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Bâle développe un projet géothermique unique

Colonne de forage dans le mât du puits DHM-2. www.dhm.ch

Bâle-Ville veut construire une centrale de production géothermique de chauffage et d’électricité pour 5000 ménages... Qui utilisera la chaleur de la terre à 5 km de profondeur.

Baptisé «Deep Heat Mining», ce projet pilote présente un fort potentiel en Suisse.

Le gouvernement de Bâle-Ville demande au Parlement cantonal de soutenir le projet «Deep Heat Mining» (DHM) avec un crédit de 32 millions de francs. Auxquels seront ajoutés 8 millions de francs provenant de la taxe sur l’électricité.

Il s’agit d’un projet pilote unique en son genre. Une idée «dont le développement aura pris trente ans», précise l’ingénieur Robert Hopkirk, fondateur du groupe de travail DHM.

Il faut rappeler que la géothermie n’est actuellement utilisée que dans les régions volcaniques où d’importantes quantités de chaleur sont captables à faible profondeur.

C’est le cas des pompes à chaleur de plus en plus utilisées pour chauffer des maisons particulières. Il y en avait 69’000 en 2001, soit deux fois plus qu’en 1990.

200 degrés à 5000 mètres

A Bâle – c’est à ce niveau que le projet est inédit en Suisse -, les forages vont descendre jusqu’à 5000 mètres de profondeur où des températures de 200 degrés ont été relevées.

Le principe du «Hot Dry Rock» consiste à injecter de l’eau froide dans un forage.

Sous la pression, cette eau s’infiltre dans les fissures de roches cristallines (en général du granit) qui sont très chaudes à cette profondeur.

Réchauffée, elle remonte à la surface où se réalise un nouvel échange de chaleur.

Cette chaleur est alors transmise à un fluide qui passe dans une turbine pour produire de l’électricité.

La chaleur excédentaire permet de chauffer l’équivalent de 5000 ménages.

Et c’est cette combinaison entre une production de chauffage et d’électricité qui rend le projet bâlois défendable économiquement.

Mieux, il est très écologique. En effet, le système fonctionne en circuit fermé et il ne libère aucun gaz ou liquide dans la nature.

Un coût devisé à 86 millions

Les Bâlois espèrent pouvoir construire une centrale de production de chauffage et d’électricité dans un délai de six ans.

Le coût total du projet a été devisé à 86 millions de francs, dont 6 millions de francs ont déjà été investis pour les sondages et les forages.

A noter que la compagnie d’électricité Elektra Baselland Liestal (EBL) a décidé d’investir dans «Deep Heat Mining». Comme le canton de Bâle-Campagne et la société Gasverbund Mittelland d’ailleurs.

Mais Bâle-Ville ne soutiendra financièrement le projet qu’à la condition expresse que le gouvernement fédéral continue, lui également, à le faire.

Depuis 1996, la Confédération a déjà investi 3,5 millions de francs dans le projet qui a été classé d’importance nationale. Des forages ont aussi été effectués à Genève.

L’Office fédéral de l’énergie prévoit une subvention de 16 millions de francs. A condition, précise le responsable de la géothermie Markus Geissmann, que les budgets de l’Office ne soient pas réduits.

En attendant, une motion a été déposée devant la Chambre du peuple du Parlement fédéral (Conseil national). Elle demande à la Confédération d’attribuer plus d’argent à ce projet pilote.

De l’énergie encore inexploitée

Quand on sait que 99% du globe offre des températures à plus de 1000 degrés, on comprend mieux l’enthousiasme du fondateur du groupe de travail DHM.

«Imaginez, lance Robert Hopkirk, la quantité de chaleur et donc d’énergie à disposition qui est totalement inexploitée.»

«Du fait de sa géologie, renchérit Markus Geissmann, la Suisse possède un grand potentiel technique. Avec cette technique, on pourrait couvrir les besoins en courant de tout le pays.»

Cela dit, économiquement, le «Deep Heat Mining» n’est pas rentable. Du moins pas encore. Comme les autres énergies renouvelables d’ailleurs.

Mais l’expérience des forages réalisés à cette profondeur devrait permettre de réduire les frais.

Quant aux coûts effectifs de l’infrastructure d’une telle centrale, ils sont très modestes. D’autant plus que le site nécessite très peu de place.

L’Office fédéral de l’énergie est modeste. Il mise sur la construction de cinq centrales de ce type en Suisse, d’ici 15 à 20 ans.

Ailleurs dans le monde

Actuellement, une soixantaine de pays utilisent directement des sources d’eau chaude, essentiellement pour le chauffage (77% des applications).

Depuis environ 70 ans, l’énergie géothermique est convertie en électricité. Et, en matière de «Hot Dry Rock Technology», les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont été pionniers.

Depuis, des projets ont été développés en Allemagne, en France, au Japon et en Suède. Et, plus récemment, en Australie et en Suisse.

L’équipe du groupe de travail DHM collabore activement avec les scientifiques qui mènent actuellement une autre expérience pilote en Alsace (F).

Plus clairement scientifique, cette dernière devrait déboucher sur la construction d’une centrale géothermique dans deux ans.

swissinfo, Anne Rubin

– Les conditions de construction d’une centrale géothermique de profondeur sont particulièrement favorables en Suisse.

– Tout d’abord parce que le besoin potentiel en chauffage est significatif.

– Et ensuite parce que les conditions géologiques et géothermiques sont favorables.

– Les deux conditions pour sélectionner un site sont une température de 200 degrés à 5 km de profondeur et que les consommateurs de chaleur soient reliés à un réseau de distribution.

– La construction d’un site de «Deep Heat Mining» utilise des technologies déjà connues.

– Depuis des décades, du courant électrique est généré très économiquement à partir de zones géothermiques un peu partout dans le monde.

– Et la technologie du forage en profondeur (5 à 6 km) dans des roches dures et chaudes combine les expériences acquises dans l’exploitation pétrolière et les mines.

– A quoi s’ajoutent des outils qui résistent aux hautes températures et le savoir-faire de l’industrie géothermique.

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