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Le libre choix de l’école marque la rentrée

Le libre choix signifie-t-il la fin de l'école publique ? Le débat est lancé. Keystone

Alors que les écoliers suisses retrouvent leurs cahiers, le débat sur le libre choix de l'école et sur le financement public des écoles privées est relancé au niveau politique. Des initiatives en ce sens ont été déposées dans plusieurs cantons alémaniques.

En perpétuelle remise en question, l’école affronte une rentrée particulièrement mouvementée en Suisse cette année.

Aux prises avec le plan d’harmonisation intercantonal Harmos, elle doit aussi faire face à des initiatives qui demandent le libre choix entre école publique et privée.

Aujourd’hui, la scolarisation des enfants s’effectue sur le lieu de domicile. Et les parents qui souhaitent placer leurs rejetons dans une école privée ont intérêt à en avoir les moyens. Une situation qui ne satisfait pas le Lobby Parents Suisse.

Fondée en 2002 par une institutrice bâloise, cette association est à l’origine de la dizaine d’initiatives cantonales pour le libre choix de l’école. Après la Suisse alémanique, où une dizaine de cantons sont concernés, le mouvement fait tache d’huile en Suisse romande. Une initiative va être lancée dans le canton de Vaud, et Genève risque de suivre.

Le ton sera donné par les citoyens de Bâle-Campagne qui voteront les premiers sur le sujet au début du mois de septembre. Ils devront dire s’ils acceptent que les collectivités publiques paient environ 15’000 francs par an (coût moyen dans le public) pour un écolier qui suit un enseignement privé.

Diversité pédagogique

«Nous voulons avoir la possibilité de choisir entre les différents établissements de l’école d’Etat ou entre ceux-ci et les écoles privées, à condition que ces dernières soient ouvertes à tout le monde sans discrimination», explique Susanne Bergius, vice-présidente du Lobby Parents Suisse.

Celui-ci compte quelque 1500 membres, surtout en Suisse alémanique où les modèles scolaires alternatifs (Steiner, Montessori, etc.) sont mieux implantés. Son credo? La diversité pédagogique et la justice sociale, également évoquées par Susanne Bergius.

Précisant que seules les écoles privées à but non lucratif sont visées par ces initiatives, elle estime qu’il n’est pas juste que les parents qui financent le système scolaire par le biais de leurs impôts passent une seconde fois à la caisse s’ils souhaitent scolariser leurs enfants dans le privé.

Les partis divisés

Aujourd’hui, seulement 5% des élèves fréquentent une école privée en Suisse – soit environ 80’000 enfants. Mais la demande est croissante, selon la Fédération suisse des écoles privées (FSEP).

Son secrétaire général, Markus Fischer juge par conséquent positives les initiatives pour le libre choix entre enseignement public et privé. Un tel système stimulerait la concurrence, donc, selon lui, la qualité de l’enseignement.

Sur le plan politique, le débat promet d’être animé. Au centre droit, le parti démocrate-chrétien (PDC) a dit récemment sa volonté de maintenir un enseignement public «fort». Mais certaines voix plaident pour un libre choix du lieu de scolarité, alors que d’autres prônent la tenue d’expériences pilotes, ceci au sein de l’école publique exclusivement.

Plus à droite, le parti radical, estime qu’il faut poser des «conditions-cadres claires» au subventionnement des écoles privées. Quant à l’Union démocratique du centre (UDC, droite nationaliste), qui compte parmi ses rangs de nombreux détracteurs de l’école publique, elle réclame un «tournant conservateur» et consacre son énergie au combat qu’elle a engagé contre Harmos.

Enfin les socialistes opposent un refus catégorique au libre choix. Pour le PS, ce système équivaudrait à un subventionnement caché des écoles privées, sur le dos des établissements publics.

Mixité sociale en danger

«Nous sommes en faveur de la meilleure articulation possible entre public et privé, relève Georges Pasquier, président du Syndicat romand des enseignants, mais le libre choix induit un coût plus grand, diverses études l’ont montré.»

Outre la question financière, c’est celle du rôle intégrateur de l’école publique qu’il invoque. «Pour former un citoyen, il faut utiliser le temps de l’enfance et profiter à ce moment-là de mélanger les enfants sans distinction d’origine sociale ou ethnique. Le libre choix conduit immanquablement à des ghettos.»

Un argument auquel le Lobby Parents Suisse oppose les siens. «Aujourd’hui, seule une famille aisée peut retirer son enfant d’une école. Pourquoi faudrait-il garder des enfants dans des écoles qui ne fonctionnent pas ? Et pourquoi serait-ce seulement les enfants des milieux plus défavorisés qui devraient y rester ? Est-ce seulement à eux de maintenir un lien social quand les autres sont partis?», rétorque Susanne Bergius.

Pour elle, le libre choix ne constitue nullement une menace pour l’école étatique. «Dans les pays où il existe, entre 80 et 95% des parents choisissent toujours l’école la plus proche. Si l’école d’Etat est bonne, les élèves y restent.»

Jusqu’ici pourtant l’idée n’a jamais convaincu les Suisses. En 1983 et 2001, Berne et le Tessin avaient par exemple rejeté des initiatives cantonales prévoyant une aide étatique pour les parents qui envoient leur progéniture dans des écoles privées.

swissinfo, Carole Wälti

En Suisse, l’instruction publique est un principe ancré dans la Constitution fédérale.

La Suisse ne possède pas de ministère de l’Education. Ce sont donc essentiellement les cantons qui gère l’instruction publique.

La coordination nationale est assurée par la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP).

Les cantons et les communes financent plus de 85% des dépenses réalisées dans ce domaine. Ils allouent plus d’un quart des dépenses publiques à ce secteur.

En Suisse, 95% des élèves accomplissent leur scolarité obligatoire à l’école publique de leur commune de domicile.

Ils sont 5% environ à fréquenter une école privée.

La rentrée scolaire s’étale cette année en Suisse du 11 août au 1er septembre.

Elle a déjà eu lieu dans la plupart des cantons.

Derniers à rejoindre leurs salles de classes, les petits Tessinois ne reprendront le chemin de l’école que le 1er septembre.

Cette disparité des calendriers restera de mise même après l’entrée en vigueur de Harmos.

Comme son nom l’indique, ce concordat intercantonal entend harmoniser les plans d’étude au niveau suisse. Il règle aussi la durée des cycles primaires et secondaires et l’âge de l’entrée à l’école obligatoire.

L’Union démocratique du centre (UDC, droite nationaliste) combat cette réforme.

Les citoyens lucernois seront les premiers à se prononcer sur Harmos le 28 septembre. Suivront Thurgovie, les Grisons, Saint-Gall et Zurich.

Vaud, le Jura, Schaffhouse et Glaris ont pour leur part déjà adhéré à Harmos.

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