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Conduite autonome: un futur déjà présent

Navetta autonoma
L'une des navettes autonomes qui circulent à Marly, dans le canton de Fribourg. Keystone

Se déplacer dans le trafic urbain avec une voiture ou un bus sans conducteur. Ce n’est pas une vision d’avenir mais bien le présent. Un service de taxi autonome sera cette année introduit à Singapour. Dans certaines communes suisses aussi, on teste ce type de mobilité. A Marly, dans le canton de Fribourg, une navette est en circulation dans les rues d’un quartier industriel. 

Une station-service, une route engorgée par le trafic, un restaurant et un magasin de village. C’est l’image que l’on découvre en descendant à la station de bus de Marly, commune de l’agglomération de la ville de Fribourg. Rien n’indique que le futur est en train de se construire ici, et pourtant… Le futur est là et il prend la forme d’une navette autoguidée qui relie le centre d’innovation de la commune de MarlyLien externe à la station Epinettes. 

Le minibus électrique se déplace à une vitesse d’environ 10 kilomètres à l’heure sur un parcours de 1300 mètres et peut transporter jusqu’à 11 passagers. Des «grooms», copilotes prêts à intervenir en cas de problème sont là pour accueillir les voyageurs. Parmi eux se trouve Catherine Ambrosio, qui nous explique, un peu désespérée: «Que ce soit à cause de la pluie, du brouillard ou de l’humidité, aujourd’hui la navette n’a pas vraiment envie de voyager seule.» Ainsi, après de multiples tentatives de remettre en service le pilote automatique, elle saisit le joystick, identique à ceux des consoles de jeux vidéo, puis guide le minibus sur une route de campagne bordée d’hôtels et traversant plusieurs carrefours. Les changements de végétation ou la neige restée sur le bord de la route mettent le logiciel du véhicule en difficulté. La navette se perd lorsque l’environnement scanné par ses six capteurs ne correspond plus à celui qu’elle avait cartographié précédemment et grâce auquel il s’oriente. 

Ce sont des défauts de jeunesse d’un projet pilote promu par les Transports publics fribourgeoisLien externe (TPF), en collaboration avec le centre d’innovation et la commune de Marly, ainsi que l’agglomération et le canton de Fribourg. «L’objectif, explique Laura Andres, responsable du projet pour les TPF, est de développer un système qui nous permette d’amener nos clients chez eux, également dans des zones reculées et difficiles d’accès.» Les deux navettes autonomes ont jusqu’à maintenant transporté une vingtaine de personnes par jour. Depuis le début du mois de décembre, elles sont intégrées à l’horaire des transports publics régionaux. Selon les instigateurs du projet, ce serait une première au niveau européen.  

Niveaux d’automatisation 

Niveau 4 – automatisation élevée: le véhicule est capable de maîtriser automatiquement toutes les situations dans des conditions d’utilisation définies (par ex. la conduite sur l’autoroute). Le conducteur est prié de reprendre les commandes avant que les conditions en question ne changent. S’il ne s’exécute pas, le véhicule se met dans un état de risque minimal (en se rendant par exemple sur la bande d’arrêt d’urgence). 

Niveau 5 – automatisation complète: le véhicule n’a plus besoin de conducteur, du départ à l’arrivée. Le système assume toutes les tâches de conduite, indépendamment du type de route, de la vitesse admise et des conditions de circulation. 

(Source: Office fédéral des routes, OFROU)

Service de taxi sans pilote 

Si en Suisse, les voitures sans pilote semblent encore appartenir à la science-fiction, elles sont déjà une réalité ailleurs. Certaines grandes villes testent le potentiel de la conduite autonome. Le professeur de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) Emilio Frazzoli est un expert en la matière. Avec sa start-up NuTonomyLien externe, fondée en 2013, il compte lancer un service de taxis autonomes à Singapour. «Nos machines ont la permission de circuler dans un quartier de la ville. Les clients peuvent appeler un taxi grâce à une application sur leur smartphone. A la place du conducteur se trouve toujours une personne qui peut intervenir en cas de nécessité», nous explique l’ingénieur en aéronautique. 

Cet Italien de 47 ans, qui a grandi à Rome, a vécu longtemps aux Etats-Unis. En 2016, il a quitté le prestigieux Institut de technologie du Massachussetts pour s’installer sur les rives du lac de Zurich. Dans un grand hangar du parc d’innovation dans la zone aéroportuaire de Dübendorf, il a l’occasion d’expérimenter et de perfectionner ces nouvelles technologies avec ses étudiants. A Singapour, ville densément peuplée et encombrée par le trafic, il veut prouver que la mobilité peut être maîtrisée en réduisant de 60% l’utilisation de la voiture. «Une voiture sans chauffeur, disponible en trois minutes et qui part pour le prochain client après m’avoir amené à destination, est la clé pour que le covoiturage réussisse enfin», affirme le professeur de l’EPFZ. 

«C’est un service aux avantages innombrables», poursuit Emilio Frazzoli. «Il combine la commodité des transports individuels avec la durabilité des transports publics. Au lieu de conduire, les gens peuvent se consacrer à des activités plus utiles. En plus, ils n’ont plus à dépenser des dizaines de milliers de francs pour acheter une voiture qui reste garée 95% du temps au garage.» Les voitures NuTonomy roulent en autonomie complète. Leur niveau d’automatisation est de 4 ou 5 (voir encadré). «La machine ne compte pas sur l’intervention du conducteur en cas d’urgence», explique l’ingénieur. 

Le problème de la coexistence entre l’humain et la machine 

Dans la circulation urbaine, le véritable problème à résoudre est la coexistence entre les voitures robotisées et celles conduites par l’être humain, reconnaît Emilio Frazzoli. «Au cours des essais, il arrive souvent que des véhicules sans conducteur entrent en collision avec les autres parce qu’ils se comportent différemment. Ils ralentissent ou s’arrêtent brusquement quand, par exemple, ils remarquent un piéton sur le bord de la route», explique le professeur de l’EPFZ. Pour les développeurs de cette technologie, le plus grand défi est de pouvoir configurer les voitures de manière à ce qu’elles soient sûres, tout en répondant aux attentes du trafic humain. 

En Suisse, le Parlement fédéral vient d’approuver deux motions, l’une déposée par le groupe parlementaire du Parti libéral radical (PLR / droite) et l’autre par le député tessinois Fabio Regazzi du Parti démocrate-chrétien (PDC / centre). Les deux textes réclament des modifications et une mise à jour de la législation routière. Le gouvernement devrait lancer une procédure de consultation sur le projet de loi cette année. Il devrait être traité au Parlement l’année suivante. 

Projets pilotes en Suisse

Ces dernières années, le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) a délivré un certain nombre d’autorisations pour tester des véhicules autonomes.

En mai 2015, l’entreprise de télécommunications Swisscom a testé à Zurich une voiture qui roule sans conducteur. Depuis juin 2016, deux autobus autonomes de la société CarPostal sont en service dans la partie historique de la ville de Sion  (canton du Valais). En septembre 2016, la Poste Suisse a effectué des essais avec des robots pour la livraison de colis dans les communes de Berne, Köniz et Biberist. En septembre de l’année suivante, elle a fait de même dans le centre de Zurich en collaboration avec l’entreprise Jelmoli.

A l’avenir, les Chemins de fer fédéraux (CFF) ont l’intention d’introduire deux minibus autonomes à Zoug. Ils circuleront entre la gare et le pôle technologique de Zoug et seront intégrés dans le système de transport et de mobilité existant.

A Cossonay, dans le canton de Vaud, l’entreprise de transport de la région de Morges (Transports Morges Bière Cossonay, MBC) lance également un projet pilote avec deux navettes indépendantes.

L’entreprise de transport de Schaffhouse (Verkehrsbetriebe Schaffhausen) a également l’intention de mettre en place un service de navettes autoguidées. Elles transporteront les touristes du centre-ville de Neuhausen aux chutes du Rhin.

(Traduction de l’italien: Katy Romy)

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