Aujourd’hui en Suisse
Helvètes du monde, bonjour,
Les jeux semblaient faits. Depuis des semaines, les tendances annonçaient un «oui» clair à l’e-ID. Pourtant, le peuple suisse n’a accepté qu'à un cheveu l’introduction d’une identité électronique.
Cela devrait faire les affaires de la diaspora, qui y voit une chance de simplifier ses relations avec les autorités et les banques. Retrouvez dès demain lundi notre analyse complète du vote des Suisses à l’étranger.
D’ici là, bonne lecture!
Au terme d’un véritable suspense, l’e-ID passe de justesse l’épreuve des urnes, avec 50,4% de oui. Les citoyennes et citoyens suisses disposeront d’une carte d’identité numérique dès le troisième trimestre 2026.
Alors que les sondages annonçaient un net avantage pour le camp du oui, ce scepticisme dominical constitue une surprise. Les résultats sont restés extrêmement serrés jusqu’en milieu d’après-midi, et c’est le canton de Zurich qui a finalement sonné le glas des opposantes et opposants au projet.
Pour expliquer le résultat plus serré que prévu, le député vert Gerhard Andrey, que l’on considère comme le père du projet d’e-ID, a estimé, au microphone de la télévision publique francophone RTS, que le comité référendaire a réussi à jouer avec les peurs de la population.
Du côté des opposantes et opposants aussi, on s’attendait à un oui plus franc. Interrogé par la RTS, Jonas Sulzer, membre du comité référendaire, considère que les préoccupations du camp du non ont été entendues: «C’est un succès que nous ayons réussi à sensibiliser un grand nombre de personnes, qui ont constaté ces manquements».
Dans un communiqué, l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE) s’est réjouie de l’acceptation de la nouvelle loi sur l’e-ID, qu’elle considère comme une «décision importante pour la Cinquième Suisse». Elle enjoint les autorités compétentes, les banques et les autres prestataires de services à intégrer rapidement l’e-ID dans leurs systèmes.
Le petit oui de dimanche à l’e-ID permet de tirer certaines conclusions et d’esquisser des perspectives pour l’avenir. Analyse du vote en cinq leçons.
1. L’électorat conservateur a failli faire couler le projet d’e-ID
La promesse de l’abolition de la valeur locative a poussé l’électorat des cantons ruraux conservateurs vers les urnes, car ces régions abritent de nombreux propriétaires qui bénéficieraient directement du changement de système. Cette population plus âgée et moins technophile que les zones urbaines a, en parallèle, massivement rejeté l’e-ID.
2. Une proposition prudente et tout helvétique, qui a convaincu de justesse
Après un rejet massif de l’e-ID en 2021, le gouvernement est revenu avec une proposition entièrement gérée par l’État. Il a également opté pour une approche prudente: l’e-ID sera gratuite et servira uniquement à prouver son identité, sans donner accès à des fonctionnalités supplémentaires.
3. Les opposants ont fait mouche malgré un front désuni
Parmi les opposants à l’e-ID figurait notamment le Parti pirate. À l’approche de la votation, un conflit interne l’a scindé en deux camps. Au départ divisée entre jeunes et élus à Berne, l’UDC s’est lancée unie en août dans la bataille contre l’e-ID. Malgré la défaite, la proportion élevée de non (49,6%) et la nette majorité de cantons en défaveur du projet sonnent comme un succès pour la droite conservatrice.
4. Justifier son identité à tout bout de champ, un risque à éviter
Avec l’introduction de l’e-ID, la tentation d’exiger le sésame numérique à outrance sera désormais grande. Mais devoir constamment présenter une preuve d’identité pourrait fragiliser le lien de confiance qui existe entre la population suisse et ses autorités. Ces dernières devront veiller à une utilisation proportionnée de l’e-ID.
5. Les autorités devront tendre la main aux «illettrés» numériques
L’e-ID restera facultative. Or elle pourrait bien devenir le standard minimum, posant un problème à toutes celles et ceux qui refusent son usage ou rencontrent des difficultés majeures pour accomplir des tâches numériques simples.
Une nette majorité des Suisses veulent voir disparaître la valeur locative. La suppression de cet impôt a été acceptée dimanche à 57,7%.
Alors que le sort de la valeur locative était encore incertain lors du dernier sondage d’opinion paru il y a dix jours, la Suisse a finalement dit un oui assez clair à la suppression de cet impôt.
La valeur locative est une spécificité suisse. Imposable comme un revenu, elle correspond au loyer fictif que les propriétaires qui habitent leur logement pourraient théoriquement obtenir en le louant.
La valeur locative va donc disparaître. En contrepartie, le projet de loi prévoit que les cantons pourront désormais prélever un impôt immobilier spécial sur les résidences secondaires. En outre, les propriétaires ne pourront plus déduire fiscalement leurs intérêts hypothécaires ou encore leurs travaux d’entretien et de rénovation, comme c’est le cas aujourd’hui.
Un véritable «Röstigraben» s’observe sur cet objet. Tous les cantons romands (et Bâle-Ville) refusent assez massivement le projet, tandis qu’outre-Sarine, tous l’acceptent. Sur le plan politique, le clivage s’est inscrit dans un schéma gauche-droite, la gauche s’opposant à la réforme contre la droite qui la soutenait.
Plusieurs votations d’importance ont eu lieu dans les cantons, notamment au Tessin, qui a dit oui à deux initiatives pour combattre la cherté des primes maladies. Bâle-Ville ancre dans sa constitution les bonnes relations avec ses voisins européens et, plus cocasse, Thurgovie abolit «l’interdiction de danser» les jours fériés.
La population tessinoise réagit à la plus forte hausse des primes d’assurance maladie au plan national et a adopté deux initiatives visant à soulager les ménages. La première prévoit qu’un ménage ne consacre à l’avenir pas plus de 10 % de ses revenus aux primes d’assurance maladie, ou que le canton accorde davantage de réductions de primes. La seconde impose des déductions fiscales plus élevées pour les primes d’assurance maladie.
À une nette majorité (64%), la population bâloise a dit oui à l’initiative «Ensemble en Europe». La Constitution du canton de Bâle-Ville stipulera désormais que le gouvernement doit s’engager en faveur de bonnes relations avec les pays voisins et l’Union européenne.
Dans le canton de Thurgovie, les manifestations non religieuses étaient interdites lors des cinq grands jours fériés. Une initiative parlementaire demandait un assouplissement de cette loi en vigueur depuis 30 ans. La population a dit oui, mais de justesse seulement (51,1%).
À Genève, dans la course à la succession de l’écologiste Antonio Hodgers au Conseil d’État, le Vert Nicolas Walder est arrivé en tête du premier tour. Une votation cantonale très controversée sur la police figurait également au menu du canton du bout du lac, en plus de quatre autres.
Comme aucun candidat n’a atteint la majorité absolue lors de l’élection complémentaire au Conseil d’État genevois, un deuxième tour aura lieu le 19 octobre. Le conseiller national écologiste Nicolas Walder a cependant remporté le premier tour.Le candidat écologiste a devancé l’UDC Lionel Dugerdil. À la suite de la démission surprise d’Antonio Hodgers, l’enjeu de ce scrutin était de taille pour le parti écologiste, qui a toujours eu au moins un représentant à l’exécutif genevois depuis 1997.
La population genevoise a en outre balayé à plus de 67% des voix l’initiative très controversée de l’UDC sur la police. Celle-ci visait à modifier le régime de responsabilité pénale des policières et policiers genevois pour leur accorder une quasi-immunité pour les actes commis dans le cadre de leurs fonctions.
Les Genevoises et Genevois ont également refusé les deux lois dites «corsets», qui visaient à limiter la hausse des dépenses et des engagements à l’État en cas de déficit. L’initiative visant à fixer dans la loi un seuil de 10% de logements détenus par des coopératives d’habitation sans but lucratif a été largement acceptée, avec 60% de oui. Enfin, le contre-projet visant à développer les infrastructures piétonnes a été préféré (57%) à l’initiative d’origine, rejetée sur le même score.
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