Successions à l’étranger: ce qu’il faut savoir
Pour de nombreux Suisses vivant à l’étranger, planifier une succession ou gérer un héritage constitue un défi complexe. En effet, il ne s’agit pas seulement de patrimoine. Ce sont aussi des valeurs, des responsabilités et des systèmes juridiques différents qui entrent en jeu.
«Ma génération hérite autant qu’aucune génération avant elle», affirme le cinéaste suisse Simon Baumann. Rien qu’en Suisse, au cours des 30 dernières années, les héritages ont augmenté à un rythme deux fois plus rapide que les salaires. Selon les estimationsLien externe de l’Université de Lausanne, ils devraient atteindre cette année, pour la première fois, la somme de 100 milliards de francs.
Les parents de Simon Baumann, Stephanie et Ruedi, ont autrefois tous les deux siégé au Conseil national, respectivement pour le Parti socialiste et pour le Parti écologiste suisse. Retirés de la vie politique, ils vivent depuis plus de vingt ans dans une ferme située dans le sud-ouest de la France. Ils souhaitent désormais régler leur succession.
Le fils, Simon Baumann, a saisi l’occasion pour réaliser un documentaire sur les différents aspects de la succession. En mars dernier, son film Nous, les héritiers a remporté le Quartz du meilleur documentaire au Prix du cinéma suisseLien externe.
Comme aucun des deux enfants n’est intéressé à reprendre la ferme en France, de nombreuses questions liées à l’héritage émergent au sein de la famille.
Quels sont les points à considérer lorsque des Suisses vivant à l’étranger souhaitent régler leur succession?
Lorsque le patrimoine d’une succession est réparti au-delà des frontières nationales, des obstacles juridiques et fiscaux supplémentaires viennent s’ajouter aux questions familiales et financières, déjà souvent délicates en elles-mêmes.
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Pour les plus de 800’000 Suisses établis à l’étranger, ainsi que pour les personnes ayant la double nationalité résidant en Suisse, anticiper et organiser sa succession de manière claire et réfléchie permet d’éviter bien des complications pour les proches.
C’est compliqué
En effet, les obstacles sont nombreux, comme le montre cette liste suivante d’un lecteur ayant manifestement vécu une procédure successorale éprouvante: «les délais avec lesquels les banques traitent les démarches après la publication du testament; les demandes répétées de remboursement de l’impôt à la source, malgré une convention fiscale entre la Suisse et le pays de résidence; les difficultés à ouvrir et gérer un compte bancaire en Suisse lorsqu’on vit en dehors de l’Europe».
Il est en premier lieu utile de savoir où trouver les informations. En effet, en Suisse, depuis le 1er janvier 2025, de nouvelles règlesLien externe sur le droit successoral international sont en vigueur. Elles répondent à l’intensification des relations internationales entre les personnes et leurs patrimoines successoraux.
«Ces améliorations prennent un relief particulier à l’heure où il est de plus en plus courant de mener sa vie professionnelle et privée entre plusieurs pays et où le nombre de successions internationales augmente», écrit le Conseil fédéral dans un communiquéLien externe à ce sujet.
En principe, c’est le droit successoral du dernier domicile habituel de la personne décédée qui s’applique; pour les Suisses vivant à l’étranger, il s’agit donc généralement du droit de l’État de résidence. Avec la nouvelle législation, toutefois, les Suisses de l’étranger, ainsi que les personnes ayant une double nationalité, peuvent désormais stipuler dans leur testament l’application contraignante du droit successoral suisse.
Le droit suisse pas applicable partout
Cela peut offrir des avantages en matière de planification successorale et clarifier qui hérite. Toutefois, tous les pays ne reconnaissent pas cette règle. C’est pourquoi la personne qui laisse un héritage devrait impérativement se renseigner auprès des autorités compétentes de son pays de résidence.
Il est également important de savoir que le droit successoral suisse ne permet pas de contourner le droit à la réserve héréditaire: les parts réservataires en faveur des enfants et des conjoints survivants restent toujours protégées, dès lors que l’on applique le droit suisse.
Par ailleurs, dans un testament, le droit successoral peut être appliqué de manière différenciée selon les biens patrimoniaux. Par exemple, les biens immobiliers situés en France sont obligatoirement soumis au droit français.
En Italie, la situation concernant les biens immobiliers semble un peu plus complexe, comme nous l’écrit une lectrice: «Dans certaines provinces des régions Frioul-Vénétie Julienne et Trentin-Haut-Adige, y compris les provinces autonomes de Trente et Bolzano, les biens immobiliers sont soumis au système dit ‘tavolaire’. Cela rend la succession immobilière un peu plus compliquée, car le processus bureaucratique ne se gère pas uniquement auprès de l’Administration fiscale (bureau des successions et du cadastre) comme dans le reste de l’Italie, mais il faut demander un ‘certificat d’héritage, délivré par le tribunal civil du territoire où se trouve le bien immobilier concerné.»
Il ne s’agit probablement là que d’un exemple parmi des centaines de réglementations locales spécifiques pouvant affecter les successions transfrontalières.
La question des impôts
Outre le choix du droit successoral applicable, le traitement fiscal de la succession est d’une importance centrale. Les biens hérités introduits en Suisse depuis l’étranger sont en règle générale exonérés de droits de douane jusqu’à une valeur de 100’000 francs.
Si les biens ont une valeur supérieure, une déclarationLien externe auprès de l’Administration fédérale des douanes est nécessaire. Celle-ci délivre ensuite une autorisation d’importation.
Comme beaucoup d’autres domaines, l’impôt sur les successions est en Suisse réglé au niveau cantonal et, pour les successions situées à l’étranger, il est généralement perçu dans l’État de domicile de la personne décédée. En Suisse, la succession doit être déclarée et imposée comme patrimoine.
Il existe un risque élevé de double imposition, car plusieurs États peuvent prélever des impôts sur la même succession.
La Suisse n’a conclu que peu de conventions de double imposition (CDI) en matière d’impôts sur les successions, par exemple avec l’AllemagneLien externe, l’AutricheLien externe, la SuèdeLien externe, les États-UnisLien externe et le Royaume-UniLien externe. Avec de nombreux autres pays, il n’existe toutefois pas de tels accords.
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La France ne veut pas d’une nouvelle convention sur les successions
Il est officiellement recommandé aux Suisses de l’étranger de déposer leur testament auprès d’une représentation suisse (ambassade ou consulat). Toute éventuelle option en faveur du droit suisse doit être formulée clairement dans le testament.
Les testaments ou contrats de succession plus anciens devraient être vérifiés et, si nécessaire, adaptés, car les nouvelles règles internationales en matière de droit successoral de 2025 s’appliquent à partir du moment du décès, et non de la rédaction du testament.
Étant donné la complexité extrême de la matière, il est conseillé dans presque tous les cas de recourir tôt à une aide professionnelle en droit successoral international. Les ambassades et consulats suisses peuvent fournir de premières informations et des listes de spécialistes locaux dans ce domaine.
Comme le montre Simon Baumann dans son documentaire: un héritage ne se limite pas aux biens matériels – il transmet aussi des histoires de vie, des espoirs et des responsabilités.
Texte traduit de l’allemand à l’aide de l’IA/op
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