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Le système de conscription n’a plus vraiment la cote

L'armée autrichienne pourrait bientôt ne plus être formée de conscrits. Reuters

Les Autrichiens votent ce week-end sur leur système de conscription. Les citoyens suisses pourraient aussi être appelés à se prononcer sur ce thème, cette année encore. Depuis la fin de la Guerre froide, plusieurs pays européens se sont attaqués au sujet, mais chacun à sa manière.

Dix-sept pays européens ont aboli ou suspendu leur système de conscription au 21e siècle. Le service militaire obligatoire pour tous reste la règle dans seulement six des 27 Etats membres de l’Union européenne et, sur l’ensemble du continent, presque deux tiers des 43 Etats possédant des forces armées ont opté pour un système d’armée professionnelle.

Mais qu’est-ce qui a provoqué l’abandon progressif de la conscription au cours des 20 dernières années et existe-t-il un modèle? «Dans chaque pays, les débats ont été marqués par des spécificités locales», déclare Szvircsev Tresch, sociologue à l’Académie militaire de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich.

Indiscutablement, la fin de la Guerre froide et de la menace soviétique a eu un impact profond sur les forces armées des pays occidentaux. Pour bon nombre d’armées, la tâche première n’est plus de défendre le territoire national. A la place, elles ont davantage mis l’accent sur les missions internationales – dans le cadre de l’ONU, de l’OTAN ou des structures de sécurité de l’UE – ainsi que sur des missions subsidiaires telles que l’aide en cas de catastrophe ou de grands événements.

Ces changements ont notamment eu pour conséquences la diminution constante de la durée du service militaire ainsi que l’augmentation du nombre d’hommes ne servant pas dans les forces armées, souligne Szvircsev Tresch.

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Situation chez les voisins

La France fut l’un des premiers pays à suspendre officiellement la conscription au 21e siècle. L’Italie l’a fait en 2005 et l’Allemagne a attendu 2011 pour s’orienter vers une armée exclusivement professionnelle.

En Allemagne, le débat s’est caractérisé par la crainte d’un manque en personnel dans le domaine de la santé. De nombreux conscrits préféraient en effet accomplir leurs obligations dans le cadre d’un service civil – et travailler dans des maisons de retraite – plutôt que de suivre un entraînement militaire. Le changement a également été provoqué par la volonté de réduire les coûts de l’armée et par l’augmentation de l’inégalité de traitement entre les jeunes citoyens, étant donné qu’environ un tiers des Allemands seulement choisissaient l’option du service militaire.

Désormais, c’est l’Autriche qui pourrait à son tour renoncer à la conscription. Selon les observateurs, le débat qui a précédé le vote de dimanche a été instrumentalisé par les partis politiques en vue des élections législatives qui auront lieu cette année encore. En revanche, les arguments relatifs à la neutralité du pays et aux coûts de l’armée ne semblent pas avoir été importants.

L’armée suisse est basée sur un système de conscription obligatoire et sur le principe de l’armée de milice. Les jeunes citoyens de nationalité suisse sont soumis à l’obligation de servir. Le service est en revanche volontaire pour les femmes et pour les Suisses domiciliés à l’étranger.

Ceux qui sont déclarés aptes au service accomplissent une école de recrues qui dure de 18 à 21 semaines (selon les armes). Ils sont ensuite convoqués chaque année à des cours de répétition d’une durée de trois semaines jusqu’à ce qu’ils aient effectués le nombre de jours de service requis ou qu’ils aient atteint l’âge de 34 ans.

Pour le soldat de base, la durée totale du service militaire est de 260 jours. Certaines recrues (mais pas plus de 15% des effectifs) sont autorisées à effectuer leur service militaire d’un bloc. Dans ce cas, la durée du service est de 300 jours. La durée de service est plus longue pour les officiers: au moins 600 jours.

Depuis 1996, il existe aussi la possibilité d’effectuer un service civil à la place du service militaire. Sa durée est de 50% plus longue.

Les personnes déclarées inaptes au service payent une taxe militaire (3% du salaire annuel) jusqu’à la fin de leur obligatoire de servir. Cette taxe peut être diminué par l’accomplissent de jours de service au sein de la Protection civile.

(Source: armée suisse)

Neutralité et idéal républicain

Autre Etat neutre, la Suède a abrogé la conscription en 2010. Depuis lors, l’armée suédoise s’est concentrée en priorité sur ses engagements internationaux.

Le voisin finlandais fait en revanche partie des quelques pays européens neutres – comme la Suisse – à avoir maintenu l’obligation de servir et conservé le rôle traditionnel des forces armées. Cette décision s’explique en partie par des raisons historiques.

L’Irlande, neutre elle aussi, n’a pour sa part jamais introduit de système de conscription. Un choix qui avait d’ailleurs été à l’origine de tensions politiques avec le Royaume-Uni durant la Première Guerre mondiale.

La philosophie politique des différents pays peut aussi expliquer le choix d’un système de service militaire. Les Etats basés sur des valeurs républicaines – comme les pays nordiques, l’Allemagne, l’Autriche ou la Suisse – ont préféré le système de conscription. «Par rapport aux autres nations, ces pays ont conservé plus longtemps l’obligation de servir étant donné qu’ils ont une conception de l’Etat basée sur le sens civique», relève Szvircsev Tresch.

Le système d’armée de métier trouve ses racines dans une philosophie politique plus libérale qui fait de la liberté individuelle la valeur principale, la plaçant au-dessus de l’intérêt commun.

L’armée suisse dispose d’un effectif réel de 154’373 soldats (+ 31’767 réservistes)

Au début des années 1990, l’effectif dépassait encore 700’000 hommes

En 2012, 23’600 jeunes ont effectué leur école de recrue

On compte 1034 femmes sous les drapeaux.

Les soldats de carrière sont au nombre de 2650

(Source: armée suisse)

Lutte des pacifistes

En Suisse, la possibilité d’abolir l’obligation du service militaire est (re)devenue d’actualité. En décembre, le Parlement a entamé le débat sur une initiative populaire du Groupe pour une Suisse sans Armée (GSsA).

Le texte du GSsA, soutenu par la gauche et les écologistes, propose d’abolir l’article constitutionnel établissant le principe de l’obligation de servir pour tous les hommes. Les auteurs de l’initiative demandent que le service militaire se déroule à l’avenir sur une base exclusivement volontaire.

Le peuple pourrait être appelé à s’exprimer sur cette proposition cette année encore (le gouvernement n’a pas encore fixé de date). Ce serait la troisième fois en moins de 25 ans que les citoyens se prononceraient sur l’avenir du service militaire.

En 1989, le groupe pacifiste avait créé la surprise avec son initiative demandant l’abolition de l’armée. Cette proposition, considérée taboue à l’époque, avait recueilli 35,6% d’avis favorables. Douze ans plus tard, une nouvelle initiative ayant le même but avait convaincu 21,9% des votants.

Au cours des prochaines années, il ne fait guère de doute que le service militaire obligatoire sera maintenu en Suisse. A moins qu’un événement extraordinaire et inattendu – comme la catastrophe de Fukushima qui a précipité la décision de sortir du nucléaire – ne vienne redistribuer les cartes.

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