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L’alcoolisme a un prix social exorbitant

En 1998, 2100 décès résultant de l'abus d'alcool ont été recencés en Suisse. swissinfo C Helmle

Le coût social de l'abus d'alcool est de 6,5 milliards de francs par année en Suisse.

Tel est le résultat d’une étude, présentée vendredi à Neuchâtel. Elle évalue pour la première fois les coûts matériels de l’abus d’alcool ainsi que les coûts humains.

L’étude a été effectuée par l’Institut de recherches économiques et régionales (IRER) de l’université de Neuchâtel, à la demande de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).

L’analyse a porté sur l’année de référence 1998. Le coût humain traduit en francs les conséquences de l’abus d’alcool pour les personnes concernées.

La Suisse se situe dans le groupe de pays où ce coût social est le plus élevé, a indiqué Jürgen Rehm, membre de l’Institut zurichois de recherche sur les addictions.

Pour l’année de référence, les coûts directs de l’alcoolisme se sont élevés à 700 millions de francs en termes de frais de maladie et de dommages matériels, consécutifs notamment à des accidents de la route.

Les coûts indirects, eux, ont atteint 1,5 milliard de francs en regard du nombre de décès et de cas d’invalidité et de chômage.

La Suisse figure également dans le groupe de pays où les coûts directs et indirects de l’abus d’alcool sont les plus élevés.

Milliers de décès



L’abus d’alcool a aussi des conséquences mortelles. C’est ainsi que durant l’année de référence, plus de 2100 décès ont été recensés.

Quant à la dépendance à l’alcool, elle a généré plus de 800’000 consultations médicales et 500’000 journées d’hospitalisation, a indiqué le professeur Claude Jeanrenaud, directeur de l’étude menée par l’IRER.

Les coûts mentionnés dans l’étude correspondent à une estimation basse, a précisé M. Jeanrenaud, lors d’une conférence de presse à Neuchâtel. Le coût de l’alcool au volant, en particulier, est difficile à évaluer.

Une perte qualitative



Cependant, le poids de l’abus d’alcool ne se résume pas pour une société à l’enregistrement des frais médicaux et des pertes de production provoqués par les 300’000 personnes traitées pour alcoolisme en 1998.

L’étude de l’IRER évalue également le coût de la perte de qualité de vie pour les personnes concernées.

Selon le professeur Claude Jeanrenaud, le coût humain peut être estimé à 4,3 milliards de francs en tenant compte des conséquences de l’abus d’alcool pour les personnes dépendantes et leur entourage.

L’évaluation a été effectuée sur la base d’entretiens personnels auprès d’un échantillon représentatif de 240 personnes.

Méthode économétrique

Les enquêteurs de l’IRER ont ainsi demandé à des personnes dépendantes et à leur entourage quelle part de leur revenu pourrait être sacrifiée pour réduire le risque de maladies liées à l’alcoolisme.

Les questions ont porté sur la pancréatite chronique, le cancer de la gorge et la cirrhose du foie. Le coût humain des accidents de la route dus à l’alcool a été ajouté à cette évaluation.

La perte de qualité de vie va de 7500 francs pour une personne blessée sans hospitalisation à 1,8 million de francs pour une victime fortement handicapée.

Les coûts unitaires, multipliés par le nombre d’incidence des maladies, ont permis d’établir le coût humain total évalué à 4,3 milliards de francs.

Dans la population, le revenu auquel une personne est prête à renoncer pour ne pas avoir à vivre avec une personne dépendante de l’alcool se monte à 5800 francs par année.

Les mesures à prendre

L’étude de l’IRER souligne l’urgence d’établir une politique de l’alcool en Suisse, a indiqué Richard Müller, membre de l’Institution suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA).

L’intervention des pouvoirs publics doit se fonder sur les quatre piliers retenus dans la lutte contre la drogue. Autrement dit, les modes d’action doivent mettre l’accent sur la prévention, la réduction des risques, le traitement et la réhabilitation des victimes.

Selon M. Müller, il conviendrait également d’imposer une taxation des boissons alcoolisées permettant de couvrir le coût social de leur consommation.

De son côté, le docteur Chun-Yol Lee, vice-directeur de l’OFSP, estime qu’une prévention efficace de l’abus d’alcool se révèle bénéfique à l’économie en général.

Les besoins les plus importants à l’heure actuelle ne concernent pas le traitement des abus mais la réduction de leur coût social.

swissinfo et les agences

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