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L’inquiétant coup de chaud d’un glacier froid

Le sommet du névé de la pointe Gnifetti s'est réchauffé depuis 1991, un phénomène en accélération. ethz.ch

Des scientifiques suisses viennent de montrer en l’expliquant qu’en 30 ans, le réchauffement d’un glacier de haute altitude de la région du Mont Rose s’est accéléré. Préoccupant pour les régions les plus froides du globe, assure Martin Hölzle, co-auteur de l’étude.

Une étude américaine publiée dans Nature constate que la fonte des glaciers et des calottes glaciaires de l’arctique canadien joue un rôle bien plus important qu’envisagé jusqu’ici dans la montée du niveau des océans.

En Chine, l’Administration océanique nationale s’inquiète officiellement de cette hausse des eaux, qualifiée de «catastrophe marine progressive» à même d’aggraver le risque de catastrophes naturelles le long des côtes chinoises. En matière de changement climatique, les nouvelles se bousculent.

Dans la revue scientifique européenne en ligne The Cryosphere vient aussi de paraître une étude signée par une équipe de quatre scientifiques suisses dirigée par Martin Hölzle, professeur de géographie physique à l’Université de Fribourg et spécialiste des zones glacées.

Ces chercheurs ont mis en évidence une accélération du réchauffement des glaces et du névé de la pointe du Gnifetti, dans le massif du Mont Rose, entre Italie et Suisse. Un glacier dit froid, suivi durant trente ans.

Ce type de glacier, dont la température interne est très nettement inférieure à zéro degré, est rare dans les Alpes et plus encore en Suisse, où la plupart des glaciers tempérés, de plus basse altitude, sont en phase de recul.

Mais là aussi, dans les glaciers froids, les nouvelles sont mauvaises. «A une profondeur de vingt mètres dans la glace, nous avons mesuré depuis 1982 une augmentation de 3,8  C», explique Martin Hölzle. Les températures moyennes ont pris 0,05  C chaque année entre 1982 et 1991 et 0,16  C par an entre 2000 et 2008.

Véritable effet boule de neige

Pour le scientifique, la hausse des températures de l’air, en été surtout, induit une fonte de la surface du névé, cette zone neigeuse qui perdure durant la belle saison.

Une partie de cette eau de fonte regèle mais des quantités toujours plus importantes s’infiltrent dans la masse et accélèrent la hausse de température du glacier froid. Cette eau «fait augmenter la température beaucoup plus fortement que ne le ferait la hausse de température de l’air». 

Sur le plan local, cette évolution des glaciers froids peut faire craindre des avalanches sur les pentes raides, au pied des glaciers suspendus. Mais elle est plus particulièrement critique, rapportée à la planète.

D’abord, c’est la disparition d’archives du climat, explique le scientifique. Ces glaces anciennes renferment la composition de l’air à différentes périodes climatiques et sur la base de carottages, il est possible d’en tirer parti scientifiquement pour l’étude des différents cycles climatiques. Mais l’enjeu est plus direct encore.

«En Antarctique, au Groenland et dans l’Arctique, nous avons de nombreuses surfaces glaciaires très froides, explique Martin Hölzle. Les mesures de températures sont encore lacunaires mais plusieurs études font état de hausses des températures.»

Aux pôles comme au Mont Rose

Le chercheur suisse se dit «convaincu que des processus semblables [à ceux observés à la pointe Gnifetti] sont à l’œuvre dans ces régions. On voit d’ailleurs au Groenland que la fonte est beaucoup plus forte dans les dernières années qu’auparavant.»

On l’a compris, le scientifique craint que le réchauffement climatique et son pendant glaciaire accéléré ne hâte encore la fonte des glaces et la hausse du niveau des océans.

«Nos résultats vont dans le même sens que ceux publiés par le Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat]», indique Martin Hölzle, pour qui cette étude souligne l’urgence qu’il y a à développer les technologies vertes et à réduire les gaz à effet de serre responsables des changements climatiques.

«Les glaciers sont très sensibles aux modifications de la température de l’air, ils réagissent très vite. Nous autres scientifiques essayons de documenter ce qui se passe et d’expliquer les processus en marche. Mais les décisions reviennent aux citoyens et aux politiciens. Il est important qu’ils comprennent la nécessité de réagir.»

L’étude conduite par Martin Hölzle et ses collègues de Zurich et Argovie repose sur une série de mesures de températures glaciaires effectuées en 1982, 1991, 94, 95, 99, 2000, 2003, 2007 et 2008 à 4452 m, sur le sommet du névé de la pointe Gnifetti.

Elle ne montre aucune hausse de température à 20 m dans la glace entre 1982 et 1991. Mais la hausse atteint chaque année 0,05  C entre 1982 et 1991 et 0,16  C par an ou 1,3  C au total entre 2000 et 2008.

«Ces mesures de températures donnent une preuve claire du réchauffement du névé depuis 1991», écrivent les auteurs.

En aval de la pointe Gnifetti, sur le Grenzgletscher, le réchauffement glaciaire s’est avéré plus important, soit 6,8  C entre 1991 et 2008, ou 0,4  C par année.

Les mesures effectuées dans la région du Mont Rose vont se poursuivre. Elles intègrent les travaux d’étude et d’inventaire des glaciers suisses conduit sous l’égide de l’Académie suisse des sciences naturelles.

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