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L’Australie a les yeux braqués sur la Chine

Fabrice Rochat, sa compagne Sandra et leur fille Magali, née en Australie. Coll. privée

Alors que la crise balaie la planète, swissinfo recueille en cette fin d'année les témoignages – constats, analyse et espoirs - de Suisses expatriés sur les cinq continents. Aujourd'hui, Fabrice Rochat, employé du fisc à Brisbane, Australie.

swissinfo: Votre cadre de vie en quelques mots…

Fabrice Rochat: J’habite à Brisbane avec ma compagne, Sandra, qui vient aussi de Suisse, et notre fille Magali, née à Sydney. On travaille à plein-temps, ma femme au gouvernement du Queensland, et moi aux impôts fédéraux.

On habite dans un coin vallonné, assez vert, à environ 10 km du centre de la ville. C’est un climat semi-tropical, avec des palmiers… Actuellement, c’est l’été, il fait autour des 30 degrés, beaucoup d’humidité. Noël et Sylvestre, cela se passe à la plage! Ici, c’est dès le début décembre que les gens commencent à organiser des fêtes, à ne plus trop travailler… C’est l’époque des grandes vacances scolaires, jusqu’à fin janvier.

swissinfo: La crise fait la une des journaux depuis des mois. Pouvez-vous en observer les effets concrets dans la région où vous habitez?

F.R.: On en parle beaucoup dans les médias, que ce soit à la télévision ou dans les journaux. Mais l’Australie n’est pas une place financière importante, même si des gens ont perdu leurs emplois dans les banques en décembre.

L’Australie est plutôt tournée vers l’exportation de matières premières, et, pour le moment, est donc moyennement touchée. On parle encore d’une croissance de 2% pour l’année prochaine, au lieu des 4 à 5% prévus. Mais on prévoit donc encore une croissance, ce qui n’est pas le cas partout.

Comme on exporte beaucoup de matières premières en particulier vers la Chine – charbon, acier, ciment, blé – on regarde attentivement ce qui se passe là-bas. Notre sort est donc lié à l’économie chinoise, la façon dont elle traversera la crise.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement prend déjà des précautions et dépense des milliards. Un plan tout récent prévoit de donner 1000 dollars australiens (environ 800 francs suisses) par enfant en âge de scolarité pour les familles à bas ou à moyen revenu.

Le gouvernement débloque aussi plusieurs milliards pour de nouvelles infrastructures, routes, écoles… Il y a donc des plans de relance.

swissinfo: Vous travaillez en tant qu’employé du fisc australien. Qu’est-ce qui a changé dans votre environnement professionnel au cours de l’année 2008?

F.R.: Il est clair qu’on a déjà reçu des messages nous annonçant que l’année 2009 sera plus dure, avec moins de revenus. On ne va pas vers la création d’emplois, mais plutôt vers un surcroît de travail, en oubliant les augmentations de salaire!

En Australie, le chômage est à 4,5%, et on prévoit une augmentation à 5 voire 6%.

swissinfo: «Il paraît que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c’est une crise. Depuis que je suis petit, c’est comme ça» disait Coluche dans le sketch «Le chômeur». Votre réaction?

F.R.: Je suis toujours d’accord avec ce que dit Coluche, j’aime bien son humour! En l’occurrence, c’est comme lors de toutes les grandes crises… En 1929, beaucoup de gens riches sont effectivement devenus plus riches grâce à la crise. Et là, pour ceux qui ont des opportunités, il y a des fortunes qui se font. La bourse prend parfois 5% en un jour, ça redescend le lendemain, il y a évidemment des gens qui font beaucoup d’argent avec ça.

swissinfo: Etes-vous plutôt du genre à penser que le monde s’enfonce dans le gouffre ou qu’une crise n’est qu’un mauvais moment à passer?

F.R.: Je ne pense pas que la crise va empêcher la Terre de tourner. Mais c’est l’occasion de revoir un peu notre philosophie, celle de la société de consommation, et de remettre en cause notre façon de vivre.

swissinfo: Vous croyez donc au fait que de cette crise pourrait émerger un monde plus sain?

F.R.: Oui. Disons que j’espère que cela ira dans ce sens-là.

swissinfo: Le monde politico-économique vit depuis longtemps dans la théorie et le culte de la «croissance». Réalisme, idéalisme ou mensonge selon vous?

F.R.: C’est un mensonge. On ne peut pas avoir toujours plus de biens matériels: les ressources de la Terre ne sont pas infinies. Et la population humaine croît de plus en plus. En Australie, dans les pays développés, beaucoup de gens ont une ou deux voitures, une maison, et les pays en voie de développement rêvent de cela. Est-ce possible de voir vivre ainsi 6 ou 7 milliards d’individus sur une planète aussi petite? Ça pose beaucoup de questions.

swissinfo: Pour conclure… de quoi le pays où vous vivez a-t-il le plus besoin, selon vous, pour sortir de ses difficultés actuelles?

F.R.: Economiquement, comme je l’ai dit, ça dépend beaucoup de la situation de la Chine et d’autres pays importateurs.

De manière plus générale, vivant en Australie, je pense qu’on devrait un peu plus regarder comment vivaient les premiers habitants, les aborigènes. S’inspirer davantage de ces gens que ce qu’on a fait jusqu’à maintenant. Il ne s’agit évidemment pas de vivre comme ils vivaient, mais d’être plus proches de la nature.

Depuis que l’homme blanc est arrivé en Australie, on a coupé des forêts, les fermiers ont utilisé la terre pour produire de plus en plus, il y a maintenant des pénuries d’eau dans certaines régions, avec en plus des sécheresses de plus en plus fréquentes et de plus en plus longues. Ici, l’énergie solaire est très peu répandue, alors que l’Australie a énormément de soleil.

Il faut essayer, maintenant, de trouver un équilibre entre la société humaine et son environnement.

swissinfo, Bernard Léchot

Fabrice Rochat est né en 1968 à Prilly, près de Lausanne. Il passe sa jeunesse à Bussigny.

Apprentissage de commerce, Ecole d’informatique de gestion, deux années de travail à l’UBS. Et la passion du voyage: à 19 ans déjà, il fait, sac au dos, le tour de l’Australie. Suivront d’autres voyages, surtout en Amérique.

Fabrice Rochat et sa compagne Sandra arrivent en Australie fin 1995 et s’installent à Sydney, où ils vivent jusqu’en 2002. Ils déménagent alors à Brisbane.

Sandra travaille pour le gouvernement du Queensland, au «Département de l’Audit». Fabrice Rochat, après avoir passé plus de quatre ans à la maison pour s’occuper de leur fille Magali, travaille aujourd’hui à l’Office des impôts fédéral comme employé administratif.

Avec environ 1,8 millions d’habitants, Brisbane, capitale de l’Etat du Queensland, est la 3ème ville d’Australie, derrière Sydney et Melbourne.

Elle est située à environ 950 kilomètres au nord de Sydney sur le fleuve Brisbane. A l’origine, l’endroit fut un centre pénitentiaire, créé en 1824.

Brisbane bénéficie d’un climat idéal presque tout au long de l’année en raison de sa situation tropicale (température moyenne de 25° C).

Son architecture est inspirée d’un style mêlant période victorienne, style colonial et architecture moderne. Perçue longtemps comme une simple ville de province, elle est aujourd’hui la ville est aujourd’hui la capitale de l’Etat le plus touristique de l’Australie.

Plusieurs industries s’y sont développées (raffinage pétrolier, travail du métal, manufacture diverses). Le tertiaire y est également bien représenté : informatique, services financiers, hautes écoles et administration publique se concentrent dans le «Central business district» de Brisbane.

Selon les chiffes 2007, ce sont environ 22’000 Suisses qui sont installés en Australie.

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