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Ricardo Lumengo, un député dans la tourmente

Ricardo Lumengo à la tribune de la Chambre basse. Keystone

Le député d’origine africaine Ricardo Lumengo, membre de la Commission de politique extérieure de la Chambre basse du Parlement, est soupçonné de fraude électorale. En cas de condamnation par la justice, l’intéressé se dit prêt à renoncer à son mandat. Interview.

Son élection à la Chambre basse, en 2007, avait été vue comme un symbole. En effet, Ricardo Lumengo est le premier et unique parlementaire d’origine africaine (Angola) à siéger au Parlement fédéral.

Mais l’étoile du député socialiste a quelque peu pâli depuis février 2010. Ricardo Lumengo est en effet accusé de fraude électorale et doit faire face à deux procédures relatives à deux élections.

Concernant les élections fédérales de 2007, qu’il avait remportées avec pratiquement 10’000 voix d’avance, on a découvert que 47 bulletins portaient la même écriture que la sienne. Le Ministère public a ouvert une enquête, mais Ricardo Lumengo a finalement été mis hors de cause.

Une autre affaire est toutefois encore en cours. Les faits se rapportent aux élections de 2006 pour le Parlement du canton de Berne. Là aussi, on a découvert 46 bulletins portant son écriture. Ce cas n’a pas encore fait l’objet d’une décision de justice.

De son côté, Ricardo Lumengo reconnait avoir commis une erreur, mais affirme n’avoir fait qu’aider des personnes à exercer leurs droits civiques, sans intention de frauder. Interview.

swissinfo.ch: Quelle erreur reconnaissez-vous?

Ricardo Lumengo: Je reconnais que je n’aurais pas dû faire cela. Selon la loi électorale suisse, la moindre irrégularité entraîne une procédure.

Mais mon intention était seulement d’aider quelques personnes récemment naturalisées à remplir leur bulletin électoral, car le système est réellement un peu compliqué.

swissinfo.ch: Mais comment se fait-il que votre écriture apparaisse sur ces bulletins?

R.L.: J’ai aidé ces personnes à remplir un bulletin. Celles-ci devaient ensuite recopier le contenu sur un autre bulletin, avec leur propre écriture. Mais beaucoup ont préféré mettre celui que j’avais rempli directement dans l’urne.

D’ailleurs, il n’y avait pas que des voix en ma faveur dans ces quelques dizaines de bulletins. J’en ai aussi rempli avec les noms de candidats que ces personnes m’indiquaient.

Je le répète encore une fois, mon intention était que ces personnes commencent à participer à la démocratie directe suisse, puisqu’elles avaient le droit de le faire.

swissinfo.ch: Avez-vous été dénoncé par vos adversaires politiques?

R.L.: Je ne l’affirme pas formellement, mais il faudrait être aveugle pour ne pas le voir. Cela fait partie d’un jeu politique dont mes adversaires tentent de tirer profit, vu l’imminence des élections dans le canton de Berne (28 mars 2010) et des élections fédérales (octobre 2011).

swissinfo.ch: Mais vous avez également été critiqué au sein de votre propre camp, le Parti socialiste.

R.L.: Il n’y a rien de mal à être critiqué, à dire que j’ai commis une erreur. Mais lorsque des amis politiques émettent des critiques de manière aussi dure, je sens alors que je n’ai pas seulement des adversaires déclarés, mais également des adversaires au sein de mon propre camp.

Je n’ai pas été abandonné par le Parti socialiste, parce que le plus important, ce sont les idées socialistes que je défends. Mais je comprends qu’en période pré-électorale, le parti ait cette position.

swissinfo.ch: Vous avez été mis hors de cause dans un cas, mais la seconde affaire est toujours en cours. Et si vous étiez reconnu coupable?

R.L.: Ces accusations de fraude sont objectivement très graves. Si j’étais condamné, au nom de mon honneur, je renoncerais à mon mandat de député.

swissinfo.ch: Lorsque vous avez été élu, en 2007, vous avez fait figure de symbole de l’ouverture. Pensez-vous que vos électeurs vont être déçus?

R.L.: Je pense que non. J’ai expliqué ce qui s’était passé. Personne n’est parfait et un politicien non plus.

Le plus important est de reconnaître ses erreurs et de ne pas les répéter. Je pense que j’ai appris de mes erreurs et que les électeurs le comprendront.

Claudinê Gonçalves, swissinfo.ch
(Traduction du portugais: Olivier Pauchard)

Ricardo Lumengo est né le 22 février 1962 en Angola.

Il a fui son pays à l’âge de 20 ans et est entré comme requérant d’asile en Suisse en 1982.

En 1996, après des études de droit à l’Université de Fribourg, Ricardo Lumengo devient membre du Parti socialiste, avant même d’être naturalisé suisse. Il obtient son passeport à croix blanche en 1997.

En 2005, il entre au Parlement de la ville de Bienne et en 2006, il fait son entrée au Parlement du canton de Berne.

Il a abandonné ces deux mandats locaux après être entré à la Chambre basse du Parlement fédéral en 2007.

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