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Savant et bienfaiteur de l’humanité

Hans-Rudolf Herren, chantre du contrôle biologique. Keystone

Le Prix Tyler - la plus fameuse récompense scientifique américaine dans le domaine de l'environnement - a été attribué à Hans-Rudolf Herren.

Ce spécialiste suisse des insectes a contribué à éradiquer un fléau africain, la cochenille du manioc.

«C’est un des programmes de contrôle biologique les plus vastes et les plus efficaces au monde, écrit le comité exécutif du prix Tyler. En introduisant un prédateur naturel de la cochenille, le Docteur Herren et son équipe ont permis d’éviter des famines et sauvé la vie de près de 20 millions de personnes.»

Décerné depuis 1973 par l’Université de Californie du Sud à Los Angeles, ce prix récompense des scientifiques spécialisés dans l’environnement, l’énergie ou la médecine et dont les travaux «apportent un bénéfice à l’humanité».

Un Suisse, un Britannique et un Israélien

Cette année, trois lauréats se partagent les 200 000 dollars accompagnant cette récompense.

Aux côtés d’Hans-Rudolf Herren, on trouve Sir Richard Doll, pionnier britannique de la médecine qui a prouvé le lien entre fumée du tabac et cancer du poumon et Yoel Margalith.

Ce biologiste israélien est honoré pour la découverte d’un bacille mortel pour la plupart des espèces nuisibles de moustiques. Un autre exemple de contrôle biologique, sans produits chimiques dommageables pour l’environnement.

Quant à Hans-Rudolf Herren, son talent et son acharnement ont été, depuis quelques années déjà, largement reconnus par ses pairs.

L’entomologiste est lauréat d’au moins cinq autres récompenses scientifiques de haut niveau, dont le Prix mondial de l’alimentation des Nations-Unies, qui fut décerné en 1995 pour la première fois à un Suisse.

De la Plaine du Rhône aux rivages africains

Parti du Chablais valaisan dans ses jeunes années pour étudier à Berne, puis à Zurich, Hans-Rudolf Herren se fait remarquer dès sa thèse de doctorat en agronomie, qui devient très rapidement un classique du genre. A noter qu’à l’époque, il s’intéresse déjà au contrôle biologique des populations d’insectes.

En 1977, Hans-Rudolf Herren est engagé comme chercheur par l’Université de Berkeley (Californie). Et, deux ans plus tard, il atterrit en Afrique, continent qu’il ne quittera pratiquement plus.

Aujourd’hui, Hans-Rudolf Herren dirige le Centre international de physiologie des insectes et d’écologie (ICIPE) de Nairobi. Une institution qui est notamment soutenue par l’aide publique suisse au développement.

Des insectes qui mangent des insectes

Dès son arrivée en terre africaine, le jeune entomologiste s’est intéressé à la cochenille du manioc, dont les ravages sur les cultures menacent régulièrement de famine des zones entières du continent.

Constatant que cet insecte tueur n’est pas originaire d’Afrique, Hans-Rudolf Herren et ses collègues décident d’aller jusqu’au Paraguay pour trouver son prédateur naturel, une espèce de guêpe.

En dix ans, l’introduction de ces guêpes dans les zones ravagées par la cochenille permet de contrôler le fléau. Et sans le moindre recours aux pesticides.

Et ce n’est là que la victoire la plus spectaculaire dont peuvent se targuer les équipes menées par Hans-Rudolf Herren et l’ICIPE qui poursuit sans relâche sa lutte contre les parasites des cultures.

«Ecolo» de la première heure

«Tout ce que nous faisons, déclare très modestement le patron de l’ICIPE, c’est d’apporter des améliorations aux pratiques agricoles naturelles des gens d’ici.»

Taxé d’«eco-freak» à son arrivée en Afrique, Hans-Rudolf Herren n’avait à l’époque pour adversaires que les adeptes des pesticides chimiques et ceux de la sélection des plantes.

Mais depuis peu, cette méthode recourt de plus en plus aux manipulations génétiques, dans le but de produire des espèces plus résistantes et mieux adaptées à leur environnement.

Les erreurs commises au temps du DDT

Sans être viscéralement opposé aux OGM, Hans-Rudolf Herren reste malgré tout assez critique.

«Ce qui se passe, regrette l’entomologiste, c’est qu’on part d’une technologie et qu’on essaye de voir où on peut l’appliquer. A mon avis, il vaudrait mieux partir du problème.»

«Il faudra des années pour évaluer les effets secondaires des OGM», avertit Hans-Rudolf Herren, qui craint de voir se reproduire les erreurs commises au temps où le DDT apparaissait comme la panacée.

«Certes, estime Hans-Rudolf Herren, l’utilisation des OGM permet de réduire un peu les coûts de production, mais ce n’est pas le plus important pour l’Afrique, ni en général pour les pays en voie de développement.»

Et de dénoncer finalement la précipitation que manifestent certains à promouvoir les plantes génétiquement modifiées, précipitation dictée selon lui par les seuls intérêts économiques en jeu.

Le paludisme et la maladie du sommeil

A 56 ans, Hans-Rudolf Herren ne songe encore nullement à la retraite. Depuis quatre ans, l’ICIPE s’est lancé dans un vaste programme sur ces autres fléaux que sont le paludisme et la maladie du sommeil.

«Dans cette affaire, on ne cesse de chercher des vaccins ou des remèdes, mais on oublie trop souvent le moustique et la mouche, explique l’entomologiste. Ils sont un élément-clé du problème, ils devront donc être un élément-clé de la solution.»

La philosophie du développement intégré

Pour soutenir ses travaux et ceux de l’ICIPE, Hans-Rudolf Herren a créé en Suisse BioVision, une ONG à laquelle il a versé une bonne part du montant de ses prix scientifiques.

«Biovision collecte des fonds qui sont utilisés surtout pour former des formateurs. Des gens qui sont en mesure de faire bénéficier les communautés locales du fruit de nos travaux», explique son fondateur.

Une action soutenue par la philosophie du «développement intégré». Qui a toujours été celle de Hans-Rudolf Herren.

Et qui se soucie, en parallèle, des santés humaine, animale, végétale et environnementale.

swissinfo, Marc-André Miserez

La cochenille du manioc menaçait régulièrement de famine l’Afrique subtropicale.
H.-R. Herren en est venu à bout grâce à un prédateur naturel.
Ses travaux lui valent aujourd’hui sa sixième récompense internationale.

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