En période de crise au Proche-Orient, les communautés israélites font bloc derrière Israël. Mais, en Suisse, des voix discordantes commencent à s'élever.

Frédéric Burnand

«Qu'elles soient d'accord ou qu'elles désapprouvent la politique suivie par le gouvernement Sharon, les communautés juives de Suisse se taisent et font bloc derrière Israël», lance Joëlle Isler, rédactrice en chef de la Revue juive, un bimensuel destiné aux juifs de Suisse romande et aux Suisses vivant en Israël.

«Les 20 000 juifs de Suisse n'ont pas l'habitude de se mobiliser», ajoute Brigitte Sion. Et la secrétaire générale de la Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CIDAD) de préciser: «chez nous, les débats sur la situation au Proche-Orient se déroulent à l'abri des regards extérieurs».

Les voix critiques sont peu nombreuses

Il n'empêche, ici comme ailleurs, la diversité d'opinion existe bel et bien. «Et, affirme le responsable de l'information à l'ambassade d'Israël à Berne Daniel Halevy-Goetschel, les positions exprimées vont d'une solidarité fondamentale avec Israël à une solidarité critique.»

Cela dit, les voix critiques sont plutôt rares. Pour preuve, personne ne s'est élevé contre les propos récemment tenus en Suisse par le ministre israélien de la Justice.

En marge de la récolte de fonds organisée par l'Agence juive, Meir Sheetrit a prononcé la semaine dernière un discours plutôt musclé devant les communautés israélites de Suisse.

«Il a parlé, confirme Joëlle Isler, de la mort des négociations de paix, de la fin politique du président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat et du caractère indivisible de la ville de Jérusalem.»

Des propos, si l'on en croit la rédactrice en chef de la Revue juive, qui ont reçu un accueil largement favorable.

Les jeunes juifs de Suisse rêvent d'Israël

En fait, la plupart des juifs de la jeune génération sont solidaires avec l'Etat hébreu. «Beaucoup d'entre eux rêvent d'ailleurs de s'installer en Israël», rappelle Joëlle Isler.

Paradoxalement, révèle la rédactrice en chef de la Revue juive, «la génération qui a connu la Deuxième Guerre mondiale est nettement plus ouverte au dialogue».

Pour le rabbin de la communauté libérale de Genève, les juifs de Suisse n'ont rien d'un bloc monolithique. «Mais, ajoute François Garaï, la désillusion à l'égard des Palestiniens et de leurs dirigeants est immense.»

Cette désillusion, le rabbin la partage également. «J'en ai assez de répéter qu'Israël doit accepter l'existence d'un Etat palestinien, confie-t-il. Mais, d'un autre côté, mes interlocuteurs arabes n'ont en général que le mot sionisme à la bouche. Et, jamais, ils n'affirment clairement leur volonté de reconnaître l'Etat d'Israël.»

Créer un espace pour le dialogue

Pourtant, face à cette logique de guerre, des voix discordantes commencent à s'élever. Un manifeste - qui circule actuellement dans tout le pays - réunit des dizaines de signatures de Juifs et d'Arabes.

«Nous voulons prouver qu'il existe des sensibilités différentes à l'intérieur des deux communautés, qu'il y a aussi des voix qui refusent la radicalisation des positions», explique Pierre Hazan.

Et le journaliste de conclure: «nous voulons créer un espace de dialogue et tenter d'éviter que cet affrontement ne s'étende à l'Europe, comme c'est le cas déjà en France».

Frédéric Burnand, Genève

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