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John Harlin III: «C’est l’endurance qui prime»

John Harlin pose près des bureaux de swissinfo.ch avant de poursuivre son tour des frontières suisses. swissinfo.ch

L’alpiniste américain John Harlin III reprend le défi lancé l’an dernier dans les Alpes, interrompu suite à un accident. Il entend terminer son tour de Suisse à pied, en kayak et à vélo longeant 1000 kilomètres de frontière avec des ascensions et des pentes vertigineuses.

La plupart des gens ne songeraient même pas à escalader une montagne, sans parler d’une frontière faite de montagnes. Mais c’est exactement ce que John Harlin III va tenter de faire.

L’écrivain et alpiniste américain John Harlin III est revenu dans les Alpes suisses pour finir l’aventure commencée il y a une année, dans le pays de son enfance. En 2010, il s’était lancé dans un tour de Suisse assez spécial: suivre la frontière politique de la Suisse à pied, en kayak et à vélo, escaladant plusieurs 4000 mètres.

Cette année, il entend finir son périple en marchant et en escaladant la section alpine qui divise la Suisse, l’Autriche, l’Italie et la France. Le trajet n’est évidemment pas en ligne droite. John Harlin parcourra 1000 kilomètres de frontière avec des ascensions et des pentes mesurant 220’000 mètres au total. Les images, vidéos et comptes-rendus écrits de l’aventurier sont disponibles en exclusivité sur swissinfo.ch.

swissinfo.ch: Comment vous sentez-vous au moment d’entreprendre la dernière partie de votre périple?

John Harlin: Je suis partagé. D’un côté, je suis impatient de voir cette partie du pays et je me sens en forme. Mais je suis aussi nerveux. Je dois prouver que je vais y arriver. L’élévation verticale est énorme.

swissinfo.ch: Un grimpeur est en général au sommet de sa forme lorsqu’il a 20 ou 30 ans. Vous êtes dans la cinquantaine. Comment faites-vous?

John Harlin: Mon père m’a donné un corps qui fonctionne bien et que j’ai entraîné. Mais il s’agit d’endurance. Je n’ai plus la vitesse que j’avais quand j’étais jeune, ni la force. Mais je devrais être capable de tenir le coup. Ceci ne diminue pas trop avec l’âge.

swissinfo.ch: De quoi vous réjouissez-vous le plus?

John Harlin: De la diversité. Je me réjouis des hauts sommets, du Cervin. J’ai déjà vaincu deux arrêtes et je compte en vaincre une troisième. La traversée jusqu’à la Dent d’Hérens est très intéressante d’un point de vue technique. Mais je me réjouis aussi du Tessin et de l’ambiance un peu plus tropicale qui y règne.

swissinfo.ch: Et quelle est votre plus grande inquiétude? L’année dernière, vous avez eu un accident et vous vous êtes cassé les deux pieds.

John Harlin: L’accident s’est produit sur une partie de la falaise dont je savais qu’elle allait être la plus dangereuse de tout mon trajet. C’est une arête conduisant à la frontière entre la Suisse et la France, montant vers le Mont Dolent, qui est le point de rencontre entre les frontières suisse, italienne et française. C’est le seul endroit possible lorsque vous suivez la ligne délimitant les pays.

J’ai eu de la chance dans mon malheur, car cela aurait pu être bien pire. J’adore la grimpe technique. Je n’ai pas peur des passages difficiles. Je me fais davantage de souci pour les descentes et mes genoux. Un chirurgien du genou m’a recommandé quelques exercices simples à faire. Je devrais être capable de franchir 30’000 mètres verticalement par semaine, sans problème.

swissinfo.ch: Est-il possible que, certains jours, vous décidiez que l’étape est trop dangereuse, parce qu’il neige ou que le vent est trop fort…

John Harlin: La météo est en effet mon autre grande préoccupation. Si elle est mauvaise, elle peut m’arrêter si je suis dans les Alpes. Il y a des sommets que je veux franchir et je devrai attendre si le temps ne s’y prête pas. Je peux aussi redescendre et continuer à marcher sur les sentiers sans m’occuper du temps qu’il fait.

swissinfo.ch: Quel est le poids de votre sac à dos?

John Harlin: Le poids principal est constitué de mes réserves d’eau, bien sûr, et de nourriture. Tout dépend du nombre de jours où je dois porter la nourriture, du nombre de kilomètres que j’effectue et du nombre de fois où je peux dormir dans des cabanes de montagne. Avant d’y mettre la caméra, mon sac pesait environ 14 kilos. Le matériel vidéo pèse entre 2 et 3 kilos, mais sans la nourriture. Je devrai encore vider un peu mon sac.

swissinfo.ch: Y aura-t-il des moments où vous regarderez le paysage devant votre tente et n’aurez pas vraiment envie de continuer?

John Harlin: Ce sera mon plus long périple. Je sais qu’il y aura des moments où je préférerai rester assis et me détendre et, peut-être, descendre vers un lac à la frontière, comme le lac de Lugano, nager et profiter du paysage un moment. Mais mon défi est justement de me pousser à résister à ces envies.

swissinfo.ch: Le projet s’appelle «Histoires de frontière». Qu’espérez-vous apprendre de cette étendue de frontière?

John Harlin: Ce qui me fascine dans les frontières européennes en général, mais, à n’en pas douter, surtout dans la frontière suisse, c’est comment elle s’est formée, par bouleversements et conflits, au-delà des siècles, partant d’un clan ou d’un prince ou d’un empereur décidant quelles étaient les frontières et puis se battant pour elles. Mais la Suisse a des frontières relativement stables depuis très longtemps, en comparaison européenne.

Lorsque j’atteindrai le Mont Dolent, je serai passé par quatre régions linguistiques: je commence en Suisse alémanique, passe aux Grisons où l’on parle romanche, une grande partie du Tessin avec l’italien, et je finirai dans la partie francophone. J’aurai plusieurs touches culturelles différentes.

swissinfo.ch: Quand vous aurez fini, vous ne voudrez plus entendre parler de la Suisse?

John Harlin: Reposez-moi la question quand j’aurai fini! J’aurai escaladé de hauts sommets et franchi des arêtes, c’est de cela que je ne voudrai plus entendre parler.

John Harlin a lancé sa tentative de suivre toute la frontière suisse en juin 2010. Mais après une semaine, il s’est cassé les deux pieds dans un accident de montagne.

Une fois ses os réparés, John Harlin a repris son aventure. L’automne dernier, il a pagayé sur le Rhin, fait du vélo autour de Schaffhouse et le long des crêtes du Jura, et a fait du kayak sur le lac de Genève.

Cet été, il voyage dans le sens des aiguilles d’une montre de l’est de la Suisse vers le point où l’accident s’est produit, le Mont Dolent, à la frontière suisse, italienne et française.

Pour suivre la frontière suisse par les montagnes, John Harlin doit escalader et redescendre environ 220’000 mètres verticaux. C’est l’équivalent de l’ascension du  Mont Everest – douze fois.

Point le plus bas: la frontière le long du Lac Majeur (193m)

Point le plus haut: Pointe Dufour (4634m)

John Harlin III est né en 1956 et a grandi en Allemagne et à Leysin (Vaud), en Suisse. Après la mort de son père John Harlin II, en 1966, lors de sa tentative la route directe sur la face nord de l’Eiger, sa famille était retournée aux Etats Unis.

John Harlin III a escaladé la face nord de l’Eiger en 2005. Il fit de son périple le film IMAX, «Les Alpes». John Harlin III édite aussi le magazine «American Alpine Journal» (publié par le Clup alpin américain depuis 1929) et il écrit aussi dans le magazine «Backpacker».

(Traduction de l’anglais: Ariane Gigon)

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