La montagne, mythe et réalité

La montagne, c'est aussi un écosystème fragile, à préserver. www.verbier.ch

Indissociable de l'identité suisse, la mythologie alpine a du plomb dans l'aile. Réflexions, à l'occasion du lancement de l'Année de la montagne.

«Si on enlève le relief des montagnes à l’identité suisse qu’en reste-t-il?» demande Christophe Gros, assistant-conservateur au Musée d’ethnographie de Genève.

Ce grand amateur de randonnées en altitude est toujours fasciné de voir comment les Suisses retrouvent leurs gestes de solidarité et leurs réflexes de communauté alpine à chaque fois qu’une catastrophe naturelle frappe le pays.

«Et, lorsque des Suisses s’établissent à l’étranger, relève encore Christophe Gros, c’est le folklore montagnard qu’ils utilisent en général pour souder les communautés qu’ils forment dans leurs pays d’accueil.»

Heidi au chômage

Malgré cela, le mythe de Heidi a du plomb dans l’aile. Interrogés l’an passé par l’hebdomadaire «Construire», une majorité des écoliers romands avoue n’avoir jamais entendu parler de la petite fée des sommets. Ni de ses chèvres, de son grand-père. Ni de son ami Peter.

Aujourd’hui, Heidi est employée à l’Office du tourisme ou serveuse dans un bar. Et Peter conduit le ratrack qui dame les pistes de ski. Quant au grand-père, retraité d’une grande usine de la plaine, il ne sort plus ses chèvres que pour amuser les touristes.

Si les montagnes occupent les deux tiers du territoire helvétique, seul un quart de la population y vit encore aujourd’hui. Et un simple coup d’œil sur la carte des taux de chômage par canton nous montre que les montagnards sont systématiquement plus touchés que leurs compatriotes des plaines.

Développement durable

Le constat est là: en Suisse, comme ailleurs, les zones de montagne sont plus pauvres que les régions de plaine. Raison pour laquelle, sans le cadre de l’Année internationale de la montagne décrétée par les Nations Unies, la Suisse insiste, elle aussi, sur le développement durable.

A cet égard, le Valais a consenti un effort particulier, sous l’impulsion de Gabrielle Nanchen qui dirige aujourd’hui l’association Montagne 2000.

Ce canton a saisi le prétexte pour sensibiliser le public à la richesse et à la fragilité des écosystèmes montagnards, souvent mis à mal par des années de développement touristique intensif.

Le projet valaisan le plus spectaculaire prévoit la construction d’un pont suspendu de type himalayen par une équipe d’ouvriers du Bhoutan. D’une portée de 50 mètres, l’ouvrage reliera les rives francophone et alémanique du torrent d’Illgraben, au-dessus de Sierre.

Et ce n’est là que l’une des très nombreuses manifestations prévues au fil de l’année. Conférences, expositions, films, visites guidées et musique des cinq continents sont également au programme. Le détail en est donné sur le site Internet de cette Année de la montagne.

Grimper au sommet pour voir le monde

Autre axe important du projet valaisan: montrer que les montagnards ne sont pas cloisonnés dans leurs vallées et qu’ils peuvent aussi – selon la formule de Gabrielle Nanchen – «monter sur les sommets pour voir le monde».

Une idée d’ailleurs reprise par Christophe Gros. «Hier, les montagnes servaient de frontières nationales et de hauts lieux de la lutte pour les souverainetés. Alors qu’aujourd’hui, les sept pays de l’arc alpin travaillent ensemble sur ce qu’ils ont à partager et à protéger», note l’ethnologue genevois.

swissinfo/Marc-André Miserez