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Vingt ans après leur grève, les femmes dans la rue

Des progrès ont été réalisés depuis 1991, mais il reste du chemin. Keystone

La Suisse est couleur fuchsia ce 14 juin, 20 ans après la grève des femmes de 1991 et 30 ans après l'inscription de l'égalité dans la constitution fédérale. Une grève marquante, souligne la presse, mais l’égalité des salaires n’est toujours pas atteinte.

Sur le coup de 14h06, un concert de sifflet a résonné dans toute la Suisse. Selon l’Agence télégraphique suisse (ATS), plusieurs milliers de femmes et de sympathisants ont participé à cette action, qui a marqué le coup d’envoi de cette journée de mobilisation contre les inégalités salariales. Car, 30 ans après l’inscription de l’égalité dans la constitution, les femmes gagnent en moyenne 20% de moins que les hommes.
 
«Femmes en mouvement – L’égalité absolument!». Avec ce slogan, une cinquantaine de syndicats, partis et autres organisations espèrent mobiliser d’ici la fin de la journée, 100’000 manifestants et manifestantes dans toute la Suisse. Ceci, en souvenir des 500’000 personnes qui étaient descendues dans les rues il y a 20 ans jour pour jour. Selon l’ATS, dans l’après-midi, la mobilisation a été bien suivie, mais elle n’a pourtant pas atteint la participation spectaculaire de 1991. Même si la presse suisse du jour a consacré une attention particulière à cet événement. Tour d’horizon.

«Stop aux inégalités salariales»

«Stop aux inégalités salariales», avec ce titre encadré d’une trentaine de petits portraits de femmes, avec nom, fonction et salaire, Le Matin offre une «une» aux accents militants. On ne s’en étonnera pas puisque sa rédactrice en chef est une femme.

Rappelant, entre autre chiffres, que «70% des bas revenus concernent les femmes», le quotidien romand se demande «pourquoi cette fichue égalité salariale se fait désirer», avant de s’avouer incapable de trouver la réponse.

Par contre la Tribune de Genève et 24 Heures consacrent une page à des témoignages et des anecdotes sur le «sexisme ordinaire». Et ce double constat: «l’égalité salariale existe dans le droit, pas dans les faits», et «le travail domestique est toujours inégalement réparti». Autrement dit, «il reste du pain sur la planche».

Le Blick, lui, explique point par point «pourquoi les femmes vont siffler aujourd’hui, pourquoi Genève a teint en violet son jet d’eau emblématique et pourquoi tant de paysans sont grincheux».

Et de mentionner «des centaines d’actions prévues pour ce mardi, au point que l’Union syndicale suisse elle-même en a perdu le compte».

«L’effet Brunner»

La Neue Zürcher Zeitung, elle, a choisi de rappeler les circonstances historiques de la grève de 1991, combinaison «d’actions spontanées convergentes et de travail syndical quant au financement, à l’organisation et à la logistique».

«En cette année 1991, on fêtait à la fois les 700 ans de la Confédération, les 20 ans des droits civiques des femmes et des 10 ans de la loi sur l’égalité, ce qui amenait une comparaison ironique sur la longue histoire de la discrimination.»

Mais le quotidien zurichois met l’accent sur «l’effet Brunner», de la juriste, féministe et ancienne présidente du syndicat Unia Christiane Brunner, qui est à l’origine de cette grève qui a indubitablement marqué les esprits. La même Christiane Brunner que le parlement refusa d’élire au gouvernement, en 1993, (ce sera finalement sa collègue socialiste Ruth Dreifuss qui sera élue), qui suscita à nouveau un vaste mouvement de protestation dans tout le pays. Ce qui a certainement facilité, conclut la NZZ, l’acceptation de la loi sur l’égalité de 95-96 par le même parlement, «soucieux de soigner les électrices».

Au Parlement fédéral justement, qui vit sa troisième semaine de la session d’été à Berne, la question se pose pour les élues de gauche. L’ATS s’est livrée à un petit tour d’horizon de ce «dilemme» que «toutes n’ont pas résolu de la mène manière. L’idéal étant de renvoyer la  séance sous la coupole, mais le Conseil national a refusé».

De même qu’il a refusé, par 92 voix contre 62 et 9 abstentions, une motion d’ordre socialiste pour interrompre les débats à 19 heures, indique encore l’ATS.

La crème des hommes

Le Matin a choisi de demander à une femme de répondre aux critiques sur l’inégalité salariale. Cristina Gaggini, directrice romande d’EconomieSuisse, ne participera pas à la commémoration et «ne fait pas la même lecture des chiffres que les syndicats».

Mais elle estime qu’«il y a une loi sur l’égalité et aucun entrepreneur n’a intérêt à prendre le risque de l’enfreindre». Avant de refuser d’indiquer le montant de son salaire, un tabou qui équivaut à montrer sa culotte.

En revanche, pas un mot de la commémoration ce mardi dans Le Temps, «média suisse de référence», mais une page consacrée aux produits cosmétiques… pour hommes!

Actions. De multiples actions ont été menées devant des gares, des banques, dans des parcs publics ou au sein d’entreprises, afin de commémorer les vingt ans de la Grève des femmes, le 14 juin 1991. Des petits déjeuners, des pauses prolongées ou des discussions ont été organisés. Des dizaines de milliers de chocolats portant le slogan «Notre travail vaut bien plus!» ont aussi été distribués.

 

Participation. Dans l’après-midi, plusieurs milliers de participants se sont réunis dans toute la Suisse pour manifester contre les inégalités salariales. Ils étaient environ 400 à Berne, 300 à Lausanne, 250 à Bâle, 200 à Genève et une cinquantaine à Lugano.

  

Concert de sifflets. Déçue de la faible participation, la coordinatrice de cette journée, Lea Kusano, a pourtant précisé à l’ATS que «beaucoup de sifflets se sont faits entendre à l’intérieur des entreprises». Les associations organisatrices ont distribué en quelques jours, plus de 40’000 sifflets.

Plus de monde attendu pour le soir. Les organisateurs attendent beaucoup plus de personnes pour les manifestations qui auront lieu ce soir dans plusieurs capitales cantonales. Car ils expliquent la modeste participation du début d’après-midi, par le fait que nombre de manifestantes étaient encore au travail.

Source: Agence télégraphique suisse (ATS)

Salaire. Les femmes gagnent en moyenne 20% de moins que les hommes. Le Bureau fédéral de l’égalité (BFEG) note qu’environ 40% de ces différences proviennent d’une discrimination. Les femmes qui occupent des fonctions dirigeantes gagnent jusqu’à 30% de moins que les hommes.  

Temps partiel. Le BFEG ajoute que le marché du travail est toujours divisé entre des professions «masculines» et «féminines», moins payées. En matière d’emploi, six femmes sur dix travaillent à temps partiel. Chez les hommes, cette statistique s’élève à un sur huit ou 12%. Les femmes sont très peu représentées au niveau managérial. Parmi les entreprises suisses enregistrées, on compte seulement 3% de directrices et 4% d’administratrices.

Mal européen. La Suisse n’est pas un cas isolé. Une étude menée par les consultants Mercer, publiée le 3 mars, note que le deux tiers des entreprises européennes interrogées, n’a pas de stratégie pour encourager les femmes à occuper des fonctions dirigeantes. Seulement 11% d’entre elles ont mis sur pied de telles initiatives.

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