. Une région qui est identifiée par cette industrie en terme d’image. Mais la diversification a eu lieu partiellement – dans les domaines électronique, technico-médical et dentaire, par exemple. Simplement, cette diversification n’est pas aboutie.

Comme je l’ai dit, les perspectives de reconstituer un tissu tertiaires sont aujourd’hui concrètes, après les concentrations qu’a vécu la Suisse dans le domaine des assurances et des banques, et qui a conduit à la diminution de toute une série d’activités, y compris dans les services publics comme La Poste, avec un repli dans les grands centres.

swissinfo.ch: Est-ce qu’une commune comme La Chaux-de-Fonds a les moyens d’agir pour l’emploi et la croissance?

L.K.: Partiellement, oui. Bien qu’analysés à travers des modèles statistiques ou économétriques, beaucoup de phénomènes économiques dépendent largement de facteurs psychologiques. Le moral des troupes dans une ville dépend aussi de la capacité à entreprendre, à investir, à imaginer des perspectives positives.

De ce point de vue, les autorités peuvent, par toute une série d’actions, faire en sorte que, d’abord, la solidarité opère à l’égard d’une partie de la population en difficulté. Ensuite, que l’état d’esprit demeure positif et orienté vers les perspectives de redémarrage.

Dans le domaine économique, la ville a estimé qu’elle pouvait avoir une emprise sur plusieurs secteurs afin d’empêcher que la crise ne se propage trop vite. C’est le cas du secteur du bâtiment [avancement de travaux, des dates de paiements, etc].

On sait aussi qu’une année de chômage au moment de commencer sa vie professionnelle, c’est ensuite plusieurs années de difficultés. face à la pénurie de débouchés, nous avons mis en place des programmes e stage permettant à des jeunes de mettre le pied à l’étrier et d’acquérir une expérience.

swissinfo.ch: La Chaux-de-Fonds a écrit au gouvernement du canton de Neuchâtel pour lui demander une stratégie plus active de promotion économique. Faut-il y voir de la défiance?

L.K.: De la défiance, non. Par les temps difficiles actuels, il est plutôt temps de se serrer les coudes et travailler ensemble. Par contre, on peut regretter les objectifs de promotion économique, redéfinis ces dernières années.

Sous l’effet de la croissance énorme de l’activité industrielle – l’emploi a augmenté de 15% à la Chaux-de-Fonds en trois ans jusqu’à 2008 – on a eu tendance à penser dans les milieux économiques et politiques parfois aussi, que la tâche de la promotion économique n’était plus tellement de susciter des emplois nouveaux et de la diversification. Qu’«on y était arrivé» et qu’il fallait plutôt chercher à attirer les grandes fortunes et à susciter l’innovation dans les entreprises existantes.

On constate avec le retournement conjoncturel que l’on n’était pas au bout de l’exercice, que la création d’emploi est un combat permanent, et que la diversification doit venir du tissu existant, mais aussi d’apports extérieurs qui le stimulent. C’est cela que la ville a regretté.

Pierre-François Besson, La Chaux-de-Fonds, swissinfo.ch

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