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Revenir en Suisse… post-mortem

Cercueils
En 2024, près de 800 personnes de nationalité suisse et résidant en Suisse sont décédées à l’étranger. Keystone/DPA/Sophia Kembowski

Tôt ou tard, tout le monde est concerné, mais personne n’aime en parler. Lorsqu’un être cher décède, la situation est déjà complexe quand le décès survient en Suisse. Si cela se produit à l’étranger, des défis supplémentaires s’ajoutent.

Lorsque l’on part pour une nouvelle vie, il est compréhensible que la mort ne soit pas un sujet auquel on souhaite penser. Preuve que ce sujet n’est pas le favori de celles et ceux qui s’installent hors des frontières de la Confédération, Nicole Töpperwien, directrice de la coopérative de soutien aux Suisses de l’étranger Soliswiss, explique: «La page de conseilsLien externe concernant le décès à l’étranger est l’une des moins consultées de notre site».

La plupart des renseignements fournis par Soliswiss dans ce domaine sont demandés par des personnes prévoyantes qui, avant de s’établir définitivement à l’étranger, s’informent sur les démarches à effectuer et les éléments à prendre en compte d’un point de vue administratif, afin que leur famille n’ait pas à se soucier de ces questions au moment déjà difficile du deuil.

Le principal conseil est de connaître la réglementation du pays dans lequel vous déménagez. Faites notamment vérifier votre mandat pour cause d’inaptitude ou votre testament par un spécialiste local, afin de vous assurer que les dispositions que vous avez choisies sont valables et adaptées à votre nouveau pays de résidence.

En outre, «vous pouvez aider vos proches en préparant certaines formalités, par exemple concernant l’état civil ou l’AVS, et en indiquant qui pourra fournir une assistance administrative dans le pays de résidence et en Suisse en cas de décès», recommande Soliswiss. «Il est également important que vos proches sachent si vous souhaitez être inhumé dans votre nouveau pays de résidence ou si votre corps ou vos cendres doivent être rapatriés en Suisse, et si vous disposez d’une assurance couvrant le rapatriement.»

Responsabilité individuelle

Il s’agit bien sûr de précautions auxquelles réfléchissent surtout celles et ceux qui décident de partir pour une longue période, voire pour toujours. Mais la mort, comme on le sait, ne vérifie pas si l’on dispose d’une couverture d’assurance avant de frapper.

Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) est plus indulgent. La protection consulaire offre certaines prestations en cas de décès à l’étranger, par exemple informer les proches et effectuer des recherches sur les éventuelles assurances souscrites en Suisse. Il est néanmoins important de souligner que cela concerne uniquement les personnes de nationalité suisse domiciliées en Suisse. Si le lieu de résidence est un autre pays, le DFAE part du principe que ces services relèvent de la compétence des autorités locales et qu’il n’est pas tenu de les prodiguer.

Dans un mémento à ce sujet, il est également souligné que l’aide que la Confédération peut fournir se fonde sur l’article 5 de la loi sur les Suisses de l’étranger et donc sur la responsabilité individuelle. En d’autres termes, le DFAE «attend des citoyens suisses se rendant à l’étranger qu’ils prennent les mesures adéquates, afin de parer à d’éventuels problèmes (couverture d’assurance, instructions aux proches en cas de décès, etc.».

En 2024, la protection consulaire suisse a traité 321 cas sur un total de 795 décès de personnes de nationalité suisse résidant en Suisse survenus à l’étranger.

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Zinc et carte de passage

Emiliano Delmenico, de l’Association tessinoise des entrepreneurs de pompes funèbres (Stiof), nous explique que sa société gère en moyenne une dizaine de fois par an le rapatriement d’un corps. Il s’agit presque toujours de touristes, donc de personnes résidant en Suisse.

La tâche d’une entreprise de pompes funèbres consiste avant tout à permettre à la famille de vivre la période déjà difficile du deuil sans soucis supplémentaires. Bien sûr, si le corps doit être rapatrié d’un autre pays, tout devient plus compliqué et plus coûteux. 

La Suisse fait partie des pays qui ont signé la Convention internationale sur le transport des corps (Convention de Berlin). Celle-ci stipule qu’au-delà de 10 kilomètres de la frontière, en plus du cercueil normal, le corps doit être placé dans un cercueil en zinc scellé avant de pouvoir rentrer en Suisse. L’objectif est de protéger la sécurité des vivants.

En outre, le certificat médical de décès, le passeport ou la carte d’identité de la personne décédée ainsi que l’autorisation de l’autorité judiciaire locale sont nécessaires si une enquête a été ouverte sur les circonstances du décès. Le document le plus important reste le «passeport mortuaire» ou «carte de passage pour cadavre». Il s’agit d’un document délivré par les autorités locales qui, en substance, outre l’identité de la personne et les causes du décès, certifie que toutes les prescriptions relatives à la mise en bière du corps ont été respectées.

Les procédures risquent de se compliquer davantage si le pays dans lequel la personne est décédée ne fait pas partie des signataires de la Convention de Berlin. Toutefois, les autorités suisses reconnaissent, dans la plupart des cas, des documents analogues au laissez-passer.

Cercueil en zinc
Pas de question de passer une frontière sans un cercueil en zinc. E. Delmenico

Des difficultés d’une autre nature peuvent également survenir. Certains pays comme les États-Unis n’utilisent pas le cercueil en zinc, mais procèdent à l’embaumement du corps pour garantir la sécurité des vivants.

De nombreux problèmes bureaucratiques et logistiques peuvent être «contournés» grâce à la crémation, mais il n’est pas toujours certain qu’il s’agisse d’une pratique courante dans le pays où le décès a eu lieu. Et d’après l’expérience d’Emiliano Delmenico, il est très rare que la famille d’une personne décédée à l’étranger pendant ses vacances opte pour une crémation.

Dans tous les cas, les représentations diplomatiques en Suisse sont également là pour les professionnels. Elles disposent de toutes les informations concernant les coutumes et les normes de leur pays, peuvent apporter leur aide pour surmonter les obstacles liés aux différences législatives, linguistiques et culturelles, et sont souvent en contact avec des entreprises de pompes funèbres locales.

En général, le bon sens prévaut, mais…

Lorsque nous demandons à Emiliano Delmenico s’il a déjà dû s’occuper d’un rapatriement particulièrement compliqué, il ne cite pas un endroit lointain, mais la Sardaigne.

«Le principe fondamental du traité de Berlin est de faciliter le transport des dépouilles, et malheureusement, cet esprit fait parfois défaut». Dans ce cas précis, il lui avait semblé que les autorités locales faisaient tout pour entraver plutôt que faciliter la tâche. Elles ont par exemple exigé la présence des membres de la famille sur place, ce que les traités internationaux ne prévoient pas (cela n’est nécessaire que dans le cas où une identification du corps doit être effectuée, mais ce n’était pas le cas ici).

Il a fallu un mois avant que le corps puisse rentrer. «La famille était très éprouvée», se souvient-il. De plus, la dépouille n’avait pas été conservée dans des infrastructures adéquates. «Dans un endroit où il fait assez chaud en été, je vous laisse imaginer l’état de conservation du corps.»

Heureusement, il s’agissait d’un «cas unique». En général, dans ce domaine, la compréhension et le bon sens prévalent. Comme il le précise, il est très rare que les autorités et les fonctionnaires cherchent la petite bête pour empêcher un rapatriement lorsque tous les documents nécessaires sont présents.

Attention au lieu d’origine

Emiliano Delmenico insiste sur un dernier point pour celles et ceux qui envisagent de quitter définitivement la Confédération et souhaitent que leur corps soit rapatrié après leur décès. Tout citoyen ou citoyenne suisse a le droit d’être inhumé en Suisse, dans son lieu de domicile. Toutefois, en cas de déménagement à l’étranger, ce n’est pas le dernier lieu de résidence en Suisse qui fait foi, mais le lieu d’origine indiqué sur le passeport ou la carte d’identité.

Ce dernier est «hérité» du parent dont on porte le nom de famille, ce qui fait que de nombreuses personnes disposent d’un lieu d’origine où elles n’ont jamais mis les pieds.

Il est donc préférable de se renseigner à l’avance sur la marge de manœuvre prévue par le règlement du cimetière de la commune où l’on souhaite reposer pour toujours, au risque de ne pas se retrouver dans la dernière demeure de ses rêves.

Pour en savoir plus sur la particularité tout helvétique du lieu d’origine: Le lieu d’origine, une bizarrerie propre à la Suisse.

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Texte relu et vérifié par Daniele Mariani, traduit de l’italien par Lucie Donzé/op

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