
Aide à la presse: entre rêve et déception pour les journaux vaudois

Le Conseil d'Etat vaudois doit prochainement soumettre au Grand Conseil le deuxième paquet d'aide aux médias. Dans cette optique, le président de Vaud Presse, Cédric Jotterand, tire le bilan du premier paquet et fait le point sur la situation des journaux locaux.
(Keystone-ATS) Le premier paquet d’aide à la presse était doté de 6,2 millions de francs sur cinq ans, de 2021 à 2026. Ses principales mesures consistent en l’insertion massive d’annonces dans les journaux locaux et régionaux (2,5 millions) et en une aide à l’innovation (1,25 million). L’éducation des jeunes aux médias afin de renforcer leur esprit critique complète le trio, avec un montant de un million.
L’insertion d’annonces de l’Etat invitant la population à se rendre aux urnes au moment des votations a constitué la mesure au plus fort impact. «Pour nous, c’était le rêve. Cela nous a amené des revenus supplémentaires qui ont compensé une partie de nos pertes au niveau publicitaire», explique Cédric Jotterand dans un entretien à Keystone-ATS. «En revanche, on espérait, peut-être naïvement, que les communications d’autres services de l’Etat suivraient, mais cet effet boule de neige ne s’est pas produit», tempère-t-il.
Le président de Vaud Presse, qui regroupe les principaux éditeurs de journaux locaux du canton, s’étonne particulièrement que les autorités n’aient pas misé pas sur ce vecteur pour diffuser leur campagne à l’occasion des élections communales de mars 2026. «Les services du canton nous ont dit ne pas avoir de budget», regrette-t-il.
«Déçu en bien»
En revanche, le volet aide à l’innovation, qui a donné naissance à la plateforme «Chek» destinée aux 17-25 ans, a positivement surpris celui qui est également rédacteur en chef du Journal de Morges. «J’ai été déçu en bien par la qualité des contenus et les revenus additionnels que cette plateforme nous amène», dit-il.
Concrètement, cette mesure donne la possibilité aux partenaires de Vaud Presse de produire jusqu’à 24 vidéos journalistiques chaque année, rémunérées 2400 francs la pièce et diffusées sur Instagram. Pour le Journal de Morges, qui sous-traite le tournage et le montage des sujets, cela représente environ 28’000 francs par an.
«Ça ne résoudra pas le problème des désabonnements ni des baisses de revenus, mais cela couvrira peut-être l’augmentation de la taxe postale. En outre, cela permet de créer auprès des jeunes de l’intérêt pour leur territoire», estime M. Jotterand.
Pas de miracle
Malgré ses vertus, le paquet vaudois d’aide à la presse n’a toutefois pas pu faire de miracles. «L’exemple de La Région est là pour nous le rappeler», souligne-t-il, en référence au journal basé à Yverdon-les-Bains, qui a fermé en juillet dernier en raison de l’augmentation des tarifs postaux et alors qu’il bénéficiait du soutien aux médias. Un nouveau média doit toutefois voir le jour en novembre.
«Il est de plus en plus difficile de convaincre les annonceurs. Pourtant l’audience reste bonne,» insiste le journaliste. «Les tous-ménages sont très suivis. On le voit avec les réponses aux concours et aux réactions en cas de problème de livraison», fait-il remarquer.
Demandes de toute part
Le rédacteur en chef du Journal de Morges dit par ailleurs n’avoir jamais fait face à une telle demande de couverture de toutes parts. «Avant c’était le Conseil communal, le foot et la fanfare», caricature-t-il. «Mais depuis le Covid, il semble que tout le monde écrit des livres, bat des records, milite pour une association ou met sur pied des événements».
«Notre adresse, les gens la connaissent. Ils nous appellent parce qu’ils veulent qu’on parle d’eux, mais ces mêmes gens ont de la peine à s’abonner. Il faut qu’on parvienne à retrouver ce lien», relève encore M. Jotterand.
Car le président de Vaud Presse en est convaincu, le journal local reste le lien avec les autorités communales, dans un contexte où les habitants ne travaillent que rarement dans leur lieu de domicile. Il demeure également l’un des derniers observateurs neutres des débats politiques locaux, autrement désertés par les médias.
Cédric Jotterand se veut donc optimiste malgré tout. «Si mon téléphone ne sonnait plus tout le temps, là je me ferais du souci», conclut-il.