«Adieu, merci la Suisse»: «L’intégration, ce n’est pas un sprint, c’est un marathon»
Derrière l’idée d’un nouveau départ, l’expatriation confronte à bien plus qu’un changement de décor: elle oblige à composer avec d’autres normes, d’autres rythmes, d’autres manières d’être. Dans cet épisode du podcast «Adieu, merci la Suisse», nous explorons les chemins parfois sinueux de l’intégration - et expliquons quelle phrase toute simple peut parfois ouvrir bien plus de portes que l’on ne l’imagine.
Le choc culturel se manifeste parfois dans des détails du quotidien. Vanessa Meister, une Suissesse installée en Inde, en a fait l’expérience à plusieurs reprises, notamment dans le rapport au temps. En Inde, «les événements commencent souvent deux heures après l’heure annoncée», raconte-t-elle. Une réalité déstabilisante quand on vient de Suisse, un pays où la ponctualité est associée à une forme de respect.
Avec le temps, elle a toutefois appris à décoder ces différences. «C’est essentiel de s’adapter pour vivre dans un autre pays», explique-t-elle. Sans cette capacité, l’agacement devient permanent, et l’expérience à l’étranger se transforme en lutte.
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Au début, Vanessa Meister se heurte également à une autre norme culturelle majeure: la difficulté à dire «non». «Ici, les gens veulent faire plaisir. Ils disent oui, même lorsqu’ils savent qu’ils ne pourront pas tenir un délai», explique-t-elle. Résultat: Elle se retrouvait chez le couturier, attendant une chemise annoncée comme prête ce jour-là… qui ne l’était pas.
Jamais complètement dans une culture
Avec le temps, elle apprend à lire entre les lignes, à saisir ce qui reste implicite et à ajuster ses attentes. «Aujourd’hui, je reconnais mieux ces codes. Cela me contrarie moins qu’au début», confie-t-elle.
Le podcast «Adieu, merci la Suisse» est également disponible en vidéo. Visionnez l’épisode:
Les différences se manifestent aussi dans la sphère familiale: «En Inde, les enfants dorment souvent avec leurs parents jusqu’à un âge avancé et n’ont pas vraiment à suivre de règles, souligne-t-elle. En Suisse, on a tendance à être plus strict avec les enfants quand ils sont petits, et à l’adolescence on leur donne plus de liberté. En Inde, c’est un peu l’inverse.»
Vivre entre deux mondes laisse des traces. «En ayant un pied dans deux cultures, on n’est jamais complètement dans l’une ni dans l’autre, observe Vanessa Meister. Et il y a toujours quelqu’un qui est contrarié».
L’intégration n’est pas un sprint
Pour la coach interculturelle Heike Geiling, qui a elle-même vécu dans de nombreux pays, ces expériences sont normales – et universelles. «Le choc culturel, tout le monde le traverse. Mais personne n’en parle, souligne-t-elle. Au contraire, l’entourage s’attend souvent à ce que l’expatriation soit une expérience extraordinaire, presque idyllique.»
«Ma recommandation: au moins apprendre à dire dans la langue du pays: ‘je ne sais pas encore parler votre langue, est-ce que vous parlez anglais?’ Ça ouvre les cœurs»
Heike Geiling, coach interculturelle
Or, l’intégration prend du temps. «Il faut de la patience. L’intégration, ce n’est pas un sprint, c’est un marathon», insiste-t-elle. Une démarche qui demande curiosité et ouverture. «Si je suis curieuse, je ne juge pas».
La langue est souvent le premier obstacle – et parfois le plus symbolique. Pour Heike Geiling, il n’est pas nécessaire de parler parfaitement pour créer du lien. «Ma recommandation, c’est au moins d’apprendre à dire dans la langue du pays: ‘je ne sais pas encore parler votre langue, est-ce que vous parlez anglais?’», explique-t-elle. En insistant sur le mot «encore». «Ça ouvre les cœurs», dit-elle.
Ne pas se perdre en chemin
Mais alors, jusqu’à quel point faut-il s’adapter? Aux yeux d’Heike Geiling, la frontière est claire: «L’assimilation mène à se perdre. Et se perdre rend malheureux. À l’inverse, l’intégration permet d’être soi-même, tout en respectant la culture autour de soi».
Plongez dans notre podcast audio et vidéo et explorez avec nous les multiples facettes de l’expatriation et de la vie à l’étranger. Disponible aussi en suisse allemand.
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Encore faut-il savoir qui l’on est. «On ne peut pas retirer le meilleur des deux mondes si on ne connaît pas ses valeurs fondamentales», souligne-t-elle. D’où l’importance d’une «boussole intérieure», qui aide à orienter ses choix, même loin de tout ce qui est familier.
S’expatrier, finalement, ce n’est pas seulement apprendre à vivre ailleurs. C’est apprendre à vivre autrement – sans se trahir.
Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg
Quelles chansons associez-vous à la Suisse? Nous avons posé cette question à nos hôtes et avons créé une playlist «mal du pays» avec tous leurs morceaux. Bonne écoute!
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