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Grèce-Europe: questions existentielles

Le coup de poker du premier ministre Georges Papandréou prend l’Europe de court. AFP

Le référendum annoncé par le premier ministre grec Georges Papandréou remet en question le plan de sauvetage européen. Dans l’Union, c’est la consternation. Pour la presse suisse, l’affaire soulève des questions existentielles – pour l’Europe, pour la Grèce et pour la démocratie.

«Le coup de Papandréou perturbe les marchés et les politiciens européens», titre le Tages Anzeiger à Zurich. «La Grèce joue avec les nerfs des Européens», annoncent en Romandie 24 heures et La Tribune de Genève. Le Temps avertit d’un «risque de chaos» et le tabloïd Blick pose crûment la question: «Papandréou est-il fou ou très intelligent ?»

Pour la Neue Zürcher Zeitung, le premier ministre grec «joue gros». Derrière cette annonce d’un référendum se cache un calcul politique. «Que Papandréou, par les temps difficiles que connaît son pays, ne veuille pas prendre seul la responsabilité politique des sévères mesures d’austérité qu’impose le plan, cela est compréhensible. Le premier ministre est dos au mur et ce référendum est une dernière tentative d’amener l’opposition à coopérer», note le quotidien zurichois.  

Tragédie et démocratie

«Le référendum pourrait être suicidaire», relèvent L’Express et L’Impartial, qui voient dans cette affaire tous les ingrédients de la tragédie grecque. «Les grèves et les manifestations n’ont cessé de se multiplier dans un pays où ‘plus personne ne travaille’, comme le note un politologue. […] Et nombre de Grecs n’ont tout simplement plus de quoi payer leurs factures. Le premier ministre est pris entre le marteau européen et l’enclume de la rue», écrivent les deux quotidiens neuchâtelois.

Pout l’Aargauer Zeitung, le problème grec est bien sûr un problème économique, mais «en arrière-plan, il y a également la question de savoir qui dirige le pays».

Le Tages-Anzeiger et le Bund de Berne voient dans la décision de Papandréou «un coup libérateur et courageux». Dans une situation de contrainte, le premier ministre se saisit de l’instrument démocratique par excellence: la votation populaire. «Le peuple doit décider s’il veut rejeter les coupures brutales du nouveau plan de sauvetage de l’Union […], ou s’il veut garder l’euro. […] Car il ne pourra pas faire les deux».

Si le premier ministre grec en arrive à jouer ce «coup de poker […], c’est que la tension est trop forte dans son pays», notent 24 heures et La Tribune de Genève. Pour autant, prévoient les deux quotidiens, «le vote des Grecs ne fait aucun doute. Ils diront non. Comme les Islandais avant eux, qui avaient refusé de rembourser la dette de la banque Icesave».

Retour à la drachme ?

«Le vote grec pourrait faire sortir le pays de la zone euro, le mettre en faillite et le faire revenir vingt ans en arrière. Mais pour ceux que la dictature des marchés exaspère, ce sera une victoire du courageux Papandréou», concluent 24 heures et La Tribune de Genève.

Moins catégorique, Le Temps, estime que le vote «est loin d’être gagné». Mais quant aux conséquences d’un non, le quotidien lémanique craint lui aussi «un défaut désordonné de la Grèce, qui pourrait se propager à l’ensemble de la zone euro, et contaminer le reste de la planète. Une sorte de Lehman Brothers à l’échelle d’un Etat. Le chaos».

En attendant, reste à savoir ce que la Banque centrale européenne va faire. Mais ici, soulignent L’Express et L’Impartial, il y a un problème. «Le nouveau président de la BCE, l’Italien Mario Draghi était en fonction entre 2002 et 2005 chez Goldman Sachs, la grande banque qui conseillait alors la Grèce et a puissamment contribué à maquiller ses comptes pour les rendre plus présentables aux yeux des membres de la zone euro… Draghi nie tout conflit d’intérêt, mais sans parvenir à convaincre. Son rôle dans cette affaire reste un complet mystère».

L’annonce surprise d’un référendum en Grèce sur l’accord de désendettement a désorienté les bourses européennes mardi. A Paris, le CAC 40 s’est affaissé de 5,38%. A Francfort, le Dax a chuté de 5%. Madrid a perdu 4,19% et Lisbonne 3,68%. Pertes plus limitées à la Bourse suisse où le SMI a reculé de 2,49% et à Londres, où le Footsie a baissé de 2,21%.

Première place européenne à clôturer dans la journée, Athènes a enregistré le plus fort repli et lâché 6,92%. La Bourse de Milan (-6,80%) a connu un plongeon similaire dans un marché paniqué par la perspective de voir l’Italie s’enfoncer dans la crise de la dette. C’est son plus fort repli en séance depuis la crise financière en octobre 2008.

«L’optimisme des investisseurs sur les perspectives de la zone euro s’est évaporé», notent des analystes. Ils attendent maintenant «une récession prolongée en zone euro et une poursuite des turbulences sur le marché».

Un non des Grecs au référendum prévu en janvier menacerait la «viabilité» de la zone euro, avec un risque de faillite de la Grèce, qui pourrait sortir de la monnaie unique, a averti mardi l’agence de notation Fitch.

(Source: ats)

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