La voix de la Suisse dans le monde depuis 1935
Les meilleures histoires
Démocratie suisse
Les meilleures histoires
Restez en contact avec la Suisse

Mathilde Crevoisier Crelier: «La Suisse surestime son pouvoir sur le grand échiquier international»

Mathilde Crevoisier Crelier: «La Suisse surestime son pouvoir sur le grand échiquier international»
«À mes yeux, il est essentiel de renforcer la participation politique de la Cinquième Suisse, notamment parce que l’abstentionnisme progresse», estime Mathilde Crevoisier Crelier. Swissinfo / Katy Romy

La conseillère aux États socialiste Mathilde Crevoisier Crelier plaide pour une Suisse ouverte sur le monde. Dans le cadre de notre série d’interviews «La Cinquième Suisse sous la Coupole», elle revient sur son engagement politique en faveur des Suisses de l’étranger.

Élue en décembre 2022, Mathilde Crevoisier Crelier est passée directement de la politique locale jurassienne au Conseil des États. La socialiste a succédé à Elisabeth Baume-Schneider lorsque cette dernière a été élue au Conseil fédéral.

Traductrice de formation, la Jurassienne de 45 ans est très engagée sur les questions de formation, d’égalité et d’environnement. Son engagement pour les Suisses de l’étranger reflète sa vision d’un monde qui va au-delà des frontières nationales.

Contrairement à la France ou l’Italie, qui accordent des circonscriptions électorales à leurs citoyens expatriés, les Suisses de l’étranger ne disposent pas de représentation directe sous la Coupole fédérale. Cela ne signifie pas pour autant que leurs intérêts ne sont pas pris en compte. Plus de 60 députés et sénateurs (sur 246) sont membres de l’intergroupe parlementaire «Suisses de l’étranger»Lien externe. Chaque semaine de session, nous donnons la parole à l’un d’entre eux dans notre nouveau format «La Cinquième Suisse sous la Coupole». 

Swissinfo: Quelle a été votre priorité durant cette session?

Mathilde Crevoisier Crelier: La priorité de cette session a été le programme d’allègement budgétaire de la Confédération pour 2027-2029, qui prévoit plusieurs coupes touchant directement les Suisses de l’étranger. L’une des mesures les plus emblématiques était la suppression de la subvention au mandat international de la SSR. Le Conseil des États a rejeté mercredi cette proposition, qui aurait entraîné des réductions dans TV5 Monde, 3sat et Swissinfo — une offre d’information importante pour les quelque 800’000 Suisses établis hors du pays. D’autres coupes affectant l’Organisation des Suisses de l’étranger, qui fournit des prestations importantes à la Cinquième Suisse, ont toutefois été acceptées.

Parallèlement, nous avons débattu de l’initiative populaire de l’Union démocratique du Centre (UDC / droite conservatrice), qui veut limiter à 10 millions le nombre de personnes résidant en Suisse. Nous avons recommandé assez nettement au peuple de rejeter ce texte sans contre-projet. C’est un signal important, car cette initiative aurait des conséquences sur l’accord de libre circulation et compliquerait la mobilité des Suisses à l’étranger.

Comment voyez-vous la Suisse dans le monde en ce moment?

Je pense que la Suisse surestime son pouvoir sur le grand échiquier international. Cela s’est illustré dans ses relations avec l’Union européenne, avec l’échec des négociations sur l’accord-cadre en 2021. À l’aube des discussions sur les bilatérales III, nous avons pris conscience du risque d’isolement si la Suisse se montre trop arrogante. La tradition de «cherry picking» – qui consiste à profiter des avantages comme la libre circulation sans offrir suffisamment en retour – me semble problématique. Je place ainsi beaucoup d’espoir dans les bilatérales III, sur lesquels nous nous prononcerons l’an prochain.

Pourquoi vous engagez-vous pour l’électorat suisse à l’étranger?

C’est une communauté importante, non seulement par son nombre, mais aussi parce que les Suisses de l’étranger sont des ambassadrices et des ambassadeurs de notre pays. À mes yeux, il est essentiel de renforcer leur participation politique, notamment parce que l’abstentionnisme progresse. Permettre à ces citoyennes et citoyens de voter depuis n’importe où dans le monde rappelle combien nos droits civiques sont importants, alors que nous les considérons parfois comme acquis en Suisse.

>> Relire notre article sur le développement du vote électronique:

Plus

Quels sont vos liens avec la communauté des Suisses de l’étranger?

J’ai beaucoup voyagé, notamment au Moyen-Orient où j’ai travaillé comme chercheuse en archéologie, et j’ai vécu un an aux États-Unis durant mon enfance. Mais lorsque je suis à l’étranger, j’essaie de m’ouvrir au monde plutôt que de chercher à rencontrer des Suisses.

Quelles victoires avez-vous obtenues en défendant les intérêts des Suisses de l’étranger?

C’est une victoire qui est encore à venir, mais j’espère le refus de l’initiative de l’UDC qui demande la réduction de la redevance radio-TV de 335 à 200 francs. Une telle baisse poserait d’immenses problèmes, en Suisse comme à l’étranger. Je vais m’investir dans cette campagne, car l’information est le terreau du lien et des contacts.

Avez-vous aussi concédé des défaites?

Il n’y a pas de défaite particulière, mais les restrictions financières causent de gros dégâts. Elles empêchent la Suisse de rayonner comme elle le devrait et donnent l’impression qu’un pays capable de beaucoup se coupe lui-même les ailes, affaiblissant ses liens avec l’international et avec sa population à l’étranger.

Estimez-vous que les intérêts des Suisses de l’étranger sont assez représentés sous la Coupole?

Ils sont bien organisés: en tant que parlementaires, nous recevons régulièrement des informations à leur sujet, notamment via la Revue Suisse. Mais face aux nombreux groupes d’intérêts sous la Coupole, la défense des Suisses de l’étranger n’est pas une priorité pour la majorité du Parlement.

Si vous deviez émigrer, où vous installeriez-vous?

J’aime le dépaysement. Je ne chercherais ainsi pas forcément un pays qui ressemble à la Suisse. Le Moyen-Orient m’a profondément marquée, et ce sont des régions qui continuent de m’attirer. Si je devais émigrer, je choisirais probablement d’y retourner.

Relu et vérifié par Pauline Turuban

Les plus appréciés

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision