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Une monnaie historique ressuscite à Neuchâtel

Le batz nouveau a été frappé à 60'000 exemplaires et vaut 10 francs. Mais il ne peut être utilisé qu'auprès des commerçants du canton de Neuchâtel qui ont accepté de jouer le jeu pour le millénaire de la ville. facebook.com

En pleine commémoration de ses mille ans d’existence, la ville de Neuchâtel a redonné vie, l’espace de quelques mois, à une monnaie depuis longtemps disparue: le batz. L’occasion de revenir sur l’histoire monétaire de la Suisse.

Neuchâtel commémore cette année ses mille ans d’existence. Pour cette occasion, la ville a mis sur pied toute une série d’expositions et de manifestations. Mais cette commémoration se concrétise également au travers de la remise en circulation du batz, une monnaie utilisée dans la région de 1589 à 1851.

«La mise en circulation du batz a également pour vocation, dans un esprit ludique, de sensibiliser la population aux modes d’utilisation de l’argent à différentes époques de la ville, et, par conséquent, aux poids et mesures qui imprégnaient la vie quotidienne», expliquent les autorités neuchâteloises.

Rien d’officiel

Le batz nouveau a été lancé le 1er mars dernier, date de la Révolution neuchâteloise de 1848, et restera en circulation jusqu’au 25 septembre, date de la fin des festivités du millénaire.

Cette pièce en bronze est à peu près de la taille d’une pièce de cinq francs suisses actuelle. Elle présente, sur une face, les armoiries de la ville de Neuchâtel (un aigle) et, sur l’autre, une représentation stylisée des rives et les vagues du lac de Neuchâtel.

Frappé à 60’000 exemplaires par l’entreprise spécialisée Faude & Huguenin, la pièce a une valeur nominale de 5 batz et vaut 10 francs. Elle ne peut cependant être utilisée qu’auprès des commerçants du canton qui ont accepté de jouer le jeu.

En effet, cette monnaie commémorative n’a rien d’officiel. En Suisse, seules les pièces et les billets émis par la Confédération sont légaux et doivent être partout acceptés comme moyen de payement. Plus qu’à une véritable monnaie, le batz neuchâtelois est donc davantage assimilable à un jeton de payement, comme les ex-«jazz» du Festival de Montreux.

Une unité tardive

Cette expérience temporaire menée à Neuchâtel permet en tout cas de se pencher sur l’histoire monétaire de la Suisse. La première chose frappante, c’est que l’unité monétaire n’intervient que tardivement dans l’histoire du pays. Pendant des siècles, villes, cantons et même abbayes ont la compétence de battre monnaie.

Ce n’est finalement que lors de la création de l’Etat fédéral moderne, en 1848, que la Suisse opte pour une monnaie unique: le franc. Cette décision se concrétise deux ans plus tard, avec l’adoption par le Parlement de la première loi fédérale sur la monnaie. Enfin, en 1853, la Confédération reprend l’Hôtel des monnaies du canton de Berne et le transforme en «Monnaie fédérale» (aujourd’hui Swissmint).

En ce qui concerne les billets de banque, l’unification intervient plus tard encore. Ce n’est qu’à la fin du 19e siècle, en raison de la raréfaction des pièces en argent et en or, que leur utilisation se généralise. La Suisse, dans un premier temps, confie l’émission des billets à des banques régionales. Mais ces émissions augmentant de manière incontrôlée, la Confédération en obtient le monopole en 1891.

L’émission des nouveaux billets est confiée à la Banque nationale suisse. La première série de billet est finalement imprimée en 1907.

Union monétaire

Au milieu du 19e siècle, même après la création du franc suisse, de nombreuses monnaies étrangères circulent encore sur le territoire de la Confédération, la plupart provenant de France et d’Italie. Dans le même temps, les pièces suisses circulent aussi dans ces pays.

C’est dans ce contexte que la Suisse conclut, en 1865, l’Union monétaire latine avec la France, la Belgique et l’Italie. Trois ans plus tard, la Grèce rejoint à son tour l’Union. Ce système repose sur une définition commune du franc argent.

La norme étant la même, les pièces en argent – dans le cas de la Suisse de 5, 2, 1 et ½ francs – peuvent être sans problème utilisées dans les différents Etats de l’Union, même si elles diffèrent en forme et en taille. C’est ainsi qu’en 1866 le gouvernement suisse déclare: «Le Conseil fédéral considère l’égalité des monnaies en argent des quatre pays comme un premier pas vers la concrétisation de l’idée de système monétaire universel.»

Mis à mal par les répercussions financières et monétaires de la Première Guerre mondiale, cette Union perdure tout de même jusqu’à la fin de l’année 1926. Ce n’est donc qu’à la date du 1er janvier 1927, que, pour la toute première fois, seule la monnaie suisse à cours légal sur le territoire national.

Et demain?

Ne faisant pas partie de l’Union européenne, la Suisse n’a bien sûr pas participé à la création de l’euro. Mais la monnaie unique européenne, en circulation depuis le 1er janvier 2002, est relativement répandue en Suisse. De nombreux hôtels, commerces, stations-service et supermarchés acceptent sans problème les payements en euros.

Une situation qui n’est pas sans rappeler – toute proportion gardée – la situation antérieure à 1927. Entourée de pays qui utilisent l’euro, la monnaie unique finira-t-elle par conquérir la Suisse? Impossible à prévoir pour l’heure. Une seule chose est sûre: l’histoire monétaire reste une histoire en perpétuel mouvement.

Neuchâtel n’est pas la première ville ou canton à redonner vie à d’anciennes monnaies dans le cadre d’une commémoration.

Ces dernières années, plusieurs autres monnaies, frappées à l’occasion d’anniversaires, ont été mises en circulation durant quelques mois dans les régions concernées. Citons notamment:

Le gilles (2003), pour le bicentenaire de l’entrée du canton de Vaud dans la confédération.

Le doppelstäbler (2001), pour les 500 ans de l’entrée de Bâle dans la Confédération.

Le scudo (2008), pour le bicentenaire de l’indépendance du Tessin.

Le 100 batzen (2003), pour les 350 ans de la Guerre des Paysans dans les régions de l’Emmental (Berne) et de l’Entlebuch (Lucerne).

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