La voix de la Suisse dans le monde depuis 1935
Les meilleures histoires
Démocratie suisse
Les meilleures histoires
Restez en contact avec la Suisse

Une année difficile pour la droite nationaliste

En cette année 2008, l'influence de Christoph Blocher s'est faite un peu moins forte sur l'UDC.

L'Union démocratique du centre (UDC / droite nationaliste) a connu une année 2008 assez difficile. Absent durant douze mois du gouvernement, le parti s'est essayé à une politique d'opposition qui a surtout eu pour effet de dévoiler ses divisions internes.

Depuis une dizaine d’années, tout souriait à l’UDC. Au fil des succès électoraux, le plus petit des quatre partis gouvernementaux avait réussi à se hisser au rang de première formation politique du pays, avec plus de 30% des voix lors des élections fédérales de l’automne 2007.

Mais en 2008, la machine s’est grippée. Les problèmes ont commencé le 12 décembre 2007, lorsque le Parlement n’a pas confirmé Christoph Blocher à son poste de ministre, lui préférant Eveline Widmer-Schlumpf, une démocrate du centre considérée plus modérée et plus consensuelle.

Il s’est est suivi une période de dissensions internes qui a débouché sur l’exclusion d’Eveline Widmer-Schlumpf du parti et la création d’une nouvelle formation, le Parti bourgeois démocratique (PBD). Mais après douze mois d’opposition, l’UDC a finalement réintégré le gouvernement avec l’élection d’Ueli Maurer, le 10 décembre 2008.

Pour faire le bilan de l’année écoulée, swissinfo s’est entretenu avec le politologue Oscar Mazzoleni, spécialiste de l’UDC et auteur de plusieurs ouvrages sur la question.

swissinfo: Suite à l’éviction de Christoph Blocher, la direction de l’UDC a opté pour une politique d’opposition. Comment celle-ci s’est-elle traduite dans les faits?

Oscar Mazzoleni: L’expression de cette opposition a été de définir une politique vis-à-vis de la minorité interne au parti. L’élément clef, c’est la personnalisation. Depuis l’éviction de Christoph Blocher, l’UDC s’est focalisée sur d’Eveline Widmer-Schlumpf, avec ce que les Américains nomment des «negative campaigns», c’est-à-dire des campagnes fondées sur la critique de l’adversaire.

Dans un premier temps, la direction de l’UDC a connu une période de flottement et a épargné Eveline Widmer-Schlumpf. Mais à la fin janvier, le parti s’est déchaîné contre Lucrezia Meyer-Schatz qui briguait un poste au gouvernement de son canton de St-Gall. On se souvient que cette députée démocrate-chrétienne s’était distinguée par son opposition à Christoph Blocher dans le cadre de l’«affaire Roschacher».

Résultat: Lucrezia Meyer-Schatz n’a pas été élue. L’UDC a alors constaté qu’elle avait du succès en jouant la carte de l’attaque personnelle. Mais attaquer une candidate à un gouvernement cantonal n’est pas la même chose que d’attaquer une femme élue au gouvernement fédéral. Et en terme d’efficacité, les choses ont évolué un peu différemment.

Plus

Plus

Union démocratique du centre

Ce contenu a été publié sur L’Union démocratique du centre (UDC) se situe à droite du paysage politique suisse. Née en 1971 de la fusion de deux partis défendant les intérêts des paysans et des artisans, elle a connu une progression fulgurante depuis le début des années 90. Prônant une politique économique libérale, une coopération limitée avec l’Union européenne (UE) et…

lire plus Union démocratique du centre

swissinfo: L’UDC a connu beaucoup de tensions internes en 2008. Croyez-vous que cela va avoir des conséquences durables sur le parti?

O. M. : La question Widmer-Schlumpf a mis en évidence les divisions internes. A cela s’ajoute ce que l’on peut appeler la «composante économique interne».

L’aile blochérienne du parti, qui dirige le parti national, n’a pas réussi à mettre fin aux dissensions internes. Cela a conduit à des expulsions et à des scissions, sans pour autant apporter plus de cohésion pour ceux qui sont restés.

Au contraire, on sait que sur des questions essentielles – comme la participation au gouvernement ou les relations bilatérales avec l’UE – il y a eu des divisions. C’est nouveau, car avant l’éviction de Christoph Blocher, ces divisions n’apparaissaient pas dans la sphère publique.

Cette année 2008, c’est donc l’année où les divisions internes apparaissent publiquement, où les intérêts multiples et parfois non convergents que l’UDC défend se dévoilent à l’extérieur et sont également utilisés par les adversaires. C’est une année où la cohésion du parti a été fortement remise en question.

swissinfo: Cela peut-il avoir des conséquences au niveau électoral?

O. M. : Le retour de l’UDC au gouvernement a pu en partie résoudre les difficultés internes. Le nouveau Parti bourgeois démocratique (PBD) a ainsi perdu une partie de ses marges de manœuvre, y compris parce qu’une minorité significative du groupe parlementaire UDC soutient l’accord de libre circulation. Je pense que ces deux aspects – retour au gouvernement et bilatérales – risquent de couper un peu l’herbe sous les pieds du PBD.

Maintenant, quant à savoir si le Parti démocrate-chrétien (centre-droit) et le Parti radical (droite) peuvent regagner une partie de l’électorat qui était passé à l’UDC, cela dépendra beaucoup d’eux. L’UDC reste un parti qui a beaucoup d’atouts en terme de campagne électorale. Il faut donc attendre les prochaines échéances électorales cantonales, puis les élections fédérales de 2011, pour véritablement faire un bilan.

swissinfo: Finalement, ce retour au gouvernement est une assez bonne nouvelle pour l’UDC. Comme par le passé, elle peut jouer sur deux tableaux: se montrer comme un parti gouvernemental tout en menant des campagnes d’opposition. Les adversaires de l’UDC n’ont peut-être pas été très inspirés en élisant Ueli Maurer…

O. M. : Effectivement, pour l’UDC, le retour au gouvernement a pu apaiser ses divisions internes. Je pense aussi que l’UDC pourra à nouveau avoir un accès privilégié aux informations que le gouvernement et l’administration fournissent. C’est un élément important: pour pouvoir mener des campagnes et anticiper certains thèmes, il faut avoir des informations fraîches.

Sous l’angle des autres partis, les choses sont un peu plus compliquées. Il est clair qu’il y a des considérations tactiques lors d’une élection au gouvernement. Par exemple, les radicaux pouvaient-ils réellement prendre le risque de ne pas soutenir Ueli Maurer? Ils auront en effet eux aussi besoin de soutien lorsqu’il s’agira de remplacer leurs propres ministres. Reste à savoir si cela suffira pour défendre leurs deux sièges.

Par ailleurs, en restant cantonné dans un rôle d’opposition, l’UDC aurait peut-être eu les mains libres pour agir contre le gouvernement dans certains dossiers cruciaux, comme les bilatérales. Or l’idée d’intégrer des forces d’opposition dans le gouvernement pour les neutraliser partiellement reste un élément de longue durée du système politique suisse. Certes, cela ne s’était pas avéré très efficace lors de l’élection de Christoph Blocher en 2003, mais j’ai l’impression que cet argument reste d’actualité parmi une partie des parlementaires qui ont élu Ueli Maurer.

swissinfo: L’année 2008 s’est caractérisée par l’effacement progressif de Christoph Blocher. Ne commence-t-on pas à «tuer le père» à l’UDC?

O. M. : La non-réélection de décembre 2007 représente le pire échec politique de Christoph Blocher depuis plusieurs années. On peut encore constater les conséquences aujourd’hui.

Pour en mesurer l’impact, il est intéressant de voir que le fait que Blocher a bénéficié de 54 voix lors de l’élection au gouvernement de décembre 2008 a été jugé comme un bon résultat par la direction de l’UDC. Si on compare avec la situation qui prévalait un an auparavant, on voit bien comment les attentes ont changé par rapport à sa capacité à s’imposer auprès du Parlement.

A l’intérieur du parti, le leadership de Christoph Blocher a été incontesté pendant plusieurs années. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Mais cela signifie-t-il la fin de sa carrière politique? Je ne crois pas pour l’instant.

Interview swissinfo, Olivier Pauchard

1er janvier: la démocrate du centre Eveline Widmer-Schlumpf entre en fonction en tant que ministre de la Justice et Police. Elle remplace son collègue de parti Christoph Blocher qui n’a pas été réélu par le Parlement trois semaines auparavant.

1er mars: le député Toni Brunner devient le nouveau président de l’UDC et succède à Ueli Maurer à la tête du parti.

4 avril: le comité central de l’UDC confirme le processus d’exclusion à l’encontre d’Eveline Widmer-Schlumpf, accusée de «trahison» envers le parti.

1er juin: Eveline Widmer-Schlumpf et la section grisonne sont exclues de l’UDC.

20 août: Ueli Maurer reprend la présidence de la section zurichoise – la plus importante – de l’UDC.

1er novembre: création officielle du nouveau Parti bourgeois démocratique (PBD).

12 novembre: le ministre de la Défense Samuel Schmid – l’un des deux ministres du PDB – annonce sa démission pour la fin de l’année.

27 novembre: le groupe parlementaire UDC présente son ticket officiel pour la succession de Samuel Schmid: ce sera le duo Ueli Maurer – Christoph Blocher.

29 novembre: les délégués de l’UDC votent pour le soutien au référendum contre l’extension et la prolongation de l’accord de libre circulation des personnes avec l’Union européenne.

10 décembre: le Parlement élit d’une courte majorité (une voix!) Ueli Maurer au gouvernement. Christoph Blocher n’obtient que 54 voix.

Oscar Mazzoleni est responsable de l’Observatoire de la vie (Ustat) de Bellinzone (canton du Tessin) et enseigne les sciences politiques dans les Universités de Genève et de Lausanne.

Parmi ses ouvrages, Nationalisme et populisme en Suisse. La radicalisation de la ‘nouvelle’ UDC, Lausanne, PPUR, Collection ‘Savoir Suisse’, 2008 (2e éd.).

Les plus appréciés

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision