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Oui massif à un nouveau durcissement du droit d’asile

La loi sur l'asile a subi une longue série de tours de vis depuis 30 ans. Keystone

Sans surprise, les électeurs suisses se sont prononcés nettement dimanche en faveur d’une révision urgente de la loi sur l’asile. Le score est sans appel: plus de trois-quarts d'entre eux ont glissé un oui dans les urnes.

Près de 4 Suisses sur 5 (78,5%) ont plébiscité les mesures urgentes votées en automne dernier par le Parlement pour faire face aux défis engendrés par l’afflux de requérants d’asile, conséquence notamment des révolutions qui ont frappé les pays arabes. Tous les cantons et toutes les régions linguistiques du pays ont largement accepté le texte, même si les Romands se sont montrés un peu moins enthousiastes que les Suisses alémaniques.

Avec cette révision, contestée par référendum par une partie de la gauche, des associations humanitaires et des Eglises, les requérants d’asile ne pourront plus déposer une demande auprès d’une ambassade suisse à l’étranger, mais uniquement sur territoire helvétique. Les déserteurs et les personnes refusant de servir ne seront plus reconnus automatiquement comme réfugiés et les requérants d’asile qui menacent la sécurité et l’ordre public devront être hébergés dans des centres spéciaux. La Confédération pourra également utiliser ses propres infrastructures pour héberger les requérants d’asile.

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«Marque de confiance des citoyens»

Vice-président de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), Claude-Alain Voiblet estime que la nette acceptation de dimanche est une indication du ressenti de la population par rapport à la politique d’asile. «La population n’est pas dupe: elle réalise que des gens usent et abusent de la loi sur l’asile», a déclaré Claude-Alain Voiblet, soulignant que la situation économique favorable de la Suisse et la facilité en matière de mobilité entraînent une pression migratoire très forte.

Pour Isabelle Moret, vice-présidente du Parti libéral-radical (PLR / droite), le résultat du vote est «une marque de confiance des citoyens dans la révision qui est en cours». Cette énième révision, qui sera discutée cette année au Parlement, vise essentiellement à accélérer les procédures. 

Le Parti démocrate-chrétien (PDC / centre-droit), qui se félicite du résultat, attend lui aussi la suite de la révision. Son président Christophe Darbellay relève que la netteté du score «donne du courage pour la deuxième étape, mais il faudra de nouveau proposer des projets équilibrés, qui ne franchissent pas la ligne rouge».

– Les demandes ne peuvent être présentées qu’à la frontière et dans les aéroports suisses. La possibilité de le faire auprès des ambassades est supprimée.

 – Ne sont plus considérés comme réfugiés les personnes exposées à des menaces sérieuses pour avoir déserté ou refusé de servir. Cette protection est offerte cependant en vertu de la Convention internationale sur le statut des réfugiés.
 
– Les requérants qui compromettent l’ordre public et la sécurité peuvent être placés dans des centres de détention spéciaux.
 
– La Confédération peut utiliser ses infrastructures et ses bâtiments pour loger des requérants l’asile, sans devoir en référer aux cantons et communes.
 
– Sur une durée de deux ans, le gouvernement peut tester de nouvelles procédures d’examen des requêtes d’asile. Il peut notamment réduire de trente à dix jours le délai de recours contre une décision négative.

«Une campagne de diffamation»

Pour les opposants au projet parlementaire, la défaite est en revanche amère. «Nous ne pensions pas gagner, mais nous n’attendions tout de même pas un tel résultat», a ainsi indiqué la vice-présidente des Verts Adèle Thorens. «Vu l’ambiance dans le pays, les durcissements en matière d’asile réunissent des majorités», a quant a elle simplement constaté la députée socialiste Silvia Schenker. Le Parti socialiste avait refusé de soutenir activement le référendum en raison du peu de chances de succès dans les urnes.

Pour l’Organisation d’aide aux réfugiés (OSAR), la nette acceptation du durcissement de la loi sur l’asile est le fruit d’une «campagne de diffamation de plusieurs années» de l’aile droite du monde politique. Stefan Frey, de l’OSAR, estime que par rapport à la catastrophe qui se déroule en Syrie, la discussion, qui concerne quelques dizaines de jeunes réfugiés d’Afrique du Nord, est «ridicule».

Le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) a de son côté dénoncé le ton souvent négatif qui a accompagné le débat précédent la votation. Responsable du bureau pour la Suisse du HCR, Susin Park a notamment regretté l’image donnée aux objecteurs de conscience et aux déserteurs, en provenance pour la plupart d’Erythrée.

Longue série de révisions

Depuis son entrée en vigueur en 1981, la loi fédérale sur l’asile a déjà été soumise à une dizaine de révisions, en moyenne une tous les trois ans. C’est en 2006 que le peuple s’est prononcé pour la dernière fois sur le sujet. Les électeurs avaient alors accepté à 68% de ne plus donner d’accès à la procédure d’asile normale aux personnes sans carte d’identité ou passeport. Une seule fois un tour de vis du droit d’asile a été refusé dans les urnes: en 2002, les électeurs avaient rejeté d’extrême justesse (50,1% de non) une initiative populaire de l’UDC.

Malgré cette longue série de durcissements, la Suisse figure aujourd’hui encore – aux côtés de la Suède, de la Norvège, de l’Autriche et du Luxembourg – parmi les pays européens confrontés au plus grand nombre de demandes d’asile, proportionnellement à leur population. Les requérants d’asile proviennent pour la plupart d’Erythrée, du Nigeria, de Tunisie, de Serbie et d’Afghanistan.

Lors du débat parlementaire, la ministre socialiste de Justice et Police Simonetta Sommaruga avait toutefois mis en garde contre les attentes excessives qui pourraient découler de cette nouvelle révision. «Le problème, c’est que lors de révisions précédentes de la loi, on a déjà voulu lancer des signaux à la population, tout en sachant que les décisions n’apporteraient aucun changement», avait-elle déclaré. «Avec cette manière de procéder, on déçoit à chaque fois la population. Et on sape la crédibilité de la politique d’asile».

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