Des capsules en cellulose pour inséminer les vaches
Des chercheurs de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich ont mis au point une nouvelle méthode d’insémination qui tient compte des cycles d’ovulation des vaches. Le procédé pourrait avoir des applications humaines.
La très grande majorité des vaches suisses sont inséminées artificiellement. S’il est possible de savoir, grâce à son comportement, quand une vache est en chaleur, il n’est pas toujours facile, par une simple observation, d’anticiper le moment exact de l’ovulation.
Mandatés par Swissgenetics, une des plus grandes sociétés de production de sperme de taureau du pays, les bio-ingénieurs de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) ont développé une capsule en cellulose qui contient du sperme et des cellules vivantes réagissant à des signaux physiologiques particuliers.
La méthode est simple, selon les chercheurs zurichois: des centaines de capsules sont implantées dans l’utérus de la vache quelques jours avant l’ovulation. Les cellules contenues dans les capsules réagissent à l’augmentation de la progestérone libérée durant l’ovulation. Elles dissolvent alors la cellulose et le sperme est libéré et peut fertiliser l’ovule.
Selon les chercheurs, les éleveurs doivent simplement connaître le cycle de la vache et approximativement le jour de l’ovulation. Les capsules subsistent pendant trois jours dans l’utérus de la vache.
«L’avantage est que nous pouvons ainsi élargir la fenêtre d’insémination», explique Ulrich Witschi, sous-directeur de Swissgenetics. L’ovule de la vache a une durée de vie de 24 heures, tandis que le sperme du taureau est vivant pendant environ 20 heures.
Produit encore à développer
«Nous devons synchroniser au mieux les deux événements. Quand la technologie sera au point, nous pourrons développer le produit. Grâce aux capsules, le sperme est libéré au moment exact de l’ovulation», ajoute Ulrich Witschi.
La fertilisation des vaches est une période très astreignante pour les éleveurs. Ils doivent sans cesse observer leurs vaches pour savoir quand elles ovulent. Les capsules devraient permettre de leur faire gagner du temps.
L’Union suisse des paysans (USP) a salué les résultats des chercheurs. Elle se pose toutefois la question du prix du produit, en comparaison avec les autres méthodes d’insémination artificielle. «Même en étant toujours au stade expérimental, la recherche est prometteuse», estime le porte-parole Thomas Jäggi.
«Lorsque la technique sera applicable, les éleveurs auront de meilleurs résultats lors des inséminations», ajoute-t-il. «Car il n’est pas facile de déterminer le meilleur moment pour inséminer une vache. Les capsules qui libèrent le sperme au moment adéquat augmentent évidemment les chances.»
Une grossesse précoce et sans complication pour leurs vaches permet aussi aux paysans d’économiser de l’argent, puisque le nombre d’inséminations sera plus faible. Ils économiseront aussi des frais de vétérinaire si les tests et les traitements contre l’infertilité deviennent superflus, ajoute Thomas Jäggi.
La recherche en est au stade de la «preuve du principe». Des tests menés sur seize vaches ont abouti à des embryons. La prochaine étape sera de réaliser une courte phase in-vitro, phase qui sera suivie par des tests sur le terrain.
Le produit utilise des cellules génétiquement modifiées. Il s’agit donc de travailler très prudemment, admet Swissgenetics. La politique agricole suisse désapprouve en effet les OGM. Confiants dans le succès de leur produit, les chercheurs de l’EPF de Zurich ont déjà déposé une demande de brevet.
Applicable aux êtres humains?
L’école polytechnique sera chargée des recherches ultérieures permettant, éventuellement, d’aboutir à un possible usage sur les êtres humains, tandis que Swissgenetics développera, sous licence, le produit pour l’usage animal.
La capsule de sperme testée actuellement est activée selon l’équilibre hormonal et est conçue pour un organisme de vache. Pour l’adapter à d’autres mammifères, comme les chevaux ou les êtres humains, les chercheurs doivent changer plusieurs composants des réseaux génétiques et, également, le type de cellules à utiliser.
Des cellules spécifiques et des récepteurs hormonaux pourraient être utilisés pour répondre aux différences de structures de la progestérone des différentes espèces animales, explique l’EPF de Zurich.
Martin Fussenegger, directeur de l’équipe de chercheurs du Département pour les biosystèmes (D-BSSE) de l’EPFZ, espère trouver un partenaire industriel pour commencer le développement des capsules à l’intention de la médecine reproductive humaine. Selon les standards en vigueur, la haute école ne peut pas produire les cellules elle-même. L’idée est «révolutionnaire pour les humains», dit le chercheur.
Christian De Geyter, de la division d’endocrinologie gynécologique et de médecine reproductive de l’Hôpital universitaire de Bâle, se dit intéressé par la recherche zurichoise. «Le moment de l’ovulation humaine n’est pas trop problématique, car il est aisé à déterminer et peut être influencé par des médicaments. Mais des capsules de sperme pourraient permettre de geler de petites quantités de sperme.»
«Actuellement, il est impossible de conserver un petit nombre de spermatozoïdes congelés en raison du risque de les perdre, poursuit Christian De Geyter. Si nous pouvons les mettre dans de petites capsules semi-perméables, il sera plus facile de les suivre quand ils dégèlent.»
La capsule en cellulose développée par l’EPF de Zurich contient du sperme de taureau et des cellules vivantes. Elles portent aussi un réseau génétique qui réagit à des signaux physiologiques particuliers.
Des centaines de ces très petites capsules sont implantées dans l’utérus de la vache quelques jours avant l’ovulation. Elles y restent jusqu’à ce que l’animal soit prêt à concevoir.
La progestérone produite lors de l’ovulation active le matériel génétique contenu dans la capsule. Le taux de progestérone augmente quelques heures avant l’ovulation et retombe juste après.
Des senseurs situés sur les cellules réagissent à la progestérone aussitôt que celle-ci est repérée.
Les cellules produisent alors de la cellulase, une enzyme qui dissout la cellulose formant l’enveloppe des capsules, depuis l’intérieur. Les cellules de sperme sont libérées et se dirigent vers l’ovule.
Les capsules sont très petites et la vache ne les sent pas. Elles peuvent être implantées au moyen de la même seringue en plastique utilisée pour l’insémination traditionnelle.
Source: EPF de Zurich
(Traduit de l’anglais par Ariane Gigon)
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