Les zones d’ombre de l’affaire Friederich

Soupçonné de blanchiment, le diplomate reste en prison. Les enquêteurs lui reprochent de ne pas avoir aidé la justice.
La prolongation de la détention préventive de Peter Friederich, ambassadeur de Suisse au Luxembourg, jusqu’au 15 août peut paraître inhabituelle.
En effet, le diplomate, âgé de 60 ans, et ne possédant pas d’autre passeport que celui à croix blanche, ne risque vraisemblablement pas de s’enfuir à l’étranger.
De plus, tous les biens personnels de Peter Friederich et de son épouse sont toujours entreposés dans sa résidence au 204, rue des Romains, dans une banlieue chic de Luxembourg.
C’est d’ailleurs pour cette raison que son remplaçant a préféré annuler la réception organisée pour le 1er août dans le Grand-Duché, faute de locaux libres.
Coincer d’abord les trafiquants de drogue
En fait, le Ministère public de la Confédération (MPC) maintient l’ambassadeur en prison pour «risque de collusion». Contrairement aux déclarations de son avocat Jean-René Mermoud, les enquêteurs considèrent que Peter Friederich n’a jamais sérieusement collaboré avec eux.
Ils évoquent même une «prétendue collaboration» qui aurait eu pour conséquences de freiner considérablement l’enquête.
Résultat, le Tribunal fédéral constate que si Peter Friederich «avait d’emblée dit la vérité concernant l’origine des fonds litigieux, les investigations auraient avancé plus rapidement». Dès lors, le diplomate «doit en supporter les conséquences».
Malgré tout, cette enquête continue de présenter de nombreuses zones d’ombre. La demande de renseignements du service anti-blanchiment du Luxembourg remonte au 28 février 2002, et l’enquête de la police judiciaire suisse «contre inconnu» pour blanchiment d’argent a démarré le 8 avril 2002.
Habituellement, les enquêteurs tentent de coincer les trafiquants de drogue, avant de s’intéresser à ceux qui camouflent l’argent du crime. Pourquoi les justices luxembourgeoise et suisse n’ont-elles pas adressé des commissions rogatoires, notamment en Espagne, beaucoup plus tôt?
Mystérieux financier espagnol
En effet, la personne qui aurait remis de l’argent à Peter Friederich est présentée comme un professionnel de la finance espagnol. Un enquêteur luxembourgeois avance que les deux hommes ont encore eu une conversation téléphonique le 30 juin dernier.
L’ambassadeur va avoir beaucoup de mal à maintenir sa ligne de défense qui consiste à prétendre qu’il ne se serait livré qu’à de l’évasion fiscale.
Le diplomate a notamment déposé à la banque Dexia à Luxembourg, entre août et décembre 2001, 5492 billets de dix livres sterling et 6885 coupures de 20 livres!
Par ailleurs, les Friederich ont tenté début juillet de prendre contact avec un avocat luxembourgeois, domicilié rue Jean-Pierre Brasseur dans la capitale du Grand-Duché, et spécialisé dans les affaires de blanchiment.
Vendredi, le porte-parole du MPC Hansjürg Mark Wiedmer a refusé de donner des précisions à l’ats sur l’affaire. Il n’a pas voulu dire si l’enquête pourra être achevée d’ici le 15 août ou si une nouvelle prolongation de la détention provisoire de Peter Friederich sera nécessaire.
Pas de sanctions
Insistant sur la présomption d’innocence, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) n’a pris aucune nouvelle mesure contre le diplomate.
Selon Livio Zanolari, porte-parole du DFAE, il est «prématuré» de parler de sanctions contre Peter Friederich, malgré la gravité des soupçons pesant contre lui.
Il faut attendre des «éléments concrets», a-t-il ajouté à l’ats. Dans l’intervalle, Peter Friederich continue à toucher son salaire, car le rapport de travail qui le lie à son employeur existe toujours
swissinfo/Ian Hamel

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