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«Atlasaurus imelakei» prend ses quartiers à Bâle

Atlasaurus et son découvreur, le professeur Michel Monbaron (swissinfo/SRI) swissinfo.ch

Le Maroc, hôte d'honneur de la «Muba», y est notamment représenté par un dinosaure. Un géologue suisse est à l'origine de sa découverte.

La Mustermesse de Bâle est une grande foire commerciale. L’occasion de déambuler de stand en stand, entre vêtements et fers à repasser, meubles de salon et production viticole. Pour cette édition 2002, un intrus de taille: Atlasaurus Imelakei, qui, planté dans la vaste salle consacrée au Maroc, regarde tout cela de très haut.

Culminant à 6 mètres, le moulage en résine synthétique de l’immense squelette mesure quatorze mètres du museau au bout de la queue. De son vivant – il y a 165 millions d’années – l’animal pesait une petite vingtaine de tonnes.

«Atlasaurus imelakei», soit le «saurien géant de l’Atlas», était un quadrupède herbivore, ancêtre des diplodocus et autres brachiosaures. Son squelette fossilisé a été découvert il y a une vingtaine d’années à Wawmda, dans le Haut-Atlas marocain, par le géologue Michel Monbaron, aujourd’hui professeur à l’Université de Fribourg.

On peut admirer en permanence l’original au «Musée des sciences de la Terre» à Rabat. Un moulage a ensuite été présenté en 1999 au Museum national d’histoire naturelle de Paris. Et c’est cette reconstitution que l’on peut voir pour la première fois en Suisse.

Une découverte plus que rare

«Il s’agit du premier squelette complet de dinosaure trouvé en Afrique, sur un seul site», précise Michel Monbaron. Une telle découverte est même rare au niveau planétaire: si on a pu reconstituer de plus gros dinosaures, il s’agit dans la plupart des cas de dinosaures reconstruits à partir de pièces éparpillées sur plusieurs sites. A Wawmda, tout était là, y compris le crâne.

A l’époque de la trouvaille, on avait cru voir dans ces ossements un Cétiausore. Erreur. Il s’agissait de beaucoup mieux que ça: un dinosaure unique, c’est-à-dire inconnu jusque là. Suite aux études de plusieurs paléontologues, dont le Français Philippe Taquet, qui suivit la fouille, et l’Américain Dale Russell, la véritable identité du dinosaure de Michel Monbaron ne fut fixée qu’en 1999.

«Atlasaurus imelakei est un nom spécifique, qui fait référence désormais pour l’ensemble de la communauté scientifique internationale. On cherchera toujours à comparer les dinosaures de cette époque qu’on trouvera à ce spécimen trouvé au Maroc», constate le géologue.

La même année, dans sa présentation à Paris, le sauropode changeait également de forme: sa tête n’est plus perchée à huit mètres du sol, surplombant un dos bombé et une queue traînant par terre… Désormais, selon une relecture générale de la morphologie des sauropodes, on l’imagine plus «plat», le cou tendu en avant, le dos moins arqué et la queue soulevée, le tout presque sur une seule ligne.

Nouvel élan

«Les Marocains commencent à s’intéresser à la paléontologie. On a notamment découvert des sites intéressants dans la région de Ouarzazate», commente Mohammed Rochdy, technicien au Ministère de l’Energie et des Mines, à Rabat. C’est lui qui a réalisé le moulage d’«Atlasaurus Imelakei».

Des découvertes si intéressantes que la fouille du site de Toundout est devenu un projet international, «Dino Atlas», qui réunit le Maroc, la France, les Etats-Unis et la Suisse. Michel Monbaron a donc le plaisir d’arpenter à nouveau le Haut-Atlas marocain…

«Nous cherchons à reconstituer le milieu dans lequel vivaient les dinosauriens au Maroc, entre 180 et 160 millions d’années, explique le géologue. Donc des dinosauriens encore plus primitifs que celui-ci, qui est pourtant assez primitif lui-même. Puisqu’il est à l’origine de toute une lignée de dinosausoriens qui ont ensuite essaimé, notamment en Amérique du Nord». Petit rappel: à l’époque, l’Afrique et l’Amérique se jouxtaient.

Et d’ajouter: «On est en train de découvrir toute une faune, plus ancienne», ce qui permettra de donner de nouveaux jalons à l’histoire et à l’évolution des dinosaures. Des exemples? «Sur le site de Toundout, il y a des sauropodes plus petits et plus anciens qu’Atlasaurus Imelakei, mais aussi peut-être des bipèdes carnivores, et des ornithopodes, des bipèdes herbivores ‘tout nouveaux’ que nos amis marocains ont découverts et que nous allons essayer de poursuivre avec eux!»

Et le public ?

La recherche paléontologique semble donc aller bon train au Maroc. Mais à côté de cela, un projet destiné au public est en train de voir le jour sous le nom de «Géoparc du M’Goun». Il est dû à l’«Association pour la protection du patrimoine géologique au Maroc», qui travaille en l’occurrence en collaboration avec l’UNESCO.

«Ce Geoparc sera créé précisément dans la région où j’ai trouvé ce dinosaure, et où se trouvent encore de nombreux restes de dinosauriens. Ce sera une sorte d’attraction touristique, mais un tourisme doux, et orienté vers la compréhension scientifique», commente Michel Monbaron. Au menu: des fossiles et des traces de dinosaures, mais aussi d’autres curiosités géologiques. Sans oublier le contexte humain, la vie des populations locales.

En attendant d’aller visiter le Haut-Atlas marocain, vous pouvez vous rendre à la Halle 2 de la Muba. Du haut de ses 165 millions d’années, Atlasaurus Imelakei vous y attend. Du 22 février au 3 mars.

Bernard Léchot

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