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Drogue: la Suisse résolument dans le camp libéral

La distribution contrôlée d'héroine choque les pays répressifs. Keystone

A Vienne, la conférence de l'ONU sur la drogue a opposé pays répressifs et pays libéraux. Parmi ces derniers, la Suisse a été indirectement montrée du doigt.

Pour le chef de la délégation suisse, le bilan de la rencontre doit être qualifié de mitigé.

«On ne nous a pas critiqués directement en tant que pays, mais on s’en est pris à certaines mesures que la Suisse, comme d’autres nations, a introduites dans sa politique de la drogue», explique Thomas Zeltner, directeur de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).

Ainsi, le front des «durs», emmené par les Américains, les Scandinaves et les Africains tolère très mal que l’on distribue des seringues ou que l’on mette des locaux à disposition des toxicomanes pour s’y injecter leurs doses.

Et lorsque l’on parle de distribution médicalisée d’héroïne, l’incompréhension devient carrément totale.

«Il s’agit pourtant là de mesures de réduction des risques, rappelle Thomas Zeltner. Et une bonne partie des pays européens y sont désormais favorables, notamment au nom de la lutte contre le sida.»

Drogues dures et drogues douces

Dans le camp qui prône la répression, on comprend également mal les pays qui tendent à introduire dans leur législation la différence entre drogues dures et drogues douces.

Et dans ce domaine, la Suisse pédale carrément dans le peloton de tête. Le mois prochain, la Chambre basse du parlement devrait donner le feu vert définitif à la dépénalisation de la consommation de cannabis.

Après celui des Pays-Bas, de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne et de la Belgique, ce nouvel exemple de politique libérale ne manquera pas de faire des émules.

«Les pays où l’on estime qu’il faut différencier, non seulement les substances, mais également les consommateurs – entre réguliers et irréguliers – sont de plus en plus nombreux, surtout en Europe occidentale», constate Thomas Zeltner.

Des progrès bien maigres

Un discours qui passe évidemment très mal dans l’autre camp. A Vienne, les tenants de la ligne dure ont dénoncé «les politiques qui permettent la tolérance face à la consommation» et appelé à ne pas donner de faux signaux.

Mais la conférence a également dû se rendre à l’évidence: les objectifs ambitieux fixés lors de l’Assemblée générale extraordinaire de l’ONU en 1998 sont très loin d’être atteints.

A l’époque, on s’était donné cinq ans pour «réduire de façon significative» la production et la consommation de drogues dans le monde.

Certes, les cultures de coca en Colombie ont diminué de 30% et la coopération internationale fonctionne mieux en matière de lutte contre le blanchiment de l’argent criminel. Mais pour le reste, le bilan est maigre. Ou «mitigé», comme le dit fort diplomatiquement Thomas Zeltner.

Redescendre sur terre



Quant à l’autre objectif fixé il y a cinq ans: «un monde sans drogue en 2008», même les tenants de la ligne la plus dure ont dû se résoudre à le tenir pour ce qu’il est: une pure utopie.

«On y arrivera peut-être une fois dans l’histoire de l’humanité, mais certainement pas en 2008, clame Thomas Zeltner. Je crois que tout le monde a été d’accord là-dessus: il faut oublier cette vision et devenir beaucoup plus réaliste.»

swissinfo, Marc-André Miserez

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