Une exposition retrace l’histoire d’enfants ayant survécu à la guerre
José David Ríos (17 ans sur la photo en 2019) a survécu au conflit armé en Colombie (1964-présent). Il a grandi dans le sud-ouest du pays, où la culture de la coca et le trafic de drogue sont très répandus. Plus de 50 ans de conflit dans le pays ont contraint 2,3 millions d’enfants à fuir leur foyer.
Dominic Nahr
José David Ríos a commencé à travailler dans les plantations de coca à l’âge de quatre ans. À l’aube de ses neuf ans, il est pris dans un échange de tirs. Des balles atteignent son bras et ses deux jambes. Il a longtemps eu de la peine à contrôler ses émotions: la peur et la colère le submergaient. «J’ai appris à penser de manière critique – et en même temps, j’ai compris que le changement est possible.»
Dominic Nahr
Vichuta Ly (53 ans sur la photo en 2019) a survécu aux Khmers rouges (1975-1979) au Cambodge. Elle avait neuf ans lorsqu’elle a connu pour la première fois la terreur infligée par le mouvement politico-militaire communiste radical. Son père a été arrêté et elle ne l’a jamais revu depuis. Sa famille a été chassée de Phnom Penh, sa ville natale, pour aller vivre à la campagne. Tous les membres de sa famille, y compris Vichuta Ly, ont été forcés de travailler comme ouvriers et ouvrières dans les rizières. À l’âge de douze ans, Vichuta Ly a dû rejoindre un programme de formation pour enfants soldats.
Dominic Nahr
Des crânes sont exposés à l’intérieur du centre génocidaire de Choeung Ek, un mémorial pour les deux millions de personnes qui ont péri sous le régime brutal des Khmers rouges. Vichuta Ly a perdu 30 membres de sa famille. Seuls cinq d’entre eux ont survécu.
Dominic Nahr
Erich Karl (105 ans sur la photo en 2019) est un survivant de la Première Guerre mondiale (1914-1918). Il a grandi dans la pauvreté à Weimar, en Allemagne. Il se souvient encore très bien du chocolat chaud que les enfants recevaient dans le cadre d’un programme d’alimentation scolaire. Lorsque les journalistes ont rencontré Erich Karl, il avait 105 ans. Il est décédé en juin 2021 à l’âge de 107 ans.
Dominic Nahr
Depuis sa fenêtre, Erich Karl voit le village de conteneurs «Allende 2», un hébergement pour les personnes réfugiées à Berlin. Il y a cinq ans, les premières ont emménagé ici après avoir fui la guerre et la violence en Syrie et en Afghanistan. «Les gens du quartier étaient inquiets: y aurait-il des émeutes ou de la violence? J’ai essayé de les calmer: ‘Laissez-les d’abord venir. Attendons et voyons comment cela se passe. Après tout, ce sont des gens dans le besoin.’»
Dominic Nahr
Vanessa Ntakirutimana (29 ans sur la photo en 2019) a survécu au génocide rwandais. Elle n’avait que cinq ans en 1994 quand le génocide contre les Tutsis au Rwanda a débuté. En quelques mois seulement, plus d’un million de personnes ont été tuées. Comme des centaines de milliers de personnes, Vanessa et ses frères et sœurs ont fui pour échapper aux violences.
Dominic Nahr
«Ma mère a attaché nos manches ensemble, pour qu’on ne se perde pas.» Vanessa Ntakirutimana n’a jamais revu ses parents depuis. Elle ne sait même pas s’ils sont encore en vie. Elle fait partie des enfants qui ont été déplacés à travers le pays, sans mère ni père pour s’occuper d’eux.
Dominic Nahr
Rajiya, (15 jours sur la photo en 2019) est née dans un camp de réfugiés rohingyas au Bangladesh. La mère de Rajiya, Jannat Khatun (20 ans), est arrivée à Cox’s Bazar, un port de pêche du sud-ouest du pays, à la mi-2018. Elle a grandi dans une exploitation rizicole. Ses parents ont dû tout laisser derrière eux lorsque la zone entourant leur village a été attaquée par des hélicoptères militaires, que des maisons ont été incendiées et que des personnes ont été tuées (crise des Rohingyas, 2017-présent).
Dominic Nahr
La mère de Rajiya confie: «Ici, au camp, ma mère et moi vivons ensemble. Nous n’avons pas de mari. Seule ma mère a une carte de rationnement alimentaire, donc nous n’avons qu’une seule ration de nourriture. Nous souffrons. Dès que mon enfant aura été enregistré, j’organiserai une carte pour nous deux.»
Dominic Nahr
Evelyne Brix (86 ans sur la photo en 2019) est une survivante de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). «Je connais l’horrible sensation d’avoir faim et de ne jamais avoir assez à manger.» Evelyne a grandi à Berlin pendant la guerre.
Dominic Nahr
Evelyne Brix n’a quitté Berlin qu’une seule fois dans sa vie pour une période prolongée. C’était en 1943, lorsque de nombreux enfants furent évacués pour échapper aux bombardements aériens. Elle avait onze ans à l’époque. Toute sa classe a été envoyée à Letiny, une ancienne station thermale située dans l’actuelle République tchèque.
Dominic Nahr
Jo Yong-Woong (74 ans sur la photo en 2019) est un survivant de la guerre de Corée (1950-1953). Il a vécu la guerre et la bataille d’Incheon alors qu’il n’avait que six ans. L’assaut par la mer sur Incheon mené par le général américain Douglas MacArthur a été un tournant majeur dans le conflit. «Le bruit était incroyable. C’était comme le tonnerre», raconte Jo Yong-Woong. «Certaines maisons avaient un bunker. Nous n’avions rien d’autre qu’une couverture sous laquelle nous pouvions nous cacher.»
Dominic Nahr
«À l'époque, il était difficile d’obtenir des soins médicaux. Il était impossible de guérir certaines maladies. J’ai souffert d’infections pulmonaires pendant des années. Cela m’a rendu très faible. À l’époque, tout le monde était pauvre. J’ai reçu tout le matériel scolaire grâce à ma marraine aux États-Unis.» La coiffeuse du Nebraska l’a encouragé à travailler dur, à terminer ses études et à poursuivre ses rêves.
Dominic Nahr
Theophilus Chukwuemeka Amadi (54 ans sur la photo en 2019) est un survivant de la guerre du Biafra (1967-1970), la guerre civile nigériane. C’était une guerre de sécession entre le gouvernement du Nigéria et la région du Biafra, qui cherchait à obtenir son indépendance. Jusqu’à trois millions de personnes ont perdu la vie. Theophilus Chukwuemeka «Emeka» Amadi, alors âgé de trois ans, est pris dans le conflit. Les combats ont conduit sa famille au bord de la famine. Son petit frère est mort et Emeka a souffert de kwashiorkor, une carence extrême en protéines causée par la malnutrition. Save the Children était au Nigéria pour soutenir les enfants et leurs familles par le biais de programmes alimentaires et médicaux.
Dominic Nahr
Aujourd’hui, Theophilus Chukwuemeka Amadi est marié et père de quatre enfants âgés entre un et sept ans, ses deux plus jeunes enfants sont des jumeaux.
Dominic Nahr
Amal (11 ans sur la photo en 2018) est une survivante de la guerre syrienne (2011-présent). Amal a quitté la ville assiégée de Homs en Syrie à l’âge de sept ans pour se réfugier au Liban. C’est une fille très calme. Elle pleure souvent car sa grand-mère, dont elle est très proche, a dû rester à Homs. Lorsque le photographe Dominic Nahr a pris un portrait d’Amal, quelque chose d’inhabituel s’est produit: pendant un court instant, l’enfant triste s’est transformée en une jeune fille confiante.
Dominic Nahr
La famille d’Amal a fui la Syrie au cours de la quatrième année du conflit. Ils ont quitté leur maison car ils craignaient les bombardements continus de la ville. Amal et sa famille vivent dans la vallée de la Bekaa au Liban depuis 2014. Quand on lui demande quel serait son souhait, elle n’hésite pas et répond: «de la magie.»
Dominic Nahr
María Consuelo Beltrán (91 ans sur la photo en 2019) est une survivante de la guerre civile espagnole (1936-1939). «Après les bombardements, la vie a repris son cours normal, plus ou moins. Les gens sont retournés au travail et les enfants à l’école. Mais notre ville a été détruite, la plupart des habitants sont partis en France et ne sont revenus que quelques années plus tard, lorsque la guerre était officiellement terminée. La frontière a été complètement fermée pendant des années.»
Dominic Nahr
En avril 1937, la ville basque de Guernica (en euskara: Gernika-Lumo) est bombardée par des avions de chasse allemands de la légion Condor. On estime qu’entre 200 et 300 personnes sont mortes.
Dominic Nahr
Le photographe suisse Dominic Nahr et l’ONG Save the Children explorent, par des portraits actuellement exposés à l’ONU à Genève, comment la guerre et l’aide humanitaire ont façonné la vie d’enfants à travers les générations.
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Dominic Nahr (photos), Anna Mayumi et Save the Children (texte)
«Je suis en vie. Dix enfants, dix guerres, dix décennies – et un bébé» (en anglais: «I Am Alive. Ten Children, Ten Wars, Ten Decades – and a Baby») est une exposition organisée par le photographe suisse Dominic Nahr et l’ONG Save the Children Germany au Palais des Nations à Genève. Basée sur un livre de photos intitulé «I Am Alive»Lien externe, elle raconte l’histoire de onze personnes – dont un bébé – qui, enfant, ont survécu à certaines des pires guerres du siècle passé.
L’exposition traite de ce qu’implique pour les enfants le fait de vivre les horreurs de la guerre et examine la façon dont l’aide humanitaire permet de transformer le destin de celles et ceux qui survivent aux hostilités.
«Je voulais transporter la réalité des nombreuses guerres du 20e siècle», explique Dominic Nahr, qui était récemment en Ukraine pour documenter la guerre. «Et malheureusement, le siècle actuel est aussi un siècle de guerres.»
«L’exposition donne aux visiteurs la possibilité de parler de l’indicible, de ce que la guerre fait aux enfants et à nous tous et de partager nos histoires», a déclaré Martina Dase de Save the Children, initiatrice et commissaire de l’exposition.
Selon l’ONG, plus de 450 millions d’enfants dans le monde, soit un sur six, vivent dans une zone de conflit.
«Cette exposition est un rappel poignant que derrière les chiffres se cachent des êtres humains avec les mêmes espoirs et les mêmes rêves que le reste d’entre nous», a rappelé Filippo Grandi, le Haut-commissaire de l’ONU pour les réfugiés.
Les photos sont exposées au siège européen de l’ONU à Genève, où le Conseil des droits de l’homme se réunit actuellement pour sa 50e session. C’est aussi dans la ville suisse qu’Eglantyne Jebb, fondatrice de Save the Children, a plaidé pour la reconnaissance des droits de l’enfant. Ses idées ont posé les jalons de ce qui est aujourd’hui la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.
L’exposition se tient jusqu’au 6 juillet et est ouverte du lundi au vendredi, de 8h à 16h. Les personnes souhaitant visiter l’exposition doivent s’inscrireLien externe pour accéder au bâtiment de l’ONU.
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«Nous partons encore trop souvent de l’idée que nous savons ce qui est bon pour l’enfant»
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Il y a trente ans, la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant introduisait une nouvelle manière d’envisager la justice juvénile.
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