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14-18: l’épreuve du feu pour le CICR

L’Agence internationale des prisonniers de guerre au Musée Rath Keystone

Genève, septembre 1914. Une liste de noms de soldats capturés à la main, une dactylo à l’Agence internationale des prisonniers de guerre (AIPG) remplit les premières fiches pour chacun des prisonniers. A la fin du premier conflit mondial, quelques 7 millions de cartes auront été collectées par l’agence établie par le CICR.

Dans les semaines qui ont suivi le déclenchement de la Première Guerre mondiale, l’AIPG, mise en place par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), s’installe au Musée Rath à Genève. L’agence devient rapidement une ruche avec, fin 1914, quelque 1200 employés – essentiellement des femmes.

Au cours des quatre années suivantes, 7 millions de fiches retraçant le destin de deux millions et demi de prisonniers de guerre sont créés par le personnel et les bénévoles. Et ce dans le cadre d’un vaste système de classement et de renvois développé pour faire face à un déluge de demandes d’information.

En plus d’aider à rétablir le contact entre les personnes séparées par la guerre, le CICR ​​développe rapidement ses activités, comme l’organisation des inspections des camps d’internement et des échanges de prisonniers ou la protection des victimes de la guerre.

Jusqu’en juillet 2011, le CICR a effectué plusieurs centaines de recherches par an dans ses archives, afin de communiquer des renseignements aux descendants des prisonniers, ainsi qu’à des historiens.

Depuis 2008, le service des archives du CICR restaure et scanne ce fonds. Du fait de ces travaux de restauration et de numérisation, les documents sont actuellement inconsultables et le CICR n’établit plus d’attestation de captivité pour les prisonniers de la Première Guerre mondiale.

La copie digitale des archives de l’Agence Internationale des Prisonniers de Guerre permettra de développer des modes de recherche plus performants et d’assurer un accès plus rapide aux informations.

Dès août 2014, une application en ligne  permettra à chacun d’effectuer lui-même ses recherches de personnes dans les fichiers de prisonniers.

Source: CICR

Quelques hommes de bonne volonté

En 1910, le CICR ​​ne se distingue pas encore des 280 petites organisations philanthropiques opérant à Genève. Le comité réunit un groupe de 10 hommes issus des familles patriciennes de la Cité de Calvin qui se retrouvent ainsi durant leur temps libre.

«Il s’agissait uniquement d’activités de bureau, que ce soit de la correspondance ou des réflexions sur ​​le droit de la guerre», raconte l’historien du CICR Daniel Palmieri.

Mais depuis sa création en 1863, le CICR a déjà gagné la confiance des gouvernements et joué un rôle dans la création de plus de 50 sociétés de la Croix -Rouge et du Croissant-Rouge à travers le monde.

Galvanisé par la Grande Guerre qui se passe à sa porte, le CICR se transforme en une organisation internationale influente. En février 1918, l’organisation humanitaire lance un appel contre l’utilisation des gaz toxiques. Leur utilisation est interdite en 1925 dans le cadre du Protocole de Genève.

Dans les premiers jours du conflit, le sort des prisonniers de guerre constitue la principale préoccupation. Très rapidement, les nations belligérantes capturent des dizaines, des centaines de milliers des prisonniers.

La surcharge d’information

L’ampleur de la guerre est exceptionnelle. Les membres du comité du CICR demandent des listes de prisonniers en provenance des pays concernés.

Au début, les bénévoles – des amis et des proches de membres du CICR –  se mettent au service de l’Agence internationale des prisonniers de guerre. Mais ils sont bientôt submergés par les 16’500 lettres reçues chaque jour. Le recrutement sort du cercle des connaissances du CICR.

«Ce qui est intéressant, c’est que le comité a réussi à recruter des gens qui avaient un sens parfait de l’organisation. Certains sont devenus des chefs de service, notamment une femme nommée Renée-Marguerite Cramer, une bibliothécaire  qui a eu l’idée de l’utilisation de fiches liées à des catalogues pour la compilation de l’information», relève Daniel Palmieri.

En 1918, elle devient la première femme membre du comité du CICR​​.

Le CICR a réussi à organiser l’échange de quelque 10’000 prisonniers. La Suisse était impliquée dans le transfert de prisonniers très sérieusement blessés ou malades entre Lyon et Constance.

A partir de 1915, il y avait aussi des hommes qui n’étaient pas suffisamment blessés pour être évacués, mais qui posaient cependant des problèmes dans les camps de prisonniers étant donné qu’ils nécessitaient une assistance médicale.

Un accord a été trouvé pour qu’un certain nombre d’entre eux puissent être internés dans un pays neutres, de manière à ce qu’ils récupèrent, mais sans être redirigés vers un pays ennemi.

Environ 68’000 de ces soldats de toutes les nationalités ont été ainsi internés en Suisse entre janvier 1916 et novembre 1918. La plupart l’ont été dans des stations de montagne, désertées par les touristes en raison de la guerre. Dans certains cas, les familles étaient autorisée à venir leur rendre visite.

Voix du passé

Aujourd’hui, les archives de la Première Guerre mondiale du CICR sont en cours de numérisation. Elles seront accessibles au public en août 2014 (voir encadré).

A l’époque, une section de l’Agence internationale des prisonniers de guerre (AIPG) se consacre aux civils pris dans le conflit, qu’ils soient pris en otage, déportés ou internés. C’est ainsi que le CICR élargit ses activités pour inclure les civils.

De nombreux civils vivant dans le «mauvais» pays ou en zone occupée sont internés. L’AIPG aide à rétablir le contact entre les internés et leurs proches.

Dans les archives, nous sommes tombés sur une lettre adressée au président du CICR par une Parisienne qui évoque le sort d’un professeur de mathématiques français à l’Université de Lille interné par les Allemands qui occupent la région.

«Il a subi les atroces représailles de trois camps de prisonniers de guerre dont celui de Heidelberg, sa dernière résidence où on l’interne au commencement de ce mois…  où il meurt de faim, d’épuisement et d’exposé», écrit-elle.

Camps de représailles

Les camps de représailles sont le résultat malheureux de rumeurs et de vengeance. Si un pays  apprend que ses soldats emprisonnés sont maltraités, il exerce des représailles dans certains de ses propres camps de prisonniers.

L’une des mesures de représailles utilisées par tous les pays belligérants consiste à faire travailler les prisonniers près du front,  en leur faisant creuser des tranchées par exemple. Et ce en violation des  Conventions de La Haye et de Genève.

Une lettre de 1917, signée par Horace Rumbold, ambassadeur britannique à Berne, illustre ce problème: «Ils m’ont informé que la déclaration figurant dans le télégramme Wolff (l’agence de presse allemande) paru dans les journaux a eu pour effet que l’Angleterre a suivi l’exemple de la France en employant des prisonniers allemands au milieu des tirs. Ce qui est absolument faux. Leur emploi peut se faire sur les chemins de fer ou les routes, mais pas dans le périmètre de tir de l’artillerie ennemie.»

C’est dans ce climat que le CICR a commencé à envoyer des délégués pour inspecter les camps de prisonniers de guerre. Plus de 500 camps ont été visitées au cours de 54 missions. Quant aux rapports des délégués, ils ont été publiés et vendus pour contrer la propagande et démontrer l’impartialité de l’organisation.

Depuis lors, ces visites de prisonniers ont été systématiquement mises en place lors des conflits. Ce travail de pionnier est devenu l’une des activités essentielles du CICR.

(Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand)

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