Médicament générique: Novartis suscite la colère des milieux de la santé

Depuis le 1er janvier, les pharmaciens peuvent remplacer les médicaments prescrits par un générique. Novartis tente de restreindre cette application de la loi sur l´assurance maladie. Médecins et pharmaciens jugent le procédé contraire à la déontologie.
«En prenant une telle initiative, Novartis a fait en l’occurrence preuve d’une politique commerciale tout à fait regrettable, déclare Yves Guisan, vice-président de la Fédération des médecins suisse FMH. De toute évidence, nous allons devoir nous distancer de cette manœuvre et cela risque de provoquer des tentions inutiles».
«C’est lamentable, renchérit Marcel Mesnil, secrétaire général de la société suisse des pharmaciens. Novartis tente d’aller à l’encontre de la loi et de la volonté des autorités helvétiques».
A l’origine de ce concert de reproches, on trouve les nouvelles ordonnances médicales imprimées par le numéro un de l’industrie pharmaceutique suisse. En effet, cette année, sur les carnets d’ordonnances vendus par Novartis, figure en toutes petites lettres le sigle «sic», qui signifie «ainsi soit-il».
Une mention qui prend toute sa valeur avec le droit de substitution accordé par la LAMal, la loi sur l’assurance maladie.
Selon la nouvelle législation, depuis le début de l’année, les pharmaciens sont autorisés à délivrer un générique en lieu et place de la substance initialement prescrite par le médecin. Autrement dit, un médicament meilleur marché.
Seule restriction à l’application cet article de la LAMal: le médecin traitant doit refuser explicitement toute modification de son ordonnance initiale. Une volonté clairement notifiée par la mention «sic» inscrite en toutes lettres sur les ordonnances émises par Novartis.
«Confronté à une ordonnance de ce type, le pharmacien est pieds et poings liés», déplore Michel Buchmann, vice-président de la Fédération internationale pharmaceutique. Une aberration pour les professionnels qui, par le bais d’une meilleure collaboration, espéraient contribuer à abaisser les coûts de la santé.
Actuellement, les médicaments génériques occupent un à deux pour cent du marché. Les spécialistes estiment toutefois que, dans le futur, ces substances pourraient représenter 20 pour cent des ventes.
«Une meilleure distribution de ces médicaments engendrerait une économie annuelle de l’ordre de 100 millions de francs», estime Michel Buchmann. Une projection qui, de toute évidence, n’est pas pour rassurer le géant suisse de l’industrie pharmaceutique.
«Nous investissons beaucoup d’argent dans la recherche, il est donc normal que nous privilégions la vente de nos médicaments originaux». Confirmant une information du journal «La Liberté», Urs Bigler, porte-parole de Novartis Pharma, admet du même coup que la stratégie des ordonnances frappées du sigle «sic» vise bel et bien à favoriser la commercialisation des médicaments sous brevet aux dépens de ceux tombés dans le domaine public. Et, par conséquent, copiables à moindre frais.
«Mais, ajoute Urs Bigler, les médecins peuvent également commander des carnets d’ordonnance vierges ou biffer le sigle «sic» s’ils estiment que le médicament générique est indiqué».
Novartis soutient, en outre, que son initiative répond à la demande d’une majorité de représentants du corps médical. «Nous avons effectué un sondage auprès d’une centaine de médecins, affirme Urs Bigler. 80 pour cent d’entre eux sont favorables à la présence de cette mention restrictive».
Une affirmation réfutée, tant par les représentants des pharmaciens que par ceux du corps médical. «Nous nous sommes battus ensemble pour obtenir un compromis intelligent. Le droit de substitution permet de délivrer le meilleur médicament au meilleur prix tout en respectant la volonté du patient et du médecin. Tout le monde y trouve son compte».
Pour Marcel Mesnil, l’attitude de Novartis témoigne surtout de sa crainte face à cette nouvelle approche de la santé. «La généralisation du générique va obliger les industries pharmaceutiques à revoir leur prix. Novartis tente de retarder l’échéance».
Une attitude qui n’est pas sans contrarier l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). «Mais, avoue Reinhard Kämpf, chef de la section des médicaments, même si nous jugeons la démarche déloyale, nous n’avons aucun moyen d’intervenir sur le plan juridique».
Vanda Janka

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