
A Genève, les hommes confrontés à leur «Destin»
Le cinéma et son écriture peuvent-ils se convertir en expérience théâtrale? Oui et non si l´on en juge d´après la dernière création de Catherine Sümi et Jacques de Torrenté, présentée à Genève. Deux nouvelles d´Ethan Coen: l´une convainc, l´autre déçoit.
Le tandem a monté son spectacle à partir de deux nouvelles du scénariste américain Ethan Coen, frère de Joel le cinéaste («Barton Fink», «The Big Lebowski»… et bientôt «O’Brother»). Ce qui cimente les deux nouvelles, c’est «la dominance du mâle par la sexualité».
Sujet bandant que Coen traite avec un humour épicé, ramenant l’ambition des hommes à une trivialité qui n’a d’égale que leur bêtise. Dans la première nouvelle, «La Quarantaine», un homme espère parer à l’ennui de sa vie conjugale en trompant sa belle épouse; laquelle finit par l’assassiner.
Le récit est raconté en flash-back par un ami de la victime, qui trouve en la personne de Jean-Marc Morel un très bon interprète. Ce dernier a quelque chose d’un déshérité sorti d’une pièce d’O’Neill. L’histoire narrée, il l’a complètement intériorisée. Au point de la ressortir sous forme de monologue où rien ne distingue plus la parole rapportée de la sienne propre.
L’écriture de Coen, très cinématographique, se trouve ainsi différemment éclairée. Elle puise son sens dans la solitude d’un propos que le théâtre affectionne quand il traque l’aliénation. Et c’est convaincant.
Les choses se gâtent dans la seconde nouvelle «Destin» où deux mafieux s’affrontent sur fond de déboires sexuels. Ils se livrent un chantage mutuel en se servant d’un boxeur naïf incarné par Pierre Isaïe Duc, également narrateur de l’histoire.
Le jeu du comédien se limite ici à un exercice de style vocal qui marque le changement de locuteurs sans rien apporter au texte. Il faut dire qu’ici l’écriture épouse le mouvement d’une caméra qui multiplie gros plans, fondus enchaînés, contre-plongées…
Autant de procédés que le théâtre, s’il n’est pas d’une précision concrète, peine à transmuer en élément scénique. Fallait-il porter sur les planches un Destin plutôt réservé à l’écran?
Ghania Adamo
«Destin»: Genève, Théâtre du Grütli, jusqu’au 14 octobre.

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