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Le groupe bâlois Straumann s’est fait avoir par les fraudeurs d’iDental

iDental
"Cliniques dentaires sociales", "Dentistes avec du cœur": sous les beaux slogans d'iDental se cachait en fait une vaste arnaque. El Español

Le leader mondial des implants dentaires a prêté plus de 14 millions d’euros à la société espagnole iDental, au centre d’une immense affaire de fraude. Trente-cinq personnes seront bientôt jugées à Madrid. En plus de la somme avancée par l’entreprise, l’ex-CEO Marco Gadola avait fait des «prêts personnels» à deux dirigeants aujourd’hui inculpés.

«Nos dentistes ont du cœur», disait la pub. En Espagne, le groupe iDental promettait de «démocratiser» la dentisterie, avec notamment des implants à 12,99 euros par mois. Ces offres s’adressaient aux personnes sans ressources, désireuses de se faire soigner à bas prix.

Seulement voilà: ces belles promesses se sont soldées en 2018 par «le plus grand scandale de santé dentaire au monde», comme le dénonçaitLien externe le Conseil général des dentistes d’Espagne. Vingt-quatre cliniques ont été fermées et plus de 350’000 patients ont été abandonnés, vraisemblablement escroqués.

Pire: les clients d’iDental ont été encouragés à se faire tester pour le VIH, l’hépatite C et d’autres maladies infectieuses après la découverte de matériels de stérilisation périmés. «Nous sommes sans dents, sans argent et avec la peur au ventre», confiait alors une ancienne patiente au quotidien «20 minutes».

Après un an et demi d’enquête, le procureur madrilène José de la Mata a récemment renvoyé 35 personnes en jugement, dont quatre anciens responsables d’iDental. L’éventail des charges s’étend de la fraude à la sécurité sociale au détournement de fonds, faux dans les titres, faillite frauduleuse, blanchiment d’argent et appartenance à une organisation criminelle.

Cet acte d’accusation, déposé le 3 décembre 2019 et dont Gotham City a obtenu copie, fait apparaître une nouvelle victime dont le profil tranche avec les milliers d’Espagnols édentés et désargentés: le groupe bâlois Straumann, leader mondial des implants dentaires.

Plus de 18 millions envolés

Il ressort de ce document que la société suisse a prêté 14 millions d’euros à iDental en mai et juillet 2017, et ce au moment où le groupe espagnol craignait «l’effondrement imminent de ses opérations au vu de ses besoins immédiats de financement». Ce prêt était garanti par des actions de la société iDental.

Et ce n’est pas tout. En plus des 14 millions avancés par l’entreprise, le CEO de Straumann, Marco Gadola, a effectué un «prêt personnel» de deux millions d’euros en tout aux deux dirigeants de iDental, aujourd’hui inculpés, Garcia Pellicer et Castañer Blasco. Selon l’acte d’accusation espagnol, deux versements ont été effectués en juin 2017 depuis la Suisse vers des comptes en Espagne.

Straumann est ainsi devenu le principal créancier d’iDental, un an tout juste avant la fermeture des cliniques. Le groupe bâlois a tenté de trouver un accord pour assurer la poursuite de l’activité d’iDental, sans succès.

A ce jour, les 14 millions d’euros n’ont pas été remboursés. En outre, la faillite du groupe a également causé une perte de 2,5 millions d’euros à la société suisse suite au non-paiement de fournitures. En 2018, le groupe revendiquait un chiffre d’affairesLien externe de 1,3 milliard de francs suisses.

Marco Gadola, lui, a quitté ses fonctions de CEO le 1er janvier 2020, pour prendre la présidence du conseil d’administration de DKSH, société suisse qui fournit des services d’expansion de marché, principalement en Asie. Le service de presse de Straumann n’a pas répondu aux questions de Gotham City.


*Fondée par les journalistes d’investigation Marie Maurisse et François Pilet, Gotham CityLien externe est une newsletter de veille judiciaire spécialisée dans la criminalité économique. 

Chaque semaine, elle rapporte à ses abonnés les cas de fraude, corruption et blanchiment en lien avec la place financière suisse, sur la base de documents de justice en accès public. 

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