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Les écoles suisses à l’étranger menacées par les économies de la Confédération

École suisse à Barcelone
Un cours de sport à l’école suisse de Barcelone, qui compte quelque 660 élèves. educationsuisse


La cure d’austérité de la Confédération met en péril les écoles suisses à l’étranger. La disparition de ces établissements priverait le pays d’un réseau international qui contribue au rayonnement de la culture et de l’éducation helvétique, met en garde Serge Künzler, le directeur de leur organisation faîtière.

L’ambiance est tendue dans les couloirs des 17 écoles suisses à l’étrangerLien externe, réparties dans 10 pays et sur trois continents. Elles sont menacées par le programme d’économies du gouvernement, dont le but est d’économiser 3 à 4,5 milliards de francs par an dès 2027 pour rééquilibrer les finances fédérales.

L’une des mesures proposées prévoit de réduire de 18,4 millions de francs les contributions versées au titre de l’encouragement à la culture d’ici à 2028. Elle frappe de plein fouet les écoles suisses à l’étranger, dont le budget serait amputé de 7,9 millions de francs, si elle était avalisée par le Parlement.

Le groupe d’expertsLien externe qui a élaboré ce plan d’économies estime qu’«une réduction dans ce domaine paraît possible au vu des importants montants de crédits résiduels accumulés ces dernières années, notamment parce que le nombre d’enfants suisses scolarisés à l’étranger a reculé».

Contenu externe

Des économies disproportionnées

Ce n’est cependant pas l’avis de Serge Künzler, le directeur d’educationsuisse, l’association faîtière des écoles suisses à l’étranger. «Ces économies touchent durement les écoles suisses à l’étranger et les affectent de manière disproportionnée», déplore-t-il. Il souligne que les établissements scolaires assument ainsi 43% des économies imposées à l’Office fédéral de la culture, bien qu’ils ne représentent que 8,5% de son budget total.

La mesure est d’autant plus difficile à digérer que les écoles chapeautées par educationsuisse ont déjà dû économiser 5,6 millions de francs dans le cadre du message culture 2024-2028.

Les conséquences des nouvelles coupes pourraient être désastreuses, selon Serge Künzler. «Nous devons nous attendre à la fermeture de certaines écoles ou à la réduction de leur caractère suisse», avertit-il.

Le soutien fédéral ne couvre certes que 20% des dépenses totalesLien externe des écoles, qui sont financées principalement par les frais de scolarité. Le directeur d’educationsuisse ne voit cependant pas comment la diminution des subventions pourrait être compensée par d’autres sources de financement. «Les cantons nous aident déjà, notamment pour l’achat de matériel pédagogique ou pour financer des formations continues. En outre, ils sont aussi mis sous pression par le paquet d’économies de la Confédération», relève-t-il.

école suisse à Bangkok
L’équipe de l’école suisse de Bangkok, qui encadre quelque 340 élèves. educationsuisse

Une minorité d’élèves suisses

Les écoles suisses à l’étranger ont toutes été fondées par des Suisses de l’étranger alémaniques. C’est pourquoi elles sont traditionnellement germanophones. Seule l’école de Bogota dispose d’une section français-espagnol.

À l’origine, le but était de répondre aux besoins des personnes expatriées, qui voulaient proposer un enseignement suisse de qualité à leurs enfants. Le premier de ces établissements scolaires a ainsi vu le jour en 1892 à Bergame, en Italie, pour accueillir les enfants des employés de la filature de coton Legler. Dans les années 1930-1940, les écoles suisses à l’étranger représentaient également une alternative aux écoles allemandes, marquées par le national-socialisme.

Aujourd’hui, les écoles suisses dans le monde ont toujours pour but de renforcer les liens entre les jeunes Suisses de l’étranger et leur patrie. Cependant, elles accueillent désormais en majorité des élèves du pays hôte ou d’autres nationalités, qui représentent 80% des près de 8000 élèves, comme l’indique Serge Künzler.

Ces établissements suscitent un large intérêt, car ils sont réputés pour leur qualité et se distinguent par leur enseignement plurilingue (les cours sont toujours dispensés dans au moins deux langues). La Confédération y voit également un moyen de tisser de bonnes relations avec le pays hôte et d’attirer en Suisse des étudiants et du personnel hautement qualifié, comme elle l’indique dans un rapportLien externe.

Des ambassadrices de la Suisse

Serge Künzler souligne que ces écoles représentent la Confédération dans le monde avec une force de rayonnement incroyable. «Chaque enfant qui passe par l’un de nos établissements porte d’une certaine manière la Suisse dans son cœur. Certains deviendront peut-être des leaders économiques, qui pourront être recrutés par notre pays», déclare-t-il.

Le directeur d’educationsuisse relève que les écoles helvétiques sont souvent mentionnées comme étant la plus importante institution suisse dans les pays où elles sont implantées, à côté des ambassades et des consulats. En plus de mettre les élèves et leurs familles en difficultés, la fermeture d’écoles suisses à l’étranger créerait donc un important dégât d’image pour la Confédération, à ses yeux.

écoles suisses
Les élèves de l’école suisse de Lima, au Pérou, entourent le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis (au centre), venu leur rendre visite. educationsuisse

Il rappelle également que les grands voisins de la Suisse investissent davantage pour soutenir leur réseau d’écoles à l’étranger. L’Allemagne dispose de 136 établissements scolaires à l’étranger et, selon un rapport de la ConfédérationLien externe, y consacre environ 315 millions d’euros par an. L’État français consacre environ 1,2 milliard d’euros à 540 écoles dans 139 pays, selon le même rapport. Quant à l’Italie, on sait qu’elle gère directement huit établissements et soutient 43 écoles italiennes dans le monde.

Entre soutien et propositions de financement alternatif

La suppression de ces subventions inquiète également l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE). «Ces écoles sont un point de référence et d’ancrage important pour la Cinquième Suisse, mais aussi un facteur de succès central pour la présence internationale de la Suisse, car elles transmettent les valeurs, la culture et l’éducation suisse», écrit-elle dans sa prise de position. L’OSE craint que cette mission soit mise en péril.

Sous la Coupole fédérale, ce dossier ne figure pas parmi les préoccupations majeures des parlementaires, mais les avis des élus divergent sur le sujet. Le député du Parti libéral radical (PLR / droite) Laurent Wehrli, membre de l’intergroupe parlementaire «Suisses de l’étranger», défend fermement les écoles suisses à l’étranger, qu’il considère comme essentielles. «Je les visite régulièrement lorsque je suis à l’étranger. La dernière que j’ai visitée était celle de Lima, au Pérou. Ces écoles sont souvent parmi les mieux cotées de leur pays grâce à la qualité helvétique», souligne-t-il.

Pour Laurent Wehrli, la solution réside dans un transfert des charges de la Confédération vers les cantons. «L’éducation est une tâche cantonale en Suisse», rappelle le député. Il propose un dialogue entre la Confédération et les cantons afin de trouver des solutions de transition, permettant aux cantons de prendre progressivement en charge le financement des écoles suisses.

Du côté de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), l’enthousiasme n’est pas au rendez-vous. Le député UDC Thomas Stettler considère que le pays peut se passer de ces établissements à l’étranger et compte soutenir cette proposition d’économies. «Les écoles qui offrent une véritable plus-value et répondent à une forte demande devraient pouvoir survivre, sans l’argent de la Confédération», affirme-t-il.

À Bogotá, à Singapour ou à Madrid, les élèves et le corps enseignant devront encore patienter pour être fixés sur leur sort. Le programme d’allègement budgétaire du gouvernement est en consultation jusqu’au 5 mai. Le Parlement devra ensuite l’examiner au cours des prochaines sessions. Et si un référendum est déposé, le peuple se prononcera probablement l’an prochain.

swissinfo.ch est aussi menacé par le plan d’économies du Conseil fédéral. Celui-ci propose de supprimer la contribution fédérale de 19 millions à l’offre de la Société suisse de radiodiffusion et de télévision (SSR) destinée à l’étranger. Celle-ci comprend swissinfo.ch, le site en italien tvsvizzera.it, ainsi que la collaboration avec les chaînes de télévision internationales TV5MONDE et 3sat.

Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg

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