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«Distinguer les bons des mauvais agrocarburants»

Le palmier à huile figure parmi les plantes les plus utilisées pour la production d'agrocarburants. Peters/mediacolors

Les agrocarburants menacent la souveraineté alimentaire des pays du Sud, affirme Swissaid qui organise un symposium réunissant partisans et opposants. Interview de Charlotte Opal, chercheuse à l'EPFL.

Afin de produire toujours plus de biodiesel et de bioethanol, les pays du Sud remplacent leurs cultures alimentaires par des champs d’huile de palme, de soja, de canne à sucre. Les conséquences sont dramatiques, dénoncent les ONG. Swissaid organise jeudi à Berne et vendredi à Genève un séminaire international sur ce thème. Des experts de tous horizons – société civile, milieux économiques, gouvernements, universités – livrent leurs analyses.

Cette question guide aussi les recherches de l’Energy Center de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). C’est dans ce cadre que la chercheuse coordonne une initiative, la «Table ronde sur les biocarburants durables», qui cherche à développer des critères de production durable des biocarburants.

Des voix s’élèvent pour dénoncer les effets néfastes des agrocarburants. Quelle est votre position?

Certes, certains agrocarburants proviennent de champs cultivés sur des terres normalement destinées aux cultures alimentaires. C’est une des causes de la hausse des prix des denrées. Mais les dernières émeutes de la faim ne sont de loin pas dues qu’aux agrocarburants. La consommation croissante de viande (pour exemple, il faut sept kilos de céréales pour produire un kilo de bœuf), les dérèglements climatiques, les spéculations sur le marché ont eu un impact énorme sur l’explosion des prix de la nourriture.

Le rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation Jean Ziegler ainsi que la plupart des ONG appellent à un moratoire. Qu’en pensez-vous?

Il ne me semble pas raisonnable de déclarer un moratoire sur tous les agrocarburants. Beaucoup d’entre eux peuvent être produits sur la base d’un développement durable et peuvent générer des nouveaux revenus pour les paysans et les communautés rurales. Il faut distinguer les bons des mauvais agrocarburants.

Que voulez-vous dire par «bons» et «mauvais» agrocarburants?

Les agrocarburants peuvent être fabriqués à partir de différentes plantes et de multiples manières. Certains modes de cultures sont en harmonie avec l’environnement, d’autres pas. Nous devons faire la différence, et ne pas tout peindre en noir. Sinon nous risquons de passer à côté de potentiels qui pourraient permettre des équilibres climatiques, des diversifications d’énergie et le développement du bien-être des populations.

Nos recherches visent entre autres à trouver les outils adaptés qui permettent de différencier de bons agrocarburants des mauvais selon des critères scientifiques.

Selon vous, à quelle condition la production d’agrocarburants pourrait ne pas empiéter sur l’alimentaire?

Il y a ceux fabriqués à partir des déchets (l’huile cuite, par exemple) ou ceux provenant de terres qui ne peuvent pas servir aux cultures alimentaires.

Qu’en est-il de la Suisse?

La Suisse n’a de toute façon pas assez de surface cultivable. En revanche, elle peut représenter un marché intéressant pour les pays du Sud, pour ceux du moins qui produiraient ces agrocarburants selon les critères que nous tentons d’établir dans notre table ronde.

Mais peut-on imaginer dans le futur que la Suisse produise des agrocarburants pour diversifier ses ressources énergétiques?

Certainement. Spécialement à partir des déchets et des résidus de l’agriculture. Mais cela ne pourra pas combler la quantité d’essence et de diesel que nous utilisons.

Nous devons réduire notre consommation d’énergie en utilisant les transports publics, en mangeant moins de viande, etc.

Quelles sont les perspectives pour la 2ème génération, voire la 3ème génération d’agrocarburants?

Les avancées technologiques nous permettront d’utiliser un jour certaines parties de plantes ou des vêtements usagés pour produire des agrocarburants. Mais ni la seconde ni la troisième génération ne pourront être commercialisées à court terme. On aura toujours besoin des cultures actuelles (comme la canne à sucre). Et les soucis de développement durable resteront les mêmes.

swissinfo, interview: Carole Vann/InfoSud

Présidée par la sénatrice socialiste Simonetta Somaruga, cette ONG est active dans neuf pays du Sud dont l’Inde et la Birmanie, le Niger et la Tanzanie, l’Equateur et la Colombie.

Dotée d’un budget de 15 millions de francs, dont un tiers assumés par la Direction du développement et de la coopération (DDC), elle menait en 2007 211 projets.

Swissaid n’envoie pas d’experts du Nord vers le Sud. Elle soutient les efforts d’auto-développement de groupes de population parmi les plus pauvres de la planète. Elle appuie aussi les projets d’organisations partenaires locales.

L’Energy Center et la Chaire de gestion des systèmes énergétiques qui lui est associée ont pour objectifs d’œuvrer à la promotion de projets et de réseaux de recherche multidisciplinaires dans le développement de technologies durables de production, de stockage, de transport, de distribution et d’utilisation d’énergie, en collaboration avec des partenaires tant industriels qu’institutionnels.

Leur but à moyen terme est de devenir un point d’accès universel pour toutes les questions liées à l’énergie au sein de l’EPFL.

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