
Pas d’immigration massive venant de la Pologne

La campagne en vue du vote sur l'extension de la libre circulation des personnes a été dominée par la crainte d'un afflux massif de travailleurs étrangers en Suisse.
Pourtant,sur place, les Polonais ne semblent pas pressés de plier bagages pour venir s’établir en Suisse. C’est du moins ce qu’a constaté swissinfo à Varsovie.
Il y a un peu plus d’une année, la Pologne faisait son entrée au sein de l’Union européenne. Avec cet événement, cet ex-pays communiste tournait définitivement une page de son histoire.
Même si les imposants contours du Palais de la Culture et des Sciences, datant de l’époque de Staline, dominent toujours la ligne d’horizon de la capitale, les témoins de la présence de capitaux étrangers sont omniprésents au cœur de Varsovie.
Malgré les restrictions décrétées par le passé par le régime communiste en matière d’émigration, la Pologne a toujours été un important pourvoyeur de travailleurs pour les pays de l’Ouest. Désormais, ses portes sont entièrement ouvertes sur l’Europe.
Le 25 septembre, le peuple suisse devra se prononcer sur l’éventuelle extension de la libre circulation des personnes aux dix nouveaux pays membres de l’UE, dont la Pologne. Les opposants à cet élargissement ont prévenu le législateur du danger de l’arrivée massive de main d’œuvre et de la sous enchère salariale qui en découlerait selon eux.
Avec un taux de chômage avoisinant les 18%, la Pologne constitue un important réservoir de main d’œuvre qualifiée.
Pourtant, les observateurs sont convaincus que la Suisse n’a rien à craindre pour l’équilibre de son marché du travail; même si les Polonais sont nombreux à lorgner vers l’Ouest, rares sont ceux qui pensent effectivement quitter leur pays. L’arrivée massive d’ouvriers qualifiés en Suisse, ne devrait donc pas se vérifier.
Secteur de la construction
En l’absence de statistiques fiables quant aux ressortissants polonais partis travailler dans l’Union européenne depuis mai 2004, le Ministère polonais des affaires économiques et de l’emploi avance une estimation. Selon lui, 500’000 Polonais étaient employés dans les pays de l’UE durant le second semestre 2004, dont 320’000 en Allemagne.
Cependant, Magdalena Sweklej du Ministère des affaires économiques, souligne que le 80% d’entre eux seraient des travailleurs saisonniers, occupés pour des périodes de trois mois, généralement dans l’agriculture et la construction, qui rentreraient ensuite au pays.
«Passé le cap de notre première année d’adhésion, le potentiel de mobilité – tant redouté par certains politiciens à l’Ouest – s’est révélé plus faible que prévu et se situe plus ou moins dans la tranche moyenne occupée par les autres pays membres de l’UE», explique Magdalena Sweklej à swissinfo.
La magistrate rappelle par ailleurs qu’en octobre dernier et en application de normes transitoires, la Suisse a établi quelque 700 permis de travail de longue durée (pour une période de 5ans), précisément destinés aux travailleurs provenant des nouveaux pays membres de l’UE. Or, selon ses informations, près de 20% seulement de ces permis a été attribués.
«Lorsque les Polonais se décident à partir travailler hors de nos frontières, ils tentent généralement de rejoindre des proches ou des amis. De fait, leur destination de prédilection est l’Allemagne ou les Etats-Unis», précise encore Magdalena Sweklej.
La loi allemande fixe une limite au nombre de travailleurs immigrés ayant un droit d’entrée, contrairement à d’autres pays comme la Grande-Bretagne, l’Irlande et la Suède.
Ces derniers comptent un grand nombre de chauffeurs et de travailleurs dans le domaine de la construction, de même que des spécialistes des télécommunications, des médecins, des dentistes et autres infirmières provenant de Pologne.
Selon Magdalena Sweklej, qui dirige précisément le Département de libre circulation des personnes, ce mouvement régulier ne risque pas de se muer en afflux massif.
«Un principe veut que le nombre de personnes actives dans un pays, soit en équation avec la demande émanant de ce même marché du travail», ajoute-t-elle.
Grande-Bretagne, Irlande et Allemagne
Selon Katazyna Kawka, conseillère auprès de l’EURES à Varsovie – le bureau de l’emploi basé sur la mobilité fondé par l’UE – les Polonais désireux de s’établir à l’étranger ont en moyenne 25 ans, disposent de bonnes connaissances linguistiques, mais d’une expérience professionnelle limitée.
Entre 80 et 250 d’entre eux la consultent chaque mois. «Ce sont la Grande-Bretagne, l’Irlande puis l’Allemagne qui attirent le plus ces jeunes», précise la consultante.
«Jusqu’ici, personne ne m’a interrogée sur les possibilités de travailler en Suisse. Bien sûr, les choses pourraient changer en cas de oui à l’issue des votations sur l’élargissement de la libre circulation».
Pour Katazyna Kawka, si la Suisse était amenée à s’intéresser aux travailleurs qualifiés polonais, elle devrait affronter une sérieuse concurrence.
«Pour autant que je sache, la Suisse est à la recherche de spécialistes hautement qualifiés et les travailleurs correspondant à ce genre de profil trouvent généralement du travail en Pologne même ou dans d’autres pays».
«Je pense que l’intérêt pour les emplois en Suisse pourrait effectivement augmenter, mais trouver des personnes qui correspondent aux profils requis pourrait s’avérer assez difficile».
Croissance économique
Les analystes des mouvements migratoires s’accordent pour dire que la grande époque de l’émigration polonaise est révolue. Les Polonais qui quittent leur pays dans le but de trouver un emploi le font généralement pour des contrats de courte durée. Ils retournent ensuite chez eux, lorsqu’ils ont acquis suffisamment d’argent ou d’expérience professionnelle.
Selon Rafal Kiepuszewski, directeur du service externe anglophone de Radio Polonia, bon nombre de ses compatriotes semblent s’intéresser au marché du travail étranger, mais le plus souvent ils décident finalement de ne pas quitter le pays.
«Nous ne sommes pas plongés dans un climat de désespoir. La situation s’améliore de jour en jour. Et tout le monde le sait. L’économie est en pleine croissance. Autrement dit, peu de gens vont chercher un emploi à l’étranger», ajoute cet observateur.
Rafal Kepuszewski estime que les médias polonais ne devraient pas accorder beaucoup d’importance à l’issue des prochaines votations fédérales qui se dérouleront en Suisse. «Les choses seraient différentes si le même scrutin avait lieu en Allemagne. Là, l’intérêt serait très grand», précise-t-il.
Les problèmes internes, tels que le chômage ou l’imposition fiscale, sont prioritaires aux yeux du peuple polonais. De plus, les prochaines élections parlementaires nationales, qui se dérouleront le même jour que le vote helvétique sur l’élargissement de la libre circulation, canaliseront certainement l’attention du public sur l’actualité politique nationale.
swissinfo, Morven McLean à Varsovie
(Traduction de l’anglais: Nicole della Pietra)
La Pologne compte une population de 38,5 millions d’habitants (source ONU 2005)
Le taux de chômage plafonnait à 18% en juin dernier, suivant une tendance à la baisse. En février 2003, le nombre des sans emploi avait atteint le seuil record de 20,7% de la population active.
La croissance économique de la Pologne est deux fois supérieure à celle d’autres pays de la zone Euro.
Selon les derniers pronostics sur l’issue des prochaines élections parlementaires du 25 septembre, le centre-droit pourrait ravir les sièges de l’aile gauche au gouvernement polonais.
Selon un rapport de l’organisation indépendante pour la promotion des droits civils au sein de l’UE (ECAS), rendu au mois d’août et qui analysait la situation dans 20 des 25 pays membres de l’Union européenne, le taux de migration des travailleurs des nouveaux pays membres à destination des quinze ne dépassait pas 1% du nombre de la main d’oeuvre.
Au début du mois de juin, l’Institut allemand de Recherche Economique (DIW) indiquait qu’en l’espace d’une année et à dater du mois de mai 2004, environ 150’000 ressortissants des nouveaux pays membres avaient émigré vers les quinze de l’UE. Un tiers d’entre eux avait choisi la Grande-Bretagne.

En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.