Les Chypriotes à Genève pour tenter de relancer un dialogue de paix

(Keystone-ATS) Les présidents chypriotes grec et turc sont à Genève pour une réunion informelle sous l’égide de l’ONU pour tenter de relancer des pourparlers de paix. La discussion, démarrée mardi pour 3 jours, devra surmonter la divergence sur un Etat fédéral ou deux Etats séparés.
Aussi bien le secrétaire général de l’ONU que le chef de la diplomatie britannique Dominic Raab ont appelé les délégations à être innovantes. Antonio Guterres est « réaliste », c’est une question qu’il connaît bien », a affirmé mardi matin à la presse son porte-parole Stéphane Dujarric. Il avait piloté les derniers pourparlers formels en 2017 en Suisse.
Outre les présidents chypriote grec Nicos Anastasiades et chypriote turc Ersin Tatar, le format informel cette semaine rassemble encore les chefs de la diplomatie des trois puissances garantes de la sécurité de l’île divisée, la Grèce, la Turquie et la Grande-Bretagne. Or, depuis les derniers pourparlers, les fronts ont bougé.
M. Tatar, qui contrôle le nord de l’île à la tête d’une République autoproclamée (RTCN), reconnue seulement par la Turquie, est revenu sur des décennies de discussions autour d’un Etat fédéral. Contrairement à son prédécesseur favorable à une réunification, ce nationaliste proche d’Ankara a été élu en octobre dernier en militant pour deux Etats.
Collaboration économique
Dans des déclarations récentes, il a répété l’impossibilité de continuer à discuter d’un Etat fédéral, mentionnant notamment « deux peuples avec des identités nationales distinctes et gérant leurs affaires séparément ». Il préfère une collaboration pour élargir les liens politiques et économiques qui, selon lui, permettrait aussi aux Chypriotes grecs d’accéder aux aéroports et aux ports turcs. Alors même que des tensions sur les hydrocarbures au large de Chypre ont opposé ces dernières années plusieurs pays au président turc Recep Tayyip Erdogan.
Cette revendication de deux Etats avait été alimentée ces derniers mois par la Turquie, provoquant la colère de certains acteurs. De leur côté, les Chypriotes grecs et la Grèce restent fermes sur le scénario d’un seul Etat, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. M. Anastasiades, qui affirme que la réunion de cette semaine est très importante pour l’avenir de Chypre, a toutefois laissé entendre qu’il pourrait proposer une « décentralisation » de certains pouvoirs.
Mardi après-midi, la réunion a démarré par des dialogues bilatéraux entre le secrétaire général et chacun des deux présidents. Une première plénière avec les ministres turc Mevlüt Cavusoglu, grec Nikos Dendias et M. Raab est prévue mercredi matin au Palais des Nations. Avant des bilatérales entre M. Guterres et chacun d’entre eux dans l’après-midi. M. Anastasiades et M. Tatar pourraient discuter jeudi entre eux.
Accès fermés avec le coronavirus
En raison des restrictions, la pandémie a elle matérialisé ce que signifierait une séparation permanente de l’île. Les zones d’accès contrôlées par l’ONU ont été fermées pour limiter la propagation du coronavirus. Au total, selon un récent sondage, plus de quatre Chypriotes turcs sur cinq souhaitent cette séparation qui serait aussi tolérée par un peu plus d’un quart des habitants de la partie grecque au sud de l’île.
Samedi, des centaines de personnes des deux côtés ont manifesté. Elles ont appelé à ne pas renoncer à une réunification qui garantirait les droits des deux communautés dans l’île divisée depuis 1974 après une invasion turque dans le nord en réaction à un coup d’Etat. Des dizaines d’ONG chypriotes turques de plusieurs pays ont également lancé une déclaration en soutien à un seul Etat.
L’une des principales difficultés entre les deux parties reste la question des dizaines de milliers de soldats turcs présents dans le nord. De leur côté, la RTCN et son allié turc souhaitent le maintien d’au moins une partie de ce dispositif. Les Chypriotes grecs demandent eux l’arrêt du droit des trois « garants » d’intervenir militairement en cas de problème de sécurité important, appel relayé également par Londres, qui n’a pas caché son souhait de renoncer à son statut, et par la Grèce.