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Pour le réchauffement, «les dix ans à venir seront décisifs»

Limiter l’augmentation de la température à 1,5°C est encore possible, mais les émissions nettes de CO2 devraient être réduites à zéro d’ici 2050. C’est ce qu’affirment les experts en climat de l’ONU dans leur rapport publié aujourd’hui. Les considérations des deux auteurs suisses du document.

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Le monde émet environ 36 millions de tonnes de CO2 par année. EPA/Mario Behnke

Il n’y a pas de temps à perdre. On l’a souvent répété ces dernières années, mais à la lumière du dernier rapport spécialLien externe du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) – demandé par les Etats en 2015 – l’injonction devient encore plus pressante. Pour limiter le réchauffement global à 1,5°C (par rapport à l’ère préindustrielle), le bilan net entre les émissions de gaz à effet de serre causées par l’homme et celles absorbées par les écosystèmes devra être nul en 2050, affirme le GIEC.

24’000 chercheurs pour 34 pages

Le rapport du GIEC a été rédigé par 91 auteurs de 40 pays, dont deux Suisses. Cette synthèse de 34 pages destinée aux responsables politiques est le fruit du travail de quelque 24’000 chercheurs, qui ont analysé plus de 6000 publications scientifiques.

L’Accord de Paris sur le climat, signé en 2015, poursuit l’objectif de «limiter l’augmentation de la température bien en dessous de 2°C, en visant une augmentation maximale de 1,5°C». Cette limite a été voulue par les Etats insulaires, plus vulnérables, parce que directement confrontés à la menace de la hausse du niveau des mers.

L’aspect le plus significatif et le plus nouveau de ce rapport – basé sur l’analyse de quelque 6000 publications scientifiques -, c’est qu’il fait la différence entre 2° et 1,5° de réchauffement, explique Sonia Seneviratne, de l’Institut des Sciences atmosphériques et climatiques de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), co-autrice principale du rapport du GIEC. «Un demi degré de plus augmente considérablement le risque de canicules et de précipitations extrêmes, dans le monde, comme en Suisse», relève-t-elle, rappelant qu’une augmentation de 1,5 degré au niveau mondial signifiera presque le double en Suisse.

Depuis 1850, la température moyenne de la planète a augmenté d’un degré. Cela peut sembler minime, mais les effets sont déjà clairement perceptibles, souligne Sonia Seneviratne. «Il suffit de penser à ce qu’il s’est passée cet été avec les incendies en Californie, ou avec la vague de chaleur et la sécheresse en Suisse».

La «grande responsabilité de la Suisse»

Les données scientifiques contenues dans le rapport SR15 du GIEC constituent un signal d’alarme pour les principaux responsables politiques de la planète, indique dans un communiqué Georg Klingler, expert climatique pour Greenpeace Suisse. Le Gouvernement et le Parlement suisses (qui vont bientôt attaquer la révision de la loi sur le CO2), ainsi que les entreprises du pays, doivent montrer la voie, selon lui.

«La Suisse a une grande responsabilité: les capitaux investis dans le monde par la place financière helvétique représentent vingt fois plus d’émissions que celles de la population et des entreprises en Suisse […] Les financements accordés aux entreprises actives dans les formes d’énergies fossiles les plus dommageables au climat, comme le charbon et les schistes bitumineux, doivent cesser immédiatement», affirme l’expert de Greenpeace.

L’objectif de 1,5° est «en principe possible à atteindre», affirme Andreas Fischlin, professeur à l’EPFZ et co-auteur principal du rapport du GIEC. Mais pour cela, une transformation rapide et profonde au niveau technique et social est nécessaire, souligne-t-il. «Les dix ans à venir seront décisifs».

Pour y arriver, il faudra en particulier augmenter la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité (et atteindre 70 à 85% en 2050, contre 25% aujourd’hui) et renoncer complètement au charbon. Il faudra également augmenter l’absorption du CO2 atmosphérique en étendant les surfaces boisées et en développant les technologies de capture du CO2.

Dans ce dernier domaine, la Suisse est «à l’avant-garde» et peut donner des impulsions importantes, estime Sonia Seneviratne. «A Zurich, la start-up Climeworks est une des trois entreprises au monde qui travaille sur la capture du CO2. Le problème est que pour le moment, le procédé est coûteux et il n’y a pas encore de solutions pour un stockage du CO2 à grande échelle».

Quels effets aura ce rapport du GIEC sur le gouvernements du monde? On le verra bientôt. En décembre, les négociateurs et les responsables politiques se réuniront à Katowice (Pologne) pour la Conférence internationale des Nations unies sur le climat (COP24). Les pays devront notamment lancer un processus de révision des engagements pris en 2015, qui selon les projections ne suffiront même pas à atteindre l’objectif «moins ambitieux» de deux degrés.

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(Traduction de l’italien: Marc-André Miserez)

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