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Les Etats-Unis sous haute surveillance

Le camp X-Ray abrite 158 personnes capturées en Afghanistan. Il y en aura bientôt 320, voire 1000. Keystone

Le sort des prisonniers afghans de Guantanamo alimente la controverse. Et il suscite l'inquiétude de la Suisse, détentrice des Conventions de Genève.

Face à l’ambassadeur des Etats-Unis en Suisse, Mercer Reynolds, le secrétaire d’Etat Franz von Däniken n’a pas mâché ses mots mardi à Berne.

«La Suisse demande que les personnes qui se trouvent à Guantanamo Bay et qui ont été arrêtées en Afghanistan soient considérées, selon le droit international en vigueur, comme des prisonniers de guerre au sens de la 3e Convention de Genève.»

Les Américains doivent choisir

Washington refuse en effet d’accorder à ces détenus le statut de prisonnier de guerre, afin de pouvoir les traduire devant des commissions militaires en voie de constitution.

«Les Etats-Unis ne peuvent pas, à la fois, déclarer la guerre et traiter leurs prisonniers comme des droit commun.» Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Genève, Pierre de Preux est catégorique.

«L’armée américaine a le droit de transférer des prisonniers de guerre – il ne s’agit pas, dans ce cas, d’une opération de police et donc d’une extradition, explique-t-il. Mais elle doit les traiter en tant que tels, c’est-à-dire avec humanité.»

A Cuba, le camp X-Ray abrite 158 personnes capturées en Afghanistan, et 6 à Sarajevo. Et, selon l’armée américaine, ils seront bientôt 320, voire 1000, à être encagés dans la base navale de Guantanamo Bay, avec l’accord de Fidel Castro.

La récente publication des photos de détenus agenouillés, menottés et cagoulés a provoqué une grande émotion. Elle a surtout inquiété le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), lequel a rappelé l’interdiction d’exposer des prisonniers à la curiosité du public. «Nous ne pouvons pas permettre qu’un Etat viole la 3e Convention de Genève», souligne Darcy Christen, porte-parole.

Une justice équitable

Le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, a tenté de désamorcer la controverse. «Aux Etats-Unis, nous avons un système judiciaire juste», a-t-il déclaré dimanche sur NBC.

Et de souligner que les détenus sont bien traités. Qui plus est en conformité avec leur religion. Du reste, une délégation du CICR se trouve actuellement sur place pour le vérifier.

Selon les Américains, les images qui ont fait le tour du monde montraient le transfert des prisonniers. Et elles n’étaient pas significatives des conditions permanentes de leur détention.

«Après tout, note Pierre de Preux, nos gendarmes transfèrent, eux aussi, les prisonniers menottés. Mais, pendant leur incarcération, les détenus de Guantanamo doivent pouvoir bénéficier des conditions de détention prévues par les Conventions de Genève.»

Il faudra juger sur pièce

Si Washington refuse d’accorder à ces détenus le statut de prisonnier de guerre, c’est pour pouvoir les traduire devant des commissions militaires ad hoc, c’est-à-dire des tribunaux d’exception.

«S’ils sont jugés par des tribunaux d’exception régulièrement constitués et s’ils bénéficient des garanties minimales de procédure, il n’y a pas de problème, estime Me de Preux.

Mais ce n’est pas ce que laissent supposer les informations dont nous disposons pour l’instant. Et, dans ce cas, les Etats-Unis se situeraient en dehors de la 3e Convention de Genève, et en particulier de l’article 3. Il faudra donc juger sur pièce.

Le débat n’épargne pas les Etats-Unis eux-mêmes. Un juge californien a, d’ores et déjà, accepté la requête d’un collectif de gens d’églises, d’universitaires et de juristes. Qui estiment que le traitement des détenus de Guantanamo constitue une violation non seulement des Conventions de Genève mais de la Constitution des Etats-Unis.

Isabelle Eichenberger

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