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Principe actif ou placebo

Les médecines douces répondent à un besoin social. Il reste toutefois à évaluer scientifiquement leur efficacité.

Le professeur Jacques Diezi donne son point de vue à Vanda Janka.

swissinfo: Comment expliquer l’engouement de la population pour les médecines douces?

Jacques Diezi: Depuis plusieurs années, il existe un fort courant de pensée selon lequel l’individu est responsable de son corps et de sa santé. On constate que cette tendance-là a contribué au développement d’un marché du bien-être.

Des enquêtes américaines et australiennes démontrent d’ailleurs que les plus grands consommateurs de médecines douces sont des femmes soucieuses de leur environnement social. Leurs revenus sont supérieurs à la moyenne.

On sait également que les personnes qui souffrent de maladies chroniques ou incurables sont également nombreuses à recourir aux médecines douces. A titre d’exemple, 60 à 70% des malades atteints de cancer consultent des naturopraticiens.

swissinfo: Cet intérêt pour les thérapies naturelles ne cache-t-il pas une déception à l’égard de la science?

J.D: Il est vrai que les grands espoirs placés dans la médecine officielle se sont érodés au fil du temps. Les progrès n’ont pas été aussi spectaculaires que ceux qui avaient été annoncés dans les années 60.

Cette approche médicale est source d’angoisses. Associée à l’image de l’hôpital, elle est perçue comme quelque chose de technique, d’inhumain.

Inversement, les médecines douces, elles, sont associées à des techniques naturelles qui sont capables de stimuler les ressources humaines. Elles sont perçues comme des processus endogènes et rassurants.

swissinfo: Confronté à ce constat, ne serait-il pas temps pour le corps médical de faire son autocritique?

J.D.: Il est clair qu’il y a une certaine insatisfaction à l’égard de la médecine officielle. Mais les patients ne se détournent pas de la méthode scientifique au profit des thérapies douces. Les enquêtes prouvent simplement qu’ils ont plutôt tendance à cumuler les deux approches.

La médecine officielle subit probablement le contre-coup d’une époque où elle accordait trop peu de place au patient. Mais ce temps est révolu.

Le corps médical admet désormais que la relation patient-soignant est un élément essentiel de la guérison. Et que le dialogue avec le patient ainsi que la prise en compte de son contexte de vie sont des points essentiels du traitement.

swissinfo: La médecine officielle est donc davantage à l’écoute du patient. Aurait-elle profité du savoir-faire des naturopraticiens?

J.D. : On peut, en effet, dire que les thérapies douces ont le mérite d’avoir rappelé aux praticiens que la médecine est avant tout une science sociale à l’écoute de l’individu.

swissinfo: Pourquoi de nombreux médecins utilisent-ils maintenant les médecines douces?

J.D: Il y a une part d’opportunisme pour un certain nombre de médecins qui ont ainsi la possibilité de drainer une plus large clientèle.

Mais on peut aussi considérer que les médecines douces sont devenues un outil supplémentaire pour venir en aide au patient.

Il existe une catégorie d’affections complexes – que l’on qualifiera de psychosomatiques – qui trouvent une réponse dans la relation entre le patient et le thérapeute.

swissinfo: Vous prétendez donc que le corps médical exploite l’effet placebo des médecines douces?

J.D.: L’effet placebo n’est pas à négliger. Bien au contraire. Il constitue même l’un des éléments essentiels de toute thérapeutique.

Toutefois, la médecine officielle a démontré que les méthodes ou les médicaments qu’elle utilise ont un effet qui s’ajoute à celui du placebo.

Il faut faire preuve de rigueur à l’égard de médecines douces et exiger une preuve scientifique de leur efficacité. Ou alors elles devront être considérées comme de simples aménagements qui participent au bien-être social.

Interview swissinfo: Vanda Janka

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