
L’abattage rituel en question

Une initiative populaire veut maintenir l'interdiction de l'abattage rituel pratiqué par les musulmans et les juifs. L'état du débat, en quatre questions.
Dans son projet de révision de la loi sur la protection des animaux, le Conseil fédéral propose d’autoriser l’abattage rituel, sans étourdissement préalable, au nom du respect de la liberté religieuse.
Un argument que rejettent les défenseurs des animaux, tout comme l’Union suisse des paysans. Une chose est sûre: la controverse est vive. Pour preuve, les lettres de lecteurs et les tribunes libres régulièrement publiées dans la presse.
L’abattage rituel est-il un acte de torture?
«L’abattage rituel légaliserait une forme archaïque de torture animale», disent les auteurs de l’initiative. Les défenseurs du rite – qu’ils soient musulmans ou juifs – leur rétorquent que l’abattage rituel cherche justement à réduire, au maximum, les souffrances de l’animal.
Quant aux scientifiques, ils se déclarent incapables de trancher. Il n’existe pas de méthode irréfutable pour mesurer la souffrance d’un animal.
L’anthropologie, elle, nous apprend que les sociétés humaines ont, de tous temps, cherché à masquer la violence induite par la mise à mort des animaux. Raison pour laquelle les groupes humains ont toujours codifié et ritualisé cet acte.
Les opposants à l’abattage rituel sont-ils antisémites?
Brigitte Sion, de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD), et Alfred Donath, président de la Fédération suisse des communautés israélites, relèvent l’outrance verbale d’un certain nombre d’opposants à cette forme d’abattage. Et ils y voient des relents antisémites.
Ils rappellent également que l’interdiction de l’abattage rituel a été introduit en 1893, suite à une votation populaire fortement marquée par l’antisémitisme. Un point reconnu par les historiens.
Notons également que l’abattage rituel a souvent été utilisé par l’extrême droite française pour stigmatiser les communautés musulmanes.
L’abattage sans étourdissement est-il prescrit par la religion?
Non, affirme Sami Aldeeb, juriste responsable du droit arabe et musulman à l’Institut suisse de droit comparé de Lausanne. D’ailleurs, dans un avis demandé par l’Office vétérinaire fédéral, ce chrétien d’origine palestinienne précise qu’aucun texte religieux interdit que l’animal soit étourdit.
Seules prescriptions imposées par les textes fondamentaux: l’animal doit être saigné vivant et son sang ne doit pas être consommé. Sami Aldeeb souligne que des pays comme l’Arabie Saoudite autorisent l’étourdissement préalable des animaux.
L’abattage rituel porte-t-il atteinte à la laïcité?
Certains opposants estiment qu’en autorisant un tel rite, on met le doigt dans un engrenage qui finira par détruire le principe de laïcité qui guide un pays comme la Suisse. Reste que, pour l’heure, aucun mouvement islamiste militant ne semble vouloir utiliser cette controverse à des fins politiques.
De son côté, le politologue Ahmed Benani estime que seule une minorité des musulmans de Suisse est réellement pratiquante. Il relève également que le respect de certains rituels religieux témoigne, avant tout, d’un attachement culturel au pays d’origine.
Rappelons enfin que la France – tatillonne en matière de laïcité – autorise l’abattage rituel des animaux.
Frédéric Burnand

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