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De l’importance du look en politique

Toni Brunner, président de l’Union démocratique du centre, se fait poudrer le nez avant d’entrer sur le plateau d’Arena, émission politique phare de la TV alémanique. Keystone

Quand il s’agit d’élire une politicienne ou un politicien, le look a plus d’importance qu’on ne l’admet généralement. Pour autant, Miss et Mister Suisse ne seraient pas assurés de décrocher un siège au Parlement, explique le politologue Georg Lutz, auteur d’une étude sur la question.

Expert du comportement en politique, Georg Lutz a mené une étude expérimentale au Centre de compétence suisse en sciences sociales de l’Université de Lausanne. Pour ce faire, il s’est basé sur des données récoltées lors des élections fédérales de 2007.

Il a souvent a été démontré que bien peu d’électeurs fondent leur choix sur des considérations politiques complexes, comme le programme ou les actions des partis ou des candidats. De nombreux citoyens en effet votent sans être nécessairement intéressés par la politique.

Georg Lutz explique que l’un des objectifs de l’étude était d’essayer de faire la lumière sur le comportement électoral et de faire réfléchir les gens sur les mécanismes d’une campagne politique.

swissinfo.ch: Dans quelle mesure est-il important pour un parti de présenter des candidats physiquement attractifs?

Georg Lutz: Pour la compétition entre partis, cela n’a pas vraiment beaucoup d’importance. Un parti est intéressé à gagner autant de sièges que possible.

Chaque parti a besoin de candidats qui peuvent présenter son programme d’une manière cohérente. Et si d’aventure, ceux-ci sont attractifs au niveau physique, c’est probablement un atout.

Mais au niveau individuel, c’est certainement très utile, car la compétition ne se fait pas entre candidats de partis différents, mais entre candidats d’un même parti.

swissinfo.ch: Miss ou Mister Suisse seraient-ils assurés de décrocher un siège si un parti pouvait les convaincre de se porter candidats?

G.L.: Bien présenter aide – cela peut faire la différence – mais ce n’est pas suffisant. Les candidats doivent être crédibles et avoir des racines en politique. Ils doivent aussi être en mesure de faire des déclarations politiques de base. La compétition pour un siège au Parlement est dure à l’intérieur de tous les partis.

swissinfo.ch: A quel point vos découvertes sur l’avantage de l’attractivité en politique vous ont-elles surpris?

G.L.: Le fait que l’attractivité perçue a une incidence – raisonnablement forte – sur le nombre de voix n’a pas constitué une surprise. C’est en ligne avec de précédentes études qui avaient montré que l’attractivité a une importance dans des contextes très différents.

Mais le but de l’étude n’était pas tellement de surprendre, mais de jeter un œil critique sur le comportement électoral.

Un modèle démocratique idéal suppose que les électeurs étudient les manifestes des partis, examinent les candidats – leurs antécédents, leur expérience – et qu’ils prennent une décision rationnelle en toute connaissance de cause.

Mais en réalité, ce sont des facteurs très simples, comme l’attractivité ou le positionnement dans les sondages, qui influencent le choix des électeurs. Ce ne sont pas des critères très rationnels et cela démontre à quel point le choix de candidats se fait rapidement.

 

swissinfo.ch: N’est-ce pas inquiétant?

G.L.: Le look n’est pas décisif. Mais cela montre que choisir un candidat n’est pas différent de prendre un produit dans un rayon, une décision basée par exemple sur la couleur de la boîte dans lequel ce produit est vendu.

Mais il n’y a pas de raison de s’alarmer. En effet, ce côté superficiel ne s’applique pas dans la même mesure en ce qui concerne le choix d’un parti politique.

La plupart des électeurs ne comparent pas les candidats issus de différents partis, mais seulement les candidats à l’intérieur d’un parti dont ils se sentent proches. En fin de compte, le nombre de sièges est plus important que le candidat qui représente le parti au Parlement.

swissinfo.ch: Quelle a été la réaction du monde académique et des médias à votre étude?

G.L.: Les médias ont beaucoup apprécié. C’est typiquement le genre de chose qu’ils adorent. Cette interview n’est-elle pas là pour le prouver? (rires)

La réaction du monde académique a été mitigée. Il y a des scientifiques venant du domaine de la psychologie politique qui ont apprécié l’étude, son caractère expérimental et sa méthodologie. Mais il y en a qui ont critiqué le caractère simple et évident du résultat. Pour eux, cette étude était inutile.

Il y a ensuite eu des critiques disant qu’il était choquant de mener une telle étude pour en arriver à un tel résultat. Ces gens estimaient que ce n’est pas très flatteur pour la démocratie, vu qu’elle démystifie l’idée que les citoyens prennent leur décision sur des critères rationnels.

Mon poste à l’Université de Lausanne est financée par le Fonds national pour la recherche scientifique et j’apprécie la liberté académique permettant de mener de telles études. C’est pourquoi ces critiques ne me gênent pas outre mesure.

L’étude a évalué 744 des 3089 candidats qui se sont présentés lors des élections fédérales de 2007.

Les participants à l’étude devaient évaluer l’attractivité physique et les compétences des candidats. Leur choix a été comparé aux résultats obtenus lors du scrutin de 2007.

Les photos des candidats étaient présentées de manière aléatoire, et les participants à l’étude étaient autorisés à prendre des pauses au cours de cette évaluation en ligne qui durait plus de deux heures.

Les résultats ont été publiés dans la Revue suisse des sciences politiques d’octobre 2010.

Traduction de l’anglais: Olivier Pauchard

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