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Le profil ADN: une arme absolue pour la police?

L'utilisation des traces génétiques peut faciliter la recherche des criminels. Keystone

Le Parlement ne conteste pas l'analyse génétique pour identifier les auteurs de crimes mais reste divisé sur l'application de la loi.

La gauche craint des abus, la droite dédramatise et compare les profils ADN aux classiques empreintes digitales.

Les progrès scientifiques ont profondément changé le travail de la police. Elle a aujourd’hui la possibilité de démasquer un criminel en analysant par exemple des traces organiques comme des cheveux trouvés sur les lieux d’un crime.

La deuxième étape consiste à constituer des banques de données ADN. C’est le cas en Suisse depuis trois ans. Il s’agit maintenant de donner une base légale à ce qui n’était jusqu’ici qu’une expérience.

En mars dernier, le Conseil des Etats avait approuvé le projet du Conseil fédéral sans opposition. Il restait toutefois à aplanir certaines divergences, notamment à la Chambre du Peuple, quant à l’application de la loi.

Oui de principe

Les profils ADN doivent pouvoir être utilisés dans des enquêtes de grande envergure. Mardi, la Chambre du Peuple a maintenu l’option gouvernementale, relativement permissive pour la justice, par 95 voix contre 50.

Avec l’appui du gouvernement, la majorité bourgeoise a refusé de suivre la commission préparatoire qui s’opposait à des recherches à large échelle.

Les enquêtes de grande envergure sont un instrument important lorsque la police n’a pas de suspect, a déclaré la radicale (droite) Dorle Vallender. D’autres pays européens y recourent et ces mesures ont permis d’élucider des crimes.

Les orateurs bourgeois ont protesté contre toute diabolisation. Les enquêtes de grande envergure restent soumises à des exigences spécifiques.

Elles doivent être décrétées par une autorité judiciaire, leur proportionnalité doit être respectée et leur portée limitée à des personnes présentant certaines caractéristiques, a plaidé Mme Vallender.

Critiques à gauche

Ces garanties ne sont pas suffisantes, a critiqué en vain le camp rose-vert. Les dispositions de la loi sur l’utilisation de profils ADN restent trop floues et risquent d’ouvrir la voie au délit de faciès, a déclaré l’écologiste vaudoise Anne-Catherine Menétrey.

La gauche refuse notamment de lancer des enquêtes de grande envergure contre des personnes qui ne sont pas suspectes. «Tout innocent d’aujourd’hui est-il un coupable pour demain ?», a lancé Mme Menétrey.

La conseillère fédérale Ruth Metzler, favorable aux enquêtes de grande envergure, préfère quant à elle la formulation plus restrictive adoptée par le Conseil des Etats.

Ce dernier, auquel le dossier retourne, veut n’autoriser ces recherches que sur des personnes «présentant des caractéristiques distinctes constatées en rapport avec la commission de l’acte» alors que le National parle de personnes «répondant aux caractéristiques du délinquant».

Pas de tests volontaires

La Chambre des cantons n’aura pas à trancher sur d’autres questions. La majorité bourgeoise du National, là aussi contre l’avis de la commission et avec l’appui du Conseil fédéral, s’est ralliée sur deux points au Conseil des Etats.

Par 94 voix contre 50, les députés ont refusé de permettre à ceux qui souhaitent se disculper de recourir volontairement à une analyse d’ADN.

Ce type de recherche resterait de toute façon possible sur une base volontaire, a renchéri Nils de Dardel.

C’est inutile puisque le présomption d’innocence existe et que ce serait lui porter atteinte, a dit Ulrich Siegrist de l’UDC (droite dure).

Aux Etats-Unis, cette démarche a toutefois a permis à des personnes condamnées à mort à tort d’être acquittées, a plaidé en vain Mme Menétrey.

Quels délits?

En France, les prélèvements ADN ne sont fichés que dans les cas de délits à caractère sexuel. La Grande-Bretagne, en train de constituer un ficher de 3 millions de profils d’ici à 2004, le spectre des délits est beaucoup plus large.

C’est ce dernier qui inspire le modèle proposé au parlement par le Conseil fédéral. Le texte propose un large recours à l’analyse génétique afin de punir les auteurs de crimes graves mais aussi de délits commis en série, comme le vol à l’arraché.

Par 99 voix contre 58, le National n’a pas non plus voulu restreindre la saisie de profils ADN, pour les suspects et la comparaison de données, aux crimes et aux délits contre la vie et l’intégrité corporelle et sexuelle.

Une telle restriction limiterait les effets de la poursuite pénale, a noté le radical fribourgeois Jean-Paul Glasson.

Cela ne sert à rien de relever un profil, si on ne peut pas ensuite le saisir pour le comparer avec d’autres, a pour sa part ajouté la démocrate-chrétienne Doris Leuthard.

Toute la question est donc de savoir s’il faut procéder à des tests à large échelle ou non. En 2002, pour résoudre un crime sexuel particulièrement brutal, la police bernoise avait, sur autorisation, procéder à des test ADN à large échelle.

swissinfo et les agences

La Suisse a créé une banque de données ADN expérimentale en 2000
En février 2003, elle contenait 27’863 profils et 4638 traces
Une trace et un profil ont coïncidé pour 2313 cas, donc 1950 cas de vol

– Les profils ADN devraient pouvoir être utilisés dans des enquêtes de grande envergure afin de trouver l’auteur d’un crime. Cette option a été maintenue par le Conseil national par 95 voix contre 50. Le dossier retourne au Conseil des Etats.

– Par contre, par 94 voix contre 50, les députés ont refusé de permettre à ceux qui souhaitent se disculper de recourir volontairement à une analyse d’ADN.

– Par 99 voix contre 58, le National n’a pas non plus voulu restreindre la saisie de profils ADN, aux crimes et aux délits contre la vie et l’intégrité corporelle et sexuelle.

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